Memento Mori – et plus - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Memento Mori – et plus

Copier le lien

Il y a quelques semaines, ma femme et moi avons eu un méchant accident de voiture. Nous étions en route pour la messe du dimanche dans notre ancienne paroisse. Au coin de notre ancienne rue, j’ai démarré au moment où le feu est passé au vert (comme je l’ai fait des milliers de fois). Une jeune femme – qui a avoué plus tard « qu’elle ne faisait pas attention » – a traversé à toute vitesse au feu rouge. Bien qu’elle m’ait cogné carrément du côté du conducteur, Je n’ai pas eu beaucoup de mal. Curieusement, ma femme qui était du côté opposé, a eu de sérieuses contusions et, comme nous l’avons appris par la suite, une légère commotion cérébrale. Mais je suis reconnaissant. Cela aurait pu être pire, bien pire.

J’ai mis tout ce temps à écrire sur ce sujet parce que je suis encore en train d’essayer de comprendre où et comment toute cette expérience « s’intègre ».

On passe son temps à nous rappeler : Memento mori, souviens-toi que tu vas mourir – et du coup, sois prêt. C’est un très bon conseil, non seulement parce que cela remet en bonne perspective ce qui concerne la vie et la mort, mais parce que c’est littéralement vrai que n’importe quel jour peut être le dernier pour vous pour moi, pour n’importe qui.

J’ai entendu dire que certains saints se mettent à prier spontanément dans des crises soudaines – Saint Jean Paul II quand Mehemet Ali Agça a tiré sur lui, et Saint José Maria Escriva quand lui aussi a eu un accident de voiture.

Certaines personnes, qui sont loin de la sainteté, changent radicalement de comportement. D’autres encore voient toute leur vie passer devant leurs yeux. Telle qu’est la nature humaine, j’imagine que ce spectacle n’est pas toujours joli.

On entend aussi des gens dire, par exemple, que le temps se ralentit, et que la vie s’accélère dans de tels moments. C’est ce qui nous est arrivé. J’ai observé ce qui se passait presque avec détachement et sans émotion (je pourrais en jurer) tandis que le côté de la voiture se courbait. Mais une fois que j’ai pu constater que ces voitures modernes très sécurisées, même si on les heurte à grande vitesse, ne se déforment pas de plus de quelques centimètres, je me suis dit (c’était rétrospectivement absurde) , « « Okay, pas de problème ».

Alors, je me suis tourné pour voir comment allait ma femme. Nous nous souvenons vaguement nous être demandé « est-ce que ça va », et avons constaté qu’aucun des deux n’était gravement blessé. Tout ceci nous a paru (à tous les deux) ne durer que 15 secondes : en vérité, cela ne pouvait pas avoir duré plus de deux secondes et aucune de ces paroles ne pouvait avoir été prononcées – ni dans mon esprit, ni entre nous – en si peu de temps.

Le père Roger Landry, qui fut pendant un temps mon collègue EWTN, me dit que sa mère et son père ont eu un accident similaire il y a des années. Et qu’ils ont continué leur chemin en boitillant jusqu’à la messe, parce qu’après tout c’était un dimanche matin, et que cela leur était possible. (Ce qui explique beaucoup de choses à propos des vertus de ce  « padre »).

Nous sommes allés à l’hôpital parce que mon gendre, un ex marine, a insisté sur le fait qu’on ne sait jamais ce qui a pu arriver dans vos intérieurs après un choc massif. Les médecins plus tard ont dit à ma femme qu’elle avait l’équivalent pour un adulte du syndrome du bébé secoué. J’avais l’impression que mes organes avaient été brouillés. J’avais joué au football dans ma jeunesse et pris quelques coups assez durs de la part de gros costauds. Mais je ne pouvais pas me mettre à décrire l’impression bizarre que cela me faisait d’être là, sans aucune blessure, et en même temps, différent de ce que j’étais quelques secondes plus tôt.

Quand on atteint un certain âge, on commence à penser à la fin, mais quelque chose comme cela le rend réel. Non seulement on n’a plus le sentiment d’invulnérabilité de quelqu’un de jeune, mais on sait dans les termes les plus concrets que la fin va venir – et qu’il faut se préparer à la manière d’y faire face. Ceci n’est pas une préoccupation uniquement chrétienne d’ailleurs. Les humanistes en sont venus à réaliser combien les écoles de philosophie ancienne étaient en vérité quelque chose comme de la direction spirituelle. Dans le Phédon, Platon rapporte que Socrate disait : « Ceux qui font bien de la philosophie se préparent à mourir ».

Parmi les nombreuses choses que nous avons perdues dans l’effondrement de la culture catholique du dernier demi-siècle, il y a l’attention à la plus importante question de la fin de vie : comment mourir. Il s’agit de bien autre chose que de décider s’il faut traiter ou non ce sujet. Un de mes saints patrons, Robert Bellarmine (1542 – 1621) après une vie d’activité intellectuelle intense – à combattre les erreurs des protestants, essayer d’être médiateur dans le cas Galilée, et écrire des œuvres théologiques sérieuses, dont un catéchisme qui a eu une grande influence – vers la fin de sa vie, « maintenant délivré des affaires publiques », a composé « L’art de bien mourir ».

Dans le monde moderne, nous sommes supposés savoir que penser à la mort est morbide. Bellarmine, héritier à la fois de la sagesse païenne et de la sagesse chrétienne, pensait autrement : « peut-on imaginer une folie plus grande que de négliger cet art, dont dépendent nos intérêts les plus grands et éternels ; alors que d’un autre côté nous apprenons avec beaucoup de peine, à pratiquer avec autant d’ardeur, d’autres arts presque innombrables, dans le but de préserver ou d’accroitre des choses périssables ? »

On ne peut probablement pas trouver d’indication plus claire de la distance qui existe entre la sagesse traditionnelle, et l’époque actuelle que ceci :
Maintenant, tout le monde admettra que l’art de bien mourir est la science la plus importante de toutes ; du moins tous ceux qui réfléchissent sérieusement à la façon dont, après la mort, nous devrons rendre compte à Dieu de tout ce que nous aurons fait, dit ou pensé pendant toute notre vie, même le moindre petit mot ; et que le diable, étant notre accusateur, notre conscience un témoin et Dieu notre juge, une sentence de bonheur ou de misère éternels nous attend.

J’ai été un peu étonné hier matin avant la messe, en lisant l’Evangile de la fête du Christ Roi. J’ai d’abord cru que quelqu’un s’était trompé de passage pour ce jour-là. Puis, j’ai réalisé : Oui la Miséricorde, oui l’Amour qui a voulu mourir sur la croix pour nous, mais aussi le juste jugement du Roi et la séparation des brebis d’avec les boucs, comme il nous en a explicitement prévenus – ou bien alors, les efforts, les sacrifices et les épreuves de la vie Chrétienne n’ont aucun sens.

27 novembre 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/11/27/memento-mori-and-more/

Tableau : Le jugement dernier par John Martin, 1853 [Tate Gallery, Londres].