Le principe de base de la civilisation est la norme de Socrate, selon laquelle il n’est jamais bien de faire le mal. Le corollaire de ce principe est que rien de mal ne peut arriver à un homme de bien. Donc la mort n’est pas le pire des maux. Ainsi, si quelqu’un meurt, même de la main de l’état, en soutenant le bien, il affirme la validité du principe original. Il ne le renie pas en affirmant que ce qui est mal est bien.
En de nombreuses manières, la Révélation réaffirme simplement ce principe socratique conforté maintenant dans la mort du Christ. Pour être catholique, on accepte à la fois la raison et la Révélation comme directement liées l’une à l’autre d’une manière non contradictoire. Pour distinguer ce qui est de l’un ou de l’autre est une fonction de l’intelligence lorsqu’elle cherche à savoir ce qui est.
Être catholique inclut les principes et les promesses uniques qui se trouvent dans la Révélation, dans la loi divine. Pour garder ces principes vivaces d’âge en âge après la venue du Christ, une église a été établie avec une autorité visible et permanente.
La traduction habituelle de « les Portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle (l’Église) » signifie que l’autorité centrale de l’Église ne contredira pas et ne pourrait pas contredire ni la raison ni la Révélation. Elle a été chargée de les soutenir toutes les deux.
Si cette autorité devait être en contradiction avec sa mission originelle, ce qui suivrait serait non seulement une aberration venant d’un prélat donné, mais, en soi une preuve que l’ensemble du projet de la Révélation était imparfait dès le commencement.
Au cours de l’histoire de l’Église, un couple d’incidents très discutés semblent donner corps à cette contradiction. Mais suffisamment de doutes à propos de ce qui a été enseigné d’eux ont empêché toutes preuves de contradiction.
Aujourd’hui, dans l’Église, beaucoup sont concernés, silencieusement ou publiquement, par ce point. l’Église a-t-elle contredit son propre mandat sur une ou plusieurs questions fondamentales?
Alors que cette inquiétude a été évoqué dans les média religieux, ce n’est que récemment que les média laïcs ont commencé à en percevoir les enjeux. Cette lenteur résulte probablement des tendances idéologiques de la presse. Depuis peu l’Église semble approuver systématiquement les mêmes choses qui sont les principes de base du monde moderne.
Les critiques modernes de la religion ont depuis longtemps critiqué les religions, et en particulier le Catholicisme, parce qu’elles prétendaient être une source d’autorité indépendante et transcendante à celle de l’état. Cette autorité permanente signifiait que le principe de Socrate qui limitait l’état à utiliser seulement ce qui est bon, était opérationnel dans tous les états, quelque soit leur configuration ou implantation. L’état était limité, pas absolu. Un parlement mondial des religions sous la seule autorité de l’état ou des Nations Unies n’était pas possible. La liberté pour tous les citoyens dans n’importe quel état était ancrée dans le principe de Socrate.
Ce qui trouble beaucoup d’observateurs, catholiques et non-catholiques, est de savoir si l’Église a, en fait, rejeté le principe de Socrate et la loi de la Révélation divine qui y est attachée. Beaucoup, sans aucune doute, sont troublés et le disent. Il est rare que, lorsque le sujet est abordé, personne ne s’interroge « qu’est-ce qu’il se passe à Rome? ». L’inquiétude se porte sur la loyauté de l’Église par rapport à elle-même, par rapport à ce qu’on lui avait demandé de soutenir depuis le début.
Plusieurs sortes de réponses sont entendues. Un groupe pense que l’Église est démodée et devrait changer vers un paradigme de modernité. Pour eux, tout va bien. Un autre groupe ne veut rien dire, et préfère ignorer tout cela. Cela passera. Certains sont profondément bouleversés mais maintiennent que, quelque chose ex officio est tellement clair qu’aucun doute sur cette déviance ne pourra être soutenu et ils continuent à penser que tout est pour le mieux.
D’autres méditent sur les discussions sur les papes hérétiques dans Bellarmin et Suarez. La conclusion générale venant de sources anciennes, est que si un pape est hérétique, ipso facto il n’est plus un pape. C’est juste une question de savoir qui peut officiellement le déclarer.
Frank Sheed, dans sa réflexion sur l’infaillibilité pontificale dans « la Charte de Vie » dans les années 1930, soutenait que le Saint Esprit empêcherait un pape hérétique de s’exprimer. D’autres attendent qu’il y ait un autre pape, soit par sa mort ou sa démission. L’agitation vient de quelques évêques sur leur responsabilité à réaffirmer la tradition de la loi Socratique/divine
Etant un Catholique à n’importe quelle époque est difficile. La plupart de nous avons toujours pensé que les problèmes viendraient de l’extérieur. Mais aujourd’hui, les problèmes semblent venir de l’intérieur. L’Église catholique a vraiment été le dernier bastion du principe de Socrate dans le monde moderne. Clairement, si, – en fait – son autorité se contredit elle-même à un niveau profond, il y a vraiment quelque chose qui a vraiment mal tourné
Ici, je n’exprime pas une opinion sur les faits mais je cherche à clarifier ce qui est en jeu, à savoir: – 1) La permanence au cours du temps du principe de loi Socratique/divine en tant que fondement de la civilisation, et – 2° L’intégrité du dépôt de la foi à travers les âges.
James V.Schall,s.j., qui travailla comme professeur à l’université de Georgetown pendant 35ans, est un des plus prolifique écrivain catholique d’Amérique. Ses plus récents livres sont : The Mind That Is Catholic, the Modern Age, Political Philosophy and Revelation : A Catholic Reading, and Reasonable Pleasure.
Illustration : Socrates par Victor Wager, 1931 [University of Western Australia, Crawley]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/02/27/on-being-catholic-2/