Les bases de l'Église : politique ou spiritualité ? - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Les bases de l’Église : politique ou spiritualité ?

Copier le lien

Quand les futurs reporters étudient l’art du journalisme en Faculté ou Université, la politique est généralement la matière de choix pour affûter leurs compétences. Autrement dit, les journalistes sont pour la plupart essentiellement formés au journalisme politique. Choix plein de sagesse, car les postes de journalistes les plus disponibles sont voués au domaine politique. Mais en contrepartie le journalisme consacré aux autres domaines a tendance à prendre une tournure politique. Ce qui peut en déséquilibrer la portée.

On peut citer bien des exemples, mais ils semblent particulièrement nombreux dans la couverture des sujets religieux. Et on constate cette tendance non seulement chez les journalistes d’organes laïcs pour qui une crosse épiscopale est une sorte de croix, ou une sœur Carmélite une bouddhiste adepte du Karma. Bien sûr, cinq secondes de recherche sur Google peuvent aisément arranger les choses — pourvu qu’on soit conscient de son ignorance. Le plus perturbant, c’est de découvrir ce même genre d’erreurs dans des organes Catholiques. Les journalistes Catholiques adoptent le vocabulaire politicien pour leurs articles consacrés aux affaires de l’Église, avec des résultats guère réjouissants.

Parmi les expressions courantes qui imprègnent (ou plutôt déforment) le langage au sein de l’Église se trouve la distinction entre “progressistes“ et “conservateurs“. Pour le journaliste qui voit tout à travers la lorgnette politique ce serait assez naturel. La politique consiste essentiellement en une distinction entre groupes dont les intérêts s’opposent pour promouvoir leurs idées et projets d’action. Et dans le domaine politique d’Amérique on tombe généralement dans l’une ou l’autre de ces catégories. Alors, quand des journalistes assistent aux conférences annuelles de l’Épiscopat Américain et entendent des évêques discuter sur la priorité à donner aux sujets “pro-vie“ ou aux questions de “justice sociale“, ils ne distinguent guère de différences avec les débats au Sénat entre Républicains et Démocrates à propos des questions budgétaires.

Cependant, l’enseignement de l’Église ne “colle“ pas aussi nettement avec le monde politique et la tentation de classer les prélats dans tel ou tel rôle est souvent futile. Lisez les écrits de Mgr l’Archevêque Jose Gomez ou de S.E. le Cardinal Sean O’Malley sur la vie, et vous les désignerez comme “conservateurs“ ; mais à la lecture de leurs observations sur l’immigration ou sur l’équité des salaires, vous les trouverez “progressistes“. En vérité, aucune de ces définitions ne convient dans un contexte relatif à l’Église, et pourtant de trop nombreux journalistes Catholiques persistent à les employer. Une telle méthode ne peut qu’exagérer et exacerber les divisions parmi les Catholiques. Poser des étiquettes au sein de l’Église est parfaitement inconvenant. On désigne comme “conservateurs“ les Catholiques qui prennent la défense de l’enseignement et des usages de l’Église alors que ceux qui plaident le changement des habitudes (généralement selon les mœurs à la mode) sont réputés “progressistes“. Et pourtant on pourrait penser que l’enseignement de l’Église est l’étalon de mesure pour tous autres sujets. Alors, quiconque soutenant simplement la doctrine de l’Église mériterait d’être désigné comme “modéré“. Les mots eux-mêmes révèlent la vision étriquée et les préjugés de ceux qui les emploient.

Un autre problème se pose dans la façon dont les journalistes et leurs supports traitent de l’enseignement de l’Église proprement dit. Les leçons données par l’Église, ses doctrines et dogmes, s’entendent pour les Catholiques comme des vérités portées par les Écritures, transmises par la tradition apostolique, et soutenues par le Magistère au fil du temps. C’est ainsi que, trop fréquemment, des journalistes Catholiques traitent de ces vérités en employant des termes politiques : on dit de l’Église qu’elle a mis son veto à la contraception, que sa position est hostile à l’ordination des femmes, à l’euthanasie. Cette terminologie est totalement inappropriée — et source d’erreurs. Des interdits peuvent être levés, des positions peuvent évoluer. Des règles peuvent changer. Pas les vérités.

Ce vocabulaire peut bien s’employer dans des analyses du domaine politique, où des groupes cherchant à imposer leurs choix assistent à leur échec quand le parti opposé les domine. En faire usage pour traiter de l’enseignement de l’Église ne peut que laisser le lecteur avec le sentiment que doctrine et dogme sont en fait variables, soumis à des conflits de pouvoir et à des arrangements en coulisse. Imaginons des cardinaux négociant les termes de paragraphes du Catéchisme comme des parlementaires contredisant les termes retenus pour les projets de lois de leurs adversaires.

Alors, il ya, bien sûr, une dose de vérité dans cette manière de parler de l’Église. Quiconque est familier avec le cheminement et les tractations entre officiels du Vatican pourra vous dire qu’il s’y trouve une bonne ration de politicaille. Tant que l’Église sera constituée d’humains — et non d’anges — il y aura, c’est sûr, des prises de position et de la politique.

Mais ce n’est nullement le fondement de l’Église. Ce n’est certes pas une définition de l’Église, de son enseignement, de son message de salut. L’Église est faite de ses fidèles, mais elle est fondamentalement une institution divine. Elle est le Corps du Christ, animée par l’Esprit de Dieu, guidant les gens vers le Père par son enseignement et ses sacrements, tout au long de l’existence.

Sans ces fondations, l’Église aurait disparu depuis bien longtemps. Il s’agit du fil directeur pour l’Église. Mais… bravo pour l’école de journalisme qui s’en apercevra — ou l’enseignera.

22 février 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/02/22/is-the-church-fundamentally-political-or-spiritual/


Jeanne d’Arc au couronnement de Charles VII dans la cathédrale de Reims, 17 juillet 1429. Jules Eugène Lenepveu, vers 1890 – Panthéon, Paris.