Puisque je citais hier le poète Cyprian Norwid, si cher à Jean-Paul II dès son adolescence, il faut encore y recourir à propos des événements de son pays natal : « Quand est-ce qu’on s’apercevra combien il y a dans l’histoire de larmes oubliées, de sanglots, de déchirements et de tortures qui sont les compagnons quotidiens de la naissance et de la maturation de chaque vérité ? » Merci à Christophe Jezewski, lui aussi poète polonais, de nous fournir de telles pépites pour nourrir notre réflexion1. Oh que oui, l’histoire est tragique, singulièrement celle de ce pays dont notre Claudel disait qu’il était un « sacrifice perpétuel », et que pour cela son peuple était selon « le cœur de Dieu ».
Ce préambule s’est imposé à moi, suite à la contestation de ma chronique d’hier par quelques personnes bien informées, et je dois le dire indignées. Non la loi votée à Varsovie n’est pas destinée à encadrer la vérité historique. Elle stipule de la façon la plus nette que les recherches scientifiques sur la Seconde Guerre mondiale ne seront pas assujetties à ces sanctions. Une auditrice me joint une lettre envoyée à France 2 par l’ambassadeur de Pologne en France, suite à un reportage sur le sujet. Ce dernier écrit notamment que « ne sera pas plus sanctionnée la dénonciation des cas honteux des crimes commis par des individus (polonais). La Pologne est depuis toujours ouverte à un débat honnête sur l’holocauste et les relations polono-juives pendant la Seconde Guerre mondiale et restera impliquée dans la lutte contre le négationnisme et l’antisémitisme. »
Je notais déjà hier combien ce peuple avait souffert, plus que les autres en Europe. J’ajoute que si, malheureusement, il y eut des pogroms dont les auteurs n’étaient pas les nazis, c’est la Pologne qui compte le plus de Justes parmi les nations, c’est-à-dire les justes qui, au péril de leur vie, ont sauvé des juifs pendant la Shoah. Il faut encore savoir, comme le rappelle M. l’ambassadeur, qu’il s’agit du seul pays où toute aide et tout soutien aux juifs étaient automatiquement punis de mort. Cette mise au point ne mettra sûrement pas fin à la querelle sur les lois mémorielles, mais si j’ai cité Norwid en commençant, c’est pour signifier que même le travail de l’historien était soumis à la douloureuse maturation de la vérité.