L’expression va-t-elle faire florès ? Dans le document qu’il vient de publier sur les normes des universités ecclésiastiques, le pape François utilise l’expression d’Église en sortie. On peut la trouver un peu curieuse, un peu énigmatique, mais n’est-elle pas une traduction possible d’une formule latine connue Ecclesia ad extra, l’Église tournée vers l’extérieur. La constitution conciliaire Gaudium et spes voulait ainsi définir la mission de l’Église ad extra, alors que la constitution Lumen gentium s’attachait à définir l’Ecclesia ad intra, l’Église à l’intérieur d’elle même et pour mieux dire son mystère profond. Les deux constitutions étaient solidaires l’une de l’autre et proprement inséparables, car sans le mystère, la vocation externe était dépourvue de sens.
Dans Veritatis gaudium, le document en question, François insiste sur le fait que l’étude dans l’Église s’opère à genoux. Il me semble que c’est le grand théologien Urs von Balthasar qui est à l’origine de cette expression, « la théologie à genoux ». Elle n’est pas un savoir purement disciplinaire, elle ne respire que dans l’espace de la foi. Benoît XVI était lui-même très attaché à cette nécessité de lier étroitement la dimension intellectuelle, sans laquelle la foi se ramène à des sentiments fragiles, et la dimension à genoux qui évite la tentation d’un « rationalisme raréfié ». De même, François s’exprime magnifiquement sur la contemplation du Christ : « La vérité, dit-il, n’est pas une idée abstraite, mais c’est Jésus, le Verbe de Dieu qui est en même temps Fils de l’homme. Lui seul dans la Révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation. »
Pour annoncer la Révélation qu’elle porte, l’Église doit être de sortie, ce qui implique qu’elle affronte le monde dans toutes ses dimensions, ses richesses de civilisation mais aussi ses contradictions et ses conflits. De ce point de vue, l’appréciation est peut-être moins positive que celle de Gaudium et spes, qui s’inspirait de l’élan des années soixante, antérieur à la crise qui allait suivre et qui n’a cessé de mettre en cause un modèle productiviste en expansion continue. François parle très précisément d’un changement d’époque « marqué par une crise anthropologique, socio-environnementale globale ». C’est dire l’ambition de l’Église dans sa mission intellectuelle et la complexité de son approche transversale des défis d’aujourd’hui. Rude tâche pour nos universités catholiques !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 janvier 2018.
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