Dans le grand débat sur les rapports hommes-femmes qu’a entraîné le scandale Weinstein, tout se passe comme si l’expression d’une pensée chrétienne était empêchée du fait d’une pudeur bien compréhensible. Il est téméraire de tenter une parole qui n’apparaisse pas comme moralisatrice dans une période qui reçoit toute référence normative comme attentatoire à la liberté. Parfois même la référence à une pensée théologique se trouve explicitement rejetée comme dépassée. L’anthropologie scientifique, la sociologie et les autres sciences humaines sont censées nous donner les clés des comportements et des dysfonctionnements de notre condition. Mais elles sont elles-mêmes imprégnées de présupposés philosophiques, à l’instar de la sociologie de Pierre Bourdieu dont le déterminisme reste dans la dépendance de la dialectique de la lutte des classes marxiste. Dans cette culture, il est impossible d’envisager une vraie perspective de réconciliation entre les sexes.
L’apport de la culture littéraire constitue un précieux auxiliaire pour se tirer de pareil piège, car il y a souvent une connaissance des sentiments et des passions chez nos écrivains supérieure à bien des théorisations scientistes sur la nature et la culture. Il vaut mieux relire Balzac, Stendhal et Flaubert pour dénouer nos perplexités. Et dans la foulée consulter ces analystes supérieurs que sont un Denis de Rougemont et un René Girard. La réduction de la masculinité à l’instinctualité la plus triviale, sans possibilité d’ouverture à un autre univers, semble malheureusement une des plaies intellectuelles de notre époque.
Mais il n’est pas inconvenant d’ajouter que les lumières de la théologie, qui ne sont nullement en rupture avec le meilleur de notre patrimoine culturel, peuvent venir éclairer de l’intérieur cette dramaturgie contemporaine. Marx lui-même n’avait-il pas perçu qu’il y avait quelque chose dans la relation homme-femme qui échappait à la dialectique du maître et de l’esclave ? Mais c’est un théologien comme Gaston Fessard qui est allé au terme de cette intuition, en montrant que « si l’homme et la femme réussissent à se donner de leur don même une assurance mutuelle et égale, ils peuvent alors s’étreindre et se fondre en un acte qui fonde leur unité »1. C’était déjà l’enseignement de l’apôtre : « Le mari qui aime sa femme s’aime lui-même. Car personne n’a haï sa propre chair, mais il la nourrit et l’entoure de soins » (Ép 5,29).