Au lendemain de Noël, il n’est possible que de parler que de Noël. Et bien sûr, en termes chrétiens, ceux de l’Évangile, celui de Luc, puisqu’il est le plus complet pour la relation de la naissance de Jésus, en des termes d’une extrême sobriété : « Elle (Marie) enfanta son fils premier né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il manquait de place dans l’hôtellerie. » De ce récit de Luc est née une extraordinaire efflorescence artistique, ainsi que la représentation populaire de la crèche dans nos églises, dans nos foyers domestiques, et parfois même dans des lieux publics, mairies ou conseils départementaux et régionaux. Avec le feuilleton des querelles qui s’est encore enrichi ces dernières semaines. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur ce feuilleton, sauf pour en dégager une philosophie générale.
Toute civilisation se réclame d’un imaginaire qui l’irrigue profondément et sans lequel il n’y a pas d’existence collective. Qu’on le veuille ou non, la Nativité est chez nous fondatrice de cet imaginaire. Ce qu’on appelle laïcité est dans l’incapacité totale de se substituer à un tel imaginaire, sauf à échapper à la nature purement juridique qui est la sienne. Au-delà des batailles politiques et des controverses juridique, force est de reconnaître que l’imaginaire chrétien est en cause et qu’il continue à donner forme à l’existence sociale. À vouloir le faire disparaître, on est exposé à ce que certains sociologues ont appelé « l’ère du vide ». En d’autres termes, l’ère de la consommation pour elle-même. Viendra un moment, où à ne plus vouloir souhaiter de joyeux Noël, on s’apercevra du côté dérisoire des « bonnes fêtes ». Fêtes de quoi, fêtes pourquoi ?
Bien sûr, s’en tenir à l’aspect purement culturel de Noël ne peut satisfaire les chrétiens. Mais ce que le Conseil d’État admet lorsqu’il laisse la possibilité d’une représentation de la Nativité pose plus que question. Qu’est-ce que la culture ? J’ai appris de Maurice Clavel que la culture était, qu’on le veuille ou non, option sur l’absolu. Ceux qui restent attachés à l’aspect purement culturel de la crèche posent une question qui dépasse l’art et la représentation populaire. Pourquoi l’enfant de Bethléem continue-t-il à peupler notre imaginaire d’une interrogation inépuisable ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 décembre 2018.