« Il est né le divin enfant ! Jouez hautbois, résonnez musettes ! Il est né le divin enfant… » Que dire d’autre en ce matin de Noël ? C’est le cri du cœur, jailli du peuple chrétien, celui qui annonce le plus grand prodige de l’histoire du monde : la naissance de cet enfant dans l’humilité totale. Une naissance dans la mangeoire des animaux, parce que pour Marie et Joseph, il n’y avait pas de place à l’hôtellerie. Bien sûr, cette naissance est singulière puisqu’il s’agit de celle de l’enfant Dieu. Mais le fait qu’elle s’accomplisse dans des conditions extrêmes de précarité pourrait bien être la première caractéristique du mystère chrétien.
C’est un des grands thèmes de la théologie moderne, celle d’un père François Varillon, dont toute l’œuvre se rapporte à une méditation sur l’humilité de Dieu et même sa vulnérabilité. Mais c’était déjà le sentiment d’un saint Augustin, qui faisait dire à Jésus : « Humble je suis venu, c’est pour enseigner l’humilité que je suis venu, c’est comme maître d’humilité que je suis venu. » Et encore : « La vie éternelle nous est promise par l’humilité du Seigneur qui s’est abaissé jusqu’à notre orgueil. » Le cardinal de Lubac, à qui je dois ces références, remarquait qu’il s’agissait d’une caractéristique propre à la révélation chrétienne, à l’encontre de tous les paganismes. Et d’en appeler encore à Charles Péguy : « Le christianisme a fait de l’humilité peut-être plus qu’une vertu, son mode même et son rythme, son goût secret, son attitude extérieure et profonde, charnelle et spirituelle, sa posture, ses mœurs, son expérience perpétuelle, presque son être. »
Ce qui est vrai de la Nativité l’est aussi des grandes manifestations du Seigneur. Sa mort même, qui passe par le supplice des esclaves. Mais même sa Résurrection, dont Pascal ose dire qu’elle est un événement secret, réservé à son entourage. Tout comme la Transfiguration qui l’anticipait et dont trois disciples seulement furent les témoins. Et pourtant, le sort du monde en a été changé, car l’essentiel de la communication de Dieu avec l’humanité se transmet par la vox cordis, la voix du cœur, celle qui fait vibrer en nous non des affects de surface mais l’intelligence profonde du dessein de Dieu pour nous. « Il est né le divin enfant ! Jouez hautbois, résonnez musettes ! »
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 décembre 2017.