Plus tôt au cours de ce mois, « Aid to the Church in Need USA » (ACNUSA), – une ONG pontificale d’aide aux Chrétiens persécutés, dont je suis président – a participé à une conférence co-sponsorisée par la mission permanente d’observation du Saint Siège auprès des Nations Unies. Le thème de la session était de balayer la question : « Apporter Responsabilité, Réhabilitation, Réconciliation et Paix aux zones ravagées par Daesh ».
Les participants ont fait l’éloge de la Résolution 2379, adoptée cet automne par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle exige la création d’une équipe d’inspecteurs pour rassembler les évidences de crimes contre l’humanité commis par Daesh et éventuellement pour essayer de condamner ses auteurs. Je me réjouis de cette Résolution et espère que la communauté internationale va agir en conséquence. Les attentes sont également élevées pour d’autres grandes initiatives qui dépendent de gros investissements d’actions politiques significatives de la part de gouvernements occidentaux et régionaux.
La promesse du Vice-Président Mike Pence que l’Amérique donnera davantage d’aides directes aux minorités religieuses persécutées dans la région est source de grand espoir. Cependant, les roues de la bureaucratie gouvernementale tournent lentement. Entretemps, les communautés victimes sur place – Chrétiens, Yazidis, Musulmans – ont besoin d’actions immédiates.
Le centre d’attention devrait être le réinstallation de quelques 90.000 Chrétiens de la Plaine de Ninive au nord de l’Irak. Cette région a été dévastée durant l’occupation de Daesh, et aussi par les combats ultérieurs menés pour libérer cet ancien centre chrétien. A ce jour, seulement 12 pour cent de cette population est revenue de son exil au Kurdistan, où elle a passé plus de trois ans.
Accueillis par l’Archidiocèse d’Erbil sous la présidence de l’archevêque Bashar Warda, ils ont survécu grâce à la nourriture, l’abri, et les médicaments fournis exclusivement par des ONG confessionnelles. Les Chevaliers de Colomb, l’association catholique de d’Aide au MoyenOrient et l’Aide à l’Eglise en Détresse en furent les principaux contributeurs. Les gouvernements occidentaux restèrent à l’écart, tandis que les ONG permirent aux Eglises locales de livrer une importante aide humanitaire pendant plus de trois ans.
Avec l’hiver qui approche rapidement, l’aide humanitaire doit se poursuivre. Les maisons,
les écoles et les hôpitaux qui servent aux chrétiens de retour – et naturellement les églises, les couvents, et les séminaires – ainsi que les infrastructures d’approvisionnement d’eau et d’électricité des neuf villes et villages chrétiens de la plaine de Ninive qui ont tous besoin de travaux de réparations majeures.
Il y a aussi un besoin urgent de mesures de sécurité, incluant le déminage. Un financement majeur venant de l’extérieur est nécessaire pour réaliser ce que nous avons appelé un « Plan Marshall» régional.
Il est aussi grand temps pour un programme d’aide qui mettra ces Chrétiens qui souffrent depuis longtemps – en particulier les jeunes générations – en position de commencer à dépendre sur leur propre ingéniosité pour poser les fondations de leur avenir. Les gouvernements occidentaux et les ONG doivent fournir – j’emprunte les mots de l’Ambassadeur de Hongrie Katalin Bogyay, une des intervenantes aux sessions de l’ONU – « une aide intelligente, à long terme et viable ».
Les gouvernements et les ONG doivent être encouragés à collaborer dans un programme d’aide globale qui embrasse toutes les nécessités de ces communautés assiégées : depuis les besoins humanitaires de base – nourriture, médicaments, et abris – jusqu’à un redressement économique; éducation; guérison mentale, émotionnelle, et spirituelle; et la promotion, dans les communautés locales, d’une citoyenneté active engagée au bien-être de chacun, indépendamment des croyances. L’objectif est de renforcer et de revitaliser la volonté et l’imagination des personnes à reconstruire leur propre vie et leurs propres communautés.
Au delà des besoins humanitaires, les familles chrétiennes cherchant à retourner dans la plaine de Ninive devront être aidées non seulement pour réparer ou reconstruire leur maison mais aussi pour offrir des opportunités d’emploi. Tout cela doit être créé grâce au micro-investissement, apportant des mises de fonds pour redémarrer des entreprises anciennes et en créer de nouvelles . Le développement économique apportera une stabilité sociale et permettra à la population de réclamer et de redécouvrir la dignité de travailler, et incitera les anciennes populations chrétiennes à rester.
En tendant vers ce but, les jeunes adultes désirant rester dans leur pays et avides d’être formés dans différents métiers devraient pouvoir avoir accès à des bourses d’étude. Ces jeunes hommes et jeunes femmes – qui s’engagent à reconstruire leurs communautés – seront les leaders du terrain du futur.
Il y a un grand besoin d’un réseau de guérison de la santé mentale, qui aidera les individus, spécialement les entants, à retrouver une stabilité émotionnelle et mentale après les traumatismes de la guerre, de la terreur et des déplacements forcés. Des travailleurs sociaux bien formés (certains formés grâce à des bourses d’études ) seront d’une importance cruciale pour établir des programmes d’avantages sociaux destinés à restaurer un environnement stable et éducatif.
ACNUSA sera aussi active dans les aides pour « accélérer » le redressement par la construction et la réparation d’écoles et d’églises, les deux principales institutions pour établir une communauté.
En dernier, mais pas la moindre décision, une ONG locale devra être créée avec une expertise particulière dans les relations inter-religieuses. Cette équipe devra stimuler l’engagement civique parmi les différents membres des communautés. Ce programme sera indispensable si on veut avoir quelque espoir d’établir des communautés pluralistes, tolérantes et démocratiques.
Il y a trois ans, le pape François, dans un document avec le patriarche Bartholomé I , le leader des Chrétiens Orthodoxes, proclamait :
Beaucoup de nos frères et soeurs sont persécutés et ont été expulsés violemment de leurs maisons … Il semble même que la valeur de la vie humaine a été perdue, que la personne humaine ne compte plus et puisse être sacrifiée à d’autres intérêts. Et tragiquement, tout cela rencontre l’indifférence de beaucoup.
Ces efforts n’aboutiront pas si nous ne renforçons pas l’Eglise locale. En tant que fondation papale, le travail de l’ACNUSA se fait dans la perspective d’une Eglise qui a une foi inébranlable dans la capacité des hommes, des femmes et des entants, avec l’aide de Dieu de surmonter les difficultés et de vaincre les puissances du mal. Nous reconstruirons des lieux de culte, et aussi nous procurerons des prêtres et des religieuses, avec la prise en charge de leurs frais, de façon à maintenir la bonne santé de la foi de la vie sacramentelle de la communauté.
Ces Chrétiens souffrant depuis longtemps, ciblés précisément à cause de leur foi, ne peuvent pas être négligés. Ils sont nos frères et nos soeurs. Un programme d’aide complet « intelligent, à long-terme, et durable » est la clef du succès. Elle signalera la défaite finale des projets de Daesh d’éradiquer les Chrétiens du moyen-orient.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/11/30/repairing-the-ravages-of-isis-on-iraqs-nineveh-plains/
Photos : Des propriétaires agricoles irakiens reçoivent des oliviers de l’Aide à l’église en détresse (AED).
George J. Marlin, Président de “Aid to the Church in Need USA”, est l’auteur de “The American Catholic Voters, Narcissist Nation: Reflections of a Blue-State Conservative” , et “Christian Persécutions in the Middle East: A 21st Century Tragedy”. Son nouveau livre, “Sons of St Patrick”, écrit avec Brad Miner, paraîtra le jour de la Saint Patrick.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Chrétiens d’Irak
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX