S’il y a un reproche que nous ne pouvons pas faire au pape François, nous autres journalistes, c’est de se désintéresser de notre profession. Périodiquement, il s’adresse à nous, notamment lors de longues conférences de presse pendant ses voyages internationaux. Il aime beaucoup ce genre d’échanges où il peut s’exprimer spontanément sur tous les sujets possible. Mais il lui arrive aussi d’intervenir sur la déontologie de notre profession. Ainsi, il y a quelques jours, il s’adressait aux confrères italiens auxquels il a donné des conseils pressants : « Nous ne devons pas nous adonner aux péchés relatifs à la communication : la désinformation, c’est-à-dire ne développer qu’un point de vue, la calomnie due au sensationnalisme et la diffamation qui consiste à repêcher de vieilles histoires, pour leur donner un nouvel éclairage. » Sans doute, le Saint-Père avait-il des exemples précis en tête à propos de ces vieilles histoires. On pense à des règlements de compte ou à des ressentiments anciens, si ce n’est des haines recuites.
Le terme de péché, et même de péché grave, a beaucoup frappé de la part de François. Mais c’est bien le Pape qui s’exprime et il le fait de son point de vue, sub ratione peccati. Le péché s’enracine dans le cœur de la personne qui s’en trouve abîmée, alors qu’il fait du mal à tous ceux qui en ressentent les effets. Il y aurait ainsi un péché de sensationnalisme qui joue sur « la surchauffe des émotions », en s’interposant contre toute réflexion profonde. C’est là le but d’une information vraie : permettre de poser les bonnes questions et parvenir à des conclusions justifiées.
Il y a deux ans déjà, François était intervenu sur le même sujet devant 400 journalistes, à qui il avait reconnu la chance de formuler « la première mouture de l’histoire », ce qui n’est pas une mince affaire. Ce qui est en cause aussi, c’est cette tentation typique qu’est le cynisme, pour qui est habitué à côtoyer les aspects les plus sombres de l’existence. La déontologie vue de cette façon ne renvoie pas seulement à une sorte de code d’obligations, elle désigne l’intériorité morale, voire spirituelle, de personnes qui ont à répondre de leur propre honnêteté, de leur empathie avec les soucis et les souffrances dont ils ont à rendre compte. Ainsi, affirme encore le Pape, les journalistes contribuent au bien commun et jouent un rôle décisif comme « accélérateurs des processus de réconciliation ». Belle mission qui nous oblige terriblement !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 décembre 2017.