Après les pendants judiciaire, électoral et médiatique, l’article 155 voté au sénat espagnol s’applique à l’Administration de la Catalogne en l’absence du Gouvern dissous, en attendant la date du 21 décembre prochain et le résultat des élections autonomiques imminentes.
Le Ministère de la Culture espagnol en charge de la culture catalane a décidé d’appliquer la décision de justice relative à la restitution de biens patrimoniaux de Sigena à l’Aragon par la Catalogne.
Il s’agit du retour annoncé de 44 pièces d’art de premier niveau ayant appartenu au Monastère de Sigena en Aragon, haut lieu royal du temps passé de la monarchie dans ce territoire du nord de l’Espagne entouré géographiquement de la Catalogne, de la Navarre et plus au sud de la Castille…
Ces biens propres furent vendus depuis les années 1980 par l’Ordre de Malte et les congrégations religieuses qui se sont succédé à Sigena à des particuliers, à la Generalitat, d’autres conservés par l’Ordre de Malte, plus encore déposés à Merida dans le Musée historique de la ville, hors l’Aragon, en territoire catalan.
Quinze années de procés ininterrompus se sont succédé entre l’Aragon, la commune de Sigena, la Catalogne suivi de décisions judiciaires contradictoires. Le Supremo de Madrid demandant à la Generalitat de conserver les oeuvres d’art, le Tribunal de Huesca demandant par la suite la restitution jusqu’à ces derniers jours de novembre 2017 où le ministère de la Culture espagnol a exigé ce retour légitime tant espéré par les Aragonais qui dès la vente des chefs d’œuvre de leur patrimoine engagèrent des poursuites judiciaires sans solution.
“Sigena Monastère Royal depuis le XII ème siècle” avait acquis tout au long des siècles une fortune colossale, de boiseries, de peintures, de retables sculptés, d’archives notariales, de cartulaires, de documents de l’administration royale et la présence des sépultures des rois et des reines d’Aragon ci présents pour la mémoire historique de la province.
Une grande partie de l’orfèvrerie à usage liturgique fut volé par les anarchistes lors de la guerre civile espagnole..
La décision du Ministère de la Culture rencontre une fois encore des résistances. Le maire de Lérida invoque “le critère de prudence” pour ne pas exposer une fois de plus les biens patrimoniaux à la dispersion…
La Generalitat dissoute par la voix du Délégué à la culture catalane rappelle “le droit de propriété de ces biens achetés par les Catalans, disposant de l’intégrité et de la stabilité au sein du musée de Lérida, suite à des accords passés entre le gouvernement catalan, l’évêché et le ministère national …”
En réponse à ces arguments de précaution le ministère de la Culture espagnol s’engage à observer les décisions judiciaires récentes et prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection de ces biens patrimoniaux exceptionnels.
Sigena fut le haut lieu de l’histoire de l’Aragon.
Le couvent des femmes cloitrées de femmes de naissance noble, assurait l’éducation des jeunes filles de la monarchie aragonaise, et disposait de biens considérables en terres agricoles, en biens historiques et en créations artistiques.
Le retable de l’église, les tableaux évangéliques réalisés au cours du Moyen Age sculptés dans le bois, la beauté sublime dans le style roman de l’église, du cloitre, les sépultures royales incrustées dans des monuments de pierre en font une attraction de visite incessante.
Objets de convoitises tout le long de l’histoire de l’Aragon, selon les époques fastes et moins heureuses, le monastère fut dévasté plusieurs fois jusqu’en ce temps de la Guerre civile de 1936 où les anarchistes espagnols vont s’en prendre aux biens artistiques et religieux pour en brûler un certain nombre.
Les Sœurs de Saint jean de Jérusalem quitteront le couvent, non sans avoir mis quelques biens artistiques en sécurité.
Le trésor est dilapidé, le trésor des archives séculaires est en partie confié à la ville de Huesca en 1946, à Barcelone on transfère au Monastère Saint Jean de Jérusalem d’autres biens artistiques, Lérida bénéficie de 44 oeuvres d’art exceptionnelles qui devraient revenir à l’Aragon, comme de droit selon toute probabilité…
Retables, peintures, incunables, sculptures de l’histoire de l’Aragon, livres et parchemins ont quitté Sigena depuis 1936 mais les autorités aragonaises et la mairie de Sigena ont décidé le rapatriement chez eux de ce patrimoine dilapidé au cours du temps.
Sur le site www.sigenasi.com on peut suivre le cours de cette histoire de la restitution engagé par le gouvernement aragonais.
L’histoire de la vente de ces biens s’engagea en 1982 entre l’Ordre de Malte et les acquéreurs.
Œuvres d’art, terrains et biens du monastère seront marchandés.
Mais le gouvernement aragonais n’accepte jamais ces opérations faites à son insu, et engage depuis lors procès sur procès pour obtenir réparation de ces dommages.
25 septembre 2015 la décision judiciaire est donnée de la restitution, mais la Generalitat de Catalogne refuse.
Février 2016 le ministère de la Culture espagnol rappelle les termes de la décision judiciaire aux autorités catalanes, mais il n’est pas entendu.
Juillet 2016 le ministère de la Justice profère des menaces d’amendes et de poursuites à l’adresse de la Generalitat pour obtenir la restitution.
Novembre 2017 la fin d’un conflit de quinze années semble se profiler assurant à Sigena le droit de retrouver son histoire !
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Une république virtuelle en Catalogne
- Application de l'Article 155 prolongée en Catalogne
- La désignation des ministres délégués catalans