Un Evêque – un homme équilibré et intelligent et courageux – m’a confié récemment qu’il se sent un peu déprimé à propos de l’état de l’Eglise. D’un coté, il aurait voulu s’exprimer ouvertement sur beaucoup de choses qui ont contribué à l’actuel turbulence. D’un autre coté, il pensait, qu’en tant qu’évêque, un de ses premiers devoirs était d’être un signe d’unité dans son diocèse. Il est, donc, resté plutôt silencieux, non pas par crainte de représailles de Rome – bien que, disons le, même s’il ne les craint pas, elles peuvent être bien réelles: ainsi que les cardinaux Burke et Müller (avec trois de ses anciens collègues), Josef Seifert, beaucoup d’anciens membres du Conseil Pontifical sur la Famille, parmi d’autres, pourraient en témoigner. Il est plutôt bloqué par ce qu’il convient qu’il fasse dans la confusion actuelle.
Il n’est pas le seul.
Ceci est le bon contexte pour comprendre la communication publique, la semaine dernière, d’une lettre au Pape par le père Thomas Weinandy OFM Cap. notre intervenant occasionnel. Le bon père est un théologien reconnu internationalement, et a opéré à la fois comme secrétaire général du comité sur la Doctrine de la conférence des évêques des Etats Unis, et en tant que membre de la commission internationale théologique du Vatican. Il raconte, dans un émouvant document explicatif, comment il a été amené, par ce qui semble être une série d’évènements miraculeux, et après des jours d’anxiété personnelle et de prières durant une conférence à Rome en juillet, à écrire au Pape à propos de la « confusion chronique » dans l’Eglise.
Vous pouvez questionner le bien-fondé de rendre maintenant publique la lettre. Mais on ne peut pas nier que – comme l’évêque que je citais, et sans aucun doute des évêques, des prêtres, et des laïcs à travers le monde – il y a beaucoup de catholiques consciencieux et fidèles qui sont également perplexes à propos de ce que l’Eglise enseigne maintenant et de ce qu’ils sont supposés faire.
A part les Allemands, et quelques personnages prévisibles en Amérique et ailleurs, les évêques dans le monde sont resté presque totalement silencieux sur ces sujets. Considérant la résistance ouverte des polonais et d’autres européens de l’est, le traditionalisme bien connu de l’Asie et de l’Afrique, la grande majorité des évêques JPII/Benoit16 en Amérique, leur silence reflète probablement un malaise profond qu’ils sentent ne pas pouvoir exprimer. En fait, c’était le principal souci dans la lettre de Weinandy; et ainsi il donna de lui-même l’impression d’une attitude qui – en dépit des efforts de différents acteurs – n’est pas une vision marginale, et elle ne partira pas, quelques soient les conséquences qu’elles pourront amener.
Pour Weinandy, les conséquences furent rapides : on le força de démissionner de son poste d’avec les évêques américains. Mais l’annonce publique du Cardinal Daniel Di Nardo, président actuel du USCCB, ne donna aucune véritable explication de ce départ. L’annonce affirme la nécessité du dialogue, de la charité, et la présomption de bonne foi – et exprime l’unité avec le Saint Père et la loyauté à son égard. Mais ce sont des idées de base que nous tous, et surtout le père Weinandy lui-même, partageons déjà. En effet, il a écrit cette lettre au Pape François parce qu’il craignait que précisément ces choses essentielles soient mises en danger, volontairement ou non, avec, pour conséquence, une perte de la confiance dans le Pape lui-même.
Il était inévitable que, dans le climat actuel, ce document sincère soit immédiatement politisé. Il n’était pas inévitable que plusieurs critiques ont quasiment rejeté ces inquiétudes, considérées comme étant les aberrations mentales d’une petite partie des catholiques, comme une sorte d’animosité personnelle contre le pape François, et même comme un désaccord peu respectueux. Lisez la lettre et jugez par vous-même.
J’argumentais ici il y a déjà un mois que nous commençons à voir émerger une sorte de foi sans raison qui est tout à fait différente de la tradition catholique courante. Comme cela arrive malheureusement de nos jours quand vous argumentez sur internet, les commentateurs m’ont accusé de traiter de stupides les gens avec lesquels je n’étais pas d’accord, le pape lui-même inclus. Mais ce que j’avais dit vraiment est que je pense qu’il y a eu une décision consciente de mettre en emphase une sorte de sentimentalisme pastoral au-dessus de l’ancien tête-dure/coeur-tendre réalisme catholique – qui parfois frôle la conviction qu’une doctrine claire peut obstruer le travail de l’Esprit Saint. Certaines choses considérées comme étant « pastorales » sont considérées supérieures aux autres enseignements, même à la cohérence et à la fidélité à la tradition.
Quand vous adoptez cette approche, vous regardez moins ce que les autres disent en fait mais plus comment cela peut aider ou handicaper ce que vous essayez de faire. Dans le cas Weinandy, cela montre combien l’omniprésent père James Martin a pesé en disant que « contester » est un mot à double tranchant: Il demande, comment le père Weinandy peut croire que Dieu personnellement l’a encouragé à écrire la lettre qui diffère de ce que les gens LGBT croient que Dieu trouve leurs inclinations acceptables? C’est lassant de signaler l’évidence ici, mais le père Weinandy parlait pour la tradition catholique dans son ensemble et pour ceux qui y croient – et non pas pour « contester » ou pousser un intérêt personnel – et demandait au Saint Père de remplir son rôle en tant que promoteur de l’unité de l’Eglise.
Nous sommes vraiment entrés dans une période de confusion pour laquelle il faudra beaucoup de temps pour la réparer. A Rome, les défenseurs de Amoris laetitia et des autres mesures controversées du Pape, nous ont répété qu’ils ne changent pas la doctrine, mais qu’ils réforment simplement la pratique pastorale vers le discernement, l’accompagnement et la miséricorde. Ailleurs, plusieurs personnages ont utilisé cette couverture pastorale pour faire avancer leur propre programme. La semaine dernière, le Cardinal de Chicago, Blase Cupich, fit une allocution à la Catholic Theological Union, argumentant que pour « discerner » comme le Pape François, vous devez abandonner des « croyances chéries » et des « préjugés de longue date ».
Il n’est pas facile de dire si le Cardinal parlait pour le Pape François , ou seulement pour lui-même. Mais avant que nous distinguions quelles sont les « croyances chéries » qu’on nous demande d’abandonner, et ce qui est maintenant considéré comme des « préjugés » par les catholiques, nous devrions remercier, et non punir, ceux qui comme le père Weinandy demandent de quoi, précisément nous parlons? Et qu’est ce qu’on nous demande de faire ?
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/11/06/chronic-confusion-worse-confounded/
Photo : le père Weinandy.
Robert Royal est éditeur en chef de « The Catholic Thing » et président de « The Faith & Reason institute » à Washington. Son livre le plus récent est « A Deeper Vision : The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth century, » publié par Ignatius Press. « The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustain the West », maintenant disponible en « paperback » chez « Encounter Books ».
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Jean-Paul Hyvernat
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
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