De la religion civile à la « haine » - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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De la religion civile à la « haine »

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Bien que les États-Unis n’aient jamais eu de religion officielle, c’est traditionnellement, d’une manière informelle et non officielle, une nation chrétienne ; plus précisément une nation protestante. Ajouté à une langue partagée et à une loi commune, un protestantisme pour ainsi dire universel fut l’un des facteurs-clés qui unifièrent l’Amérique britannique avant la Révolution. Après la Révolution, ce protestantisme quasi-universel a aidé à rendre relativement facile l’unification de treize États en un unique État fédéral.

Il est vrai que beaucoup de ces premiers Américains « protestants » ne faisaient pas partie d’églises, surtout dans les régions les moins colonisées du pays. Pourtant, ils se pensaient comme chrétiens protestants. Sans se soucier du faible niveau de connaissance de la Bible de beaucoup d’entre eux, ils considéraient la Bible comme la haute autorité en matière de religion. Et ils déploraient l’Église catholique, comme tous les bons protestants (excepté un petit nombre d’anglicans de la Haute Église).

Lorsqu’au cours des XIXe et XXe siècles, de grands nombres de catholiques sont parvenus en Amérique, venant d’Irlande, d’Allemagne, du Québec et de pays slaves, la nature purement protestante des États-Unis s’est trouvée compromise ; et plus encore lorsque de nombreux juifs vinrent de l’empire russe rejoindre le petit nombre de juifs venus d’Allemagne au milieu du XIXe.
Tandis que les nouveaux arrivants intégraient petit à petit la façon de vivre américaine, la nation a continué d’avoir une religion informelle et non officielle. Cette fois, il ne s’agissait plus de pur protestantisme. C’était une religion « judéo-chrétienne », un dénominateur commun religieux fondé sur les éléments de foi et de morale sur lesquels les protestants, les catholiques et les juifs étaient d’accord. Mais cette foi judéo-chrétienne était d’une teinte plus protestante que catholique ou juif. Cette teinte était particulièrement manifeste dans la croyance dans le droit au jugement personnel.

Le catholicisme et le judaïsme sont toutes deux des religions de l’autorité, pas du jugement personnel. Dans le catholicisme, l’autorité est celle des papes, des évêques et des conciles généraux. Dans le judaïsme, c’est celle de la tradition rabbinique. Le protestantisme aussi a une autorité : la Bible, toute la Bible, et rien que la Bible.

Mais il n’y a aucun interprète autorisé de la Bible. Cela reste du ressort du jugement personnel de chaque homme et de chaque femme. Chez les juifs, les rabbins ont perdu beaucoup de leur autorité d’enseignement. Chez les catholiques, les évêques ont perdu beaucoup de leur autorité d’enseignement.

Cela s’est produit d’abord chez les juifs, plus tard chez les catholiques. Rabbins et évêques ont continué d’être respectés, mais en dernière analyse, on peut ne pas tenir compte d’eux si on ne le veut pas.

Au début, c’est-à-dire dans les premiers jours du protestantisme, le principe du jugement personnel était censé s’appliquer seulement aux interprétations bibliques. Mais inévitablement, il a tendu vers une extension de sa juridiction. Les Américains en sont arrivés de plus en plus à « penser par eux-mêmes » à tout propos. Nous sentons que nous sommes en droit d’avoir nos propres opinions sur tout et n’importe quoi : religion, morale, manières, politique, arts, etc.

Tout cela est matière de goût et de préférence personnelle. Sur aucun de ces sujets, il n’y a d’autorité en droit de nous dire quoi penser – ni les papes et les évêques, ni les rabbins, ni même la Bible.

La conséquence de ce droit à penser par soi-même est que nous, les Américains, sommes d’accord sur un nombre de choses de plus en plus petit. Nous sommes vraiment « divers », dangereusement divers.

Bien sûr, il y a toujours beaucoup de croyants de la vieille école : des juifs orthodoxes, des catholiques orthodoxes et des protestants fondamentalistes. Mais ce sont des espèces en voie de disparition en Amérique. S’ils survivent, ce sera probablement comme d’insignifiantes enclaves religieuses (ghettos) avec un faible impact sur la société et la culture américaines dans leur ensemble.

La liberté de pensée dans le cadre d’un certain nombre de principes fondamentaux considérés comme allant de soi peut être une bonne chose. Mais la liberté de pensée sans limites, une liberté de pensée pour laquelle absolument rien ne constitue de frontière, est une chose dangereuse, parce qu’elle finira par remettre en question ces principes fondamentaux. En Amérique, nous nous approchons de ce dangereux moment, s’il n’est pas déjà atteint.

Dans le royaume des sujets sexuels, nous avons déjà atteint ce point, et je m’attends à ce que nous allions bientôt au-delà. Nous avons déjà renversé le principe immémorial selon lequel le mariage est une relation entre un homme et une femme. Nous sommes en train de détrôner le principe selon lequel notre sexe ou genre est quelque chose d’inné.

Beaucoup de gens mettent déjà en question le principe de la monogamie. Il y aura bientôt des gens qui remettront en question l’interdiction de l’inceste. « Pourquoi des frères et sœurs adultes ne pourraient-ils pas avoir des relations sexuelles entre eux ? Pourquoi un homme ne pourrait-il pas épouser sa mère veuve ou divorcée ? En quoi cela ferait-il du tort à une tierce partie ? Avez-vous peur que le ciel s’écroule ? » Je m’attends désormais à entendre de tels propos à tout moment.

Toutefois, il n’y a pas que dans le domaine du sexe que les principes fondamentaux sont remis en question.
La liberté de parole est remise en question. Pour certains, tout propos qu’ils trouvent malvenu est « discours de haine » et doit par conséquent être interdit.

La liberté de religion est remise en question, au motif que certaines enseignent la « haine » (par exemple le catholicisme, qui enseigne que la conduite homosexuelle est immorale, est prétendument une doctrine de « haine » homophobe).

La liberté de conscience est remise en question, parce que certaines personnes ont une conscience qui leur dit de « haïr », et que cela ne devrait pas être permis.

« La révolution dévore ses propres enfants » disait-on à l’époque de la Révolution française lorsque des révolutionnaires renommés étaient envoyés à la guillotine. Avant longtemps, on entendra des gens vont remettre en question le principe considéré jusqu’ici comme allant de soi selon laquelle la haine est mauvaise.

« Que reproche-t-on à la haine, diront-ils. Nous pensons que la haine est bonne. C’est un signe d’énergie, de vitalité, de force. Un signe de virilité. A bas la tolérance, signe de féminité. A bas l’amour. Vive la haine. »
De tels propos sont juste au coin de la rue. C’est le genre de propos qui seront proférés par des personnes avec une mentalité de type Ku-Klux-Klan ou néo-nazi. Même s’ils se désignent eux-mêmes comme « antifas », ce qui signifie anti-fascistes.

L’alternative est de raviver notre religion nationale judéo-chrétienne. Sinon, préparons-nous au pire.


Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/09/08/from-civil-religion-to-hate/

Tableau : Les torches de Néron par Henryk Siemiradzki, 1876 [National Museum, Cracovie]

David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhose Island, et l’auteur de The Decline and Fall of the Catholic Church in America (Déclin et chute de l’Église catholique en Amérique).