Il y a une discussion en cours parmi les californiens férus d’histoire, à propos du nom d’origine de la ville de Los Angeles. Après avoir étudié ces chamailleries, je suis arrivé à la conclusion que la meilleure réponse est celle de Doyce Nunis, ancien éditeur du Californien du sud trimestriel, publicationl de la Société historique. Nunis fait référence à une carte de la Californie de 1785, sur laquelle Los Angeles apparaît sous le nom de « El pueblo de la Reina de los Angeles » (La ville de la reine des Anges.) D’autres variantes ont la faveur d’historiens, certaines mentionnant le Rio de Porciuncula (devenu la rivière de Los Angeles), d’autres mentionnant « Notre Dame Reine des Anges », etc… – mais ce ne sont que des variations mineures du nom.
J’ai habité Los Angeles pendant environ vingt-cinq ans. Comme jeune homme avec une diversité d’intérêts ingérable, à l’instar de beaucoup d’autres, j’avais du mal à me stabiliser dans une profession. Finalement, comme la philosophie est taillée sur mesure pour ceux qui ont des intérêts multiples, j’ai fait un troisième cycle de philosophie, et en tant que latiniste, un de mes premiers sujets de recherche a été la philosophie des anges de Thomas d’Aquin, telle qu’elle est exposée dans la Somme théologique, le « De substantiis creaturis » le « De spiritualibus creaturis », et d’autres œuvres. Finalement, le résultat de cette recherche a été mon premier livre, et un certain nombre d’articles.
Mais pour un philosophe catholique qui étudie la mariologie, les théories scolastiques sur les anges posent quelques problèmes, en particulier en ce qui concerne la dévotion à Marie comme « Reine des Anges. »
D’abord, il y a le problème de la multiplicité angélique. Thomas d’Aquin et d’autres scolastiques ont débattu du fait de savoir comment les anges, s’ils sont de purs esprits, peuvent être dénombrés et individualisés. Une distinction concrète et matérielle semble nécessaire pour pouvoir compter et séparer les choses. Thomas d’Aquin a proposé que les anges ne soient pas individualisés par la matière, mais par la forme ou « l’espèce ». Ainsi, à la différence des milliards d’êtres humains qui appartiennent tous à la même espèce, chaque ange est d’une espèce différente – aussi différentes les unes des autres qu’une rose l’est d’un tigre ou d’un être humain. Et il peut y avoir un « nombre » quasiment infini d’espèces d’anges.
Aussi, quand nous parlons de Notre Dame comme de la Reine des Anges, nous faisons référence à un être humain qui gouverne une quantité incalculable d’êtres spirituels.
Comment un être humain, même s’il est un saint, pourrait-il connaître et influencer une telle multitude ? En ce qui concerne le même type d’influence que peuvent avoir des anges des ordres les plus élevés, tels que les séraphins ou les chérubins sur les anges et les archanges, etc., des ordres les moins élevés, Thomas d’Aquin a résolu cette question. Sa solution est que les anges, à la différence des humains, n’ont pas une connaissance temporelle « discursive » approfondie, mais des intuitions simples et instantanées, ce qui fait que les anges supérieurs influencent les inférieurs grâce à des connaissances intellectuelles plus simples et plus universelles.
Ainsi, comme ils sont de purs esprits, ils ont des opérations mentales comme celles de Dieu, qui connaît et gouverne tout d’un simple acte global, qui lui permet de dénombrer tous les cheveux de nos têtes et de suivre la trace de chaque moineau. (Luc XII 6-7)
En suivant le raisonnement de Thomas d’Aquin, sur la question du « comment », nous arriverions sans doute à la conclusion que cette Femme, Reine des Anges, connaît et influence peut-être ces myriades d’hôtes angéliques d’une manière « plus simple et plus universelle », semblable à la manière dont le « chœur » des anges fonctionne. Et , ce qui est plus important pour nous, Marie, désignée comme « notre » mère sur la croix, et désignée par le pape Paul VI lors de Vatican II comme « Mère de l’Eglise », aurait connaissance de chacun de nous, et l’influencerait, de la même manière simple et intuitive.
Pourtant, même en admettant l’insondable puissance de Dieu, comment un saint quel qu’il soit même dans le contexte des grands saints, pourrait-il posséder une telle grandeur et une telle puissance ?
Dans le cas de Marie, bien sûr, une part de l’explication doit être reliée à sa Conception Immaculée. Le péché originel et les obstacles que nous opposons à la grâce de Dieu expliquent pourquoi si peu de gens arrivent à la sainteté. Considérons seulement ce qu’il en serait si ces obstacles n’existaient pas.
Le père Andrew Greeley, décédé, avec qui je n’étais pas toujours d’accord, met en avant un argument mémorable sur la générosité de Dieu dans son livre Jésus. Il fait de Dieu le portrait d’un soupirant fou de désir qui veut partager avec tout le monde le plus possible de ce qu’il est – « un Dieu qui, pour Dieu sait quelle raison, est follement amoureux de vous ». Jésus (Luc VI 38 et Jean X 10) dit la même chose à propos de son désir de nous transmettre de pleines mesures de vie spirituelle, de cadeaux et de grâces.
Et il y a peut-être quelque chose d’encore plus important : nous devons considérer la notion chrétienne de divinisation – qui est « le revers de la médaille » de l’incarnation de Jésus. Comme certains commentateurs patristiques l’on exprimé, Jésus s’est fait homme pour que nous puissions en fait devenir des dieux. Ceci est fortement accentué dans les églises catholiques d’orient et les églises orthodoxes, et s’appelle la théosis.
Dans Jean X : 34-35, Jésus répond aux critiques lorsqu’il proclame sa divinité, en citant le psaume 81 :
N’est –il pas écrit dans votre loi : « J’ai dit « vous êtres des dieux » ? Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l’Ecriture ne peut être anéantie, Celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde, vous lui dites « tu blasphèmes », et cela parce que j’ai dit ; « Je suis le fils de Dieu ».
Saint Augustin commente ce passage : « Si les hommes en ayant recours à la Parole de Dieu devenaient des dieux, combien plus la Parole à laquelle ils ont recours est-Elle Dieu ».
L’ultime divinisation de ceux qui entendent la Parole de Dieu et qui la gardent est aussi attestée dans la première épitre de Jean : III, 2 qui parle de finalement devenir « comme Dieu » ; et dans les Actes : XVII, 28, Paul assure les athéniens que l’idée de leurs poètes selon laquelle ils seraient de la « descendance de Dieu », est correcte, et la divinité n’est pas quelque chose d’inaccessible.
Aussi Marie n’est-elle pas seule. Tous ceux qui entreront dans le Royaume des Cieux seront divinisés, avec des connaissances et des capacités divines. Ainsi l’Eglise a-t-elle parfaitement le droit d’exiger des miracles authentifiés avant la canonisation des saints.
Et nous ne devrions pas être étonnés que la Reine des Cieux, en réponse aux sceptiques, ait réalisé le plus grand miracle depuis la Résurrection, à Fatima le 13 octobre 1917.
Illustration : Madonne à l’enfant avec deux anges par Vittore Crivelli, 1481 [The Met, NYC]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/06/10/queen-of-angels/
10 juin 2017
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Le monde angélique
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ