Christine Boutin a donc annoncé son retrait de la vie politique, renonçant à son dernier mandat de conseillère départementale des Yvelines. Elle a ainsi mis fin à une carrière de quarante ans, qui l’avait amenée notamment à devenir ministre du Logement dans le premier gouvernement Fillon, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le moins qu’on puisse dire, c’est que par ses positions toujours franches, elle n’aura laissé personne indifférent, et notamment ses ennemis politiques dont beaucoup saluent son départ sans aménité. C’est le lot du courage et de l’intransigeance sur l’essentiel. D’ailleurs, il faudrait mettre un bémol à propos des ennemis politiques. Certains d’entre eux l’estimaient en raison de ses convictions, alors même qu’ils ne les partageaient pas. Il est arrivé que sur certains sujets aigus, notamment en matière de bioéthique, elle attire l’attention de collègues communistes de l’Assemblée nationale, plus sensibilisés à leurs enjeux que les socialistes souvent anesthésiés par la pensée mainstream.
Le quotidien Libération ne manque pas de stigmatiser « ses prises de positions rétrogrades et homophobes », tout en concédant « qu’elle a aussi pris position contre la peine de mort et cultivé une image humaniste sur des questions telles les prisons, le logement d’urgence, les banlieues ou les migrants ». Christine Boutin ne s’est jamais souciée de cultiver une image. Elle n’a cherché qu’à poursuivre des objectifs de justice pour servir son prochain et le bien commun. Ce fut le cas notamment, lorsqu’elle fit voter la loi de mobilisation pour le logement. Elle fut alors considérée par certains comme une dangereuse idéaliste. La lutte contre l’exclusion n’était donc pas l’apanage de la gauche. Elle pouvait être menée par une militante inspirée de la tradition du catholicisme social et de la doctrine de l’Église.
C’est justement cette dimension-là que Christine Boutin aura fait renaître en France, en ayant l’audace de signifier son refus de l’attitude schizophrénique qui consistait à séparer ses convictions chrétiennes de ses engagements civiques. L’échec du MRP d’après-guerre avait mis fin à l’existence de la branche française de la démocratie chrétienne, et le catholicisme de gauche avait lui-même disparu dans les années soixante-dix. C’est elle seule qui aura repris le flambeau, non seulement par son parcours politique mais en s’affirmant comme pionnière sur le champ des défis nouveaux de civilisation. Ceux qui la traitaient de ringarde (le plus nul des arguments intellectuels) n’ignoraient pas en eux-mêmes qu’elle précédait en fait les évolutions sociales pour mieux nous protéger des dangers d’un nouveau totalitarisme aux couleurs du transhumanisme. Merci à Christine Boutin d’avoir été à l’avant-garde du combat contre l’obsolescence de l’homme !