Le refrain commun chez les jeunes couples amoureux est que leurs passions romantiques – et, on espère qu’ils en ont l’intention, leur engagement en amour – dureront « toujours ». Quand j’étais au lycée, ma chanson préférée était le « Merci » de Led Zeppelin, qui semble, c’est assez surprenant, faire écho au psaume 46 :2-3 » « Si le soleil refusait de briller, je t’aimerais encore. / Quand les montagnes s’effondreront dans la mer, il y aura toujours toi et moi. »
Ceux d’entre nous qui sommes liés par des vœux conjugaux depuis longtemps souriront peut-être devant de telles déclarations d’amour juvénile. Notre culture fait pratiquement tout ce qu’elle peut pour effacer la question : L’amour romantique dure-t-il – ou peut-il durer – « pour toujours » ?
De nombreux catholiques, pensant à la réponse du Christ aux Sadducéens dans Matthieu 22 :23-23 (cf. Marc 12 :18-27) diraient probablement « non ».
Le Christ ne dit-il pas aux Sadducéens qui cherchent à l’intimider en prouvant que la résurrection n’existe pas, que « à la résurrection on ne se marie pas et on n’est pas donné en mariage, mais on est comme des anges au ciel. »
Jésus leur dit en fait : cela n’a pas d’importance que cette femme hypothétique ait eu sept maris (tous frères, pauvre fille !) qui sont morts sans laisser un seul héritier. Evidemment, elle ne peut pas être mariée avec tous dans l’au-delà. Mais Jésus explique qu’elle ne sera mariée à aucun d’entre eux, parce que les relations conjugales représentent un pacte social de ce monde, et non du royaume des cieux.
Toutefois il se peut qu’il y ait quelque chose de plus dans ce passage. Tous les deux, Matthieu et Marc soulignent que le septième mari n’a pas d’enfant avec la femme. Mais ce point n’ajoute rien à la question des Sadducéens. Pourquoi se trouve-t-il là ? Si le dernier mari avait vraiment des descendants avec la femme, cela changerait-il la dynamique ?
Pour les Sadducéens, non, puisque leur point est déjà fait avec sept hommes mariés à la même femme. Pour Jésus, on peut le supposer sans danger, son point sur le fait qu’il n’y a pas de mariage au ciel reste valide indépendamment de la nature exacte de ce dernier mariage. Pourtant le récit de Matthieu et celui de Marc nous donnent tous les deux le détail. Je soupçonne que la raison pourrait être que l’amour romantique transcende vraiment notre existence terrestre à certains égards.
Pour la plupart des couples mariés, les enfants sont le résultat naturel de cet amour romantique. Les enfants ne sont pas simplement l’assurance d’une ligne masculine continue. Ce sont des âmes éternelles, qui possèdent des intelligences, des volontés et des identités corporelles qui reflètent d’une façon indélébile l’union de deux autres personnes. Nous disons : « il a le nez de papa », « elle a la personnalité de maman, » « je reconnais l’obstination de ton grand-père ! »
Même les corps glorieux dans le ciel ne peuvent pas changer entièrement ces réalités. Ce sont des attributs permanents de toute personne humaine, que nous les aimions ou non. Nous ne pouvons tout simplement pas échapper à notre sang.
De plus, une union romantique qui porte des enfants relie deux parents à travers leur progéniture, d’une manière éternelle. Une fois que cet enfant est conçu , il n’y a jamais un moment où la mère et le père ne seront pas la cause efficace et matérielle de cette nouvelle vie. En un sens deux âmes se sont unies l’une à l’autre pour toute l’éternité en formant une nouvelle vie, même si l’une de ces âmes se remarie ou a d’autres enfants avec une autre personne dans des circonstances futures. Chaque enfant transcende l’individualité du parent, même dans l’éternité.
En se rappelant le célèbre aphorisme de St Thomas de la grâce s’appuyant sur la nature, la proposition selon laquelle l’amour romantique pourrait en quelque sorte continuer au ciel semble appropriée. Si je trouvais ma femme d’une beauté et d’un attrait uniques, si lors de nos premiers rendez-vous et de nombreux rendez-vous ensuite, nous formions des rapports interpersonnels profonds et uniques, ne semblerait-il pas raisonnable de présumer que de tels rapports trouveront leur épanouissement, plutôt que leur conclusion, devant le trône éternel de Dieu ?
Ce n’est pas qu’une telle relation éternelle continuerait à être un mariage comme nous en avions l’expérience sur la terre – elle prendrait, d’après Jésus, un caractère différent. Cependant, il est difficile d’imaginer qu’elle disparaîtrait.
Si cela est vrai, cela irait probablement au-delà de l’amour simplement romantique qui produit des enfants et engloberait d’autres mariages sans enfants ou d’autres liens familiaux, voire des amitiés.
Feu mon grand-père catholique irlandais – qui a inspiré tant de mes propres passions –était mon grand-père, pas une autre personne prise au hasard. Nous avons des gènes en commun, des traits de caractère, et une histoire commune qui ne peut pas être effacée. Les amis que nous choisissons sont également uniques pour nous : Nous développons des liens étroits avec cette personne-ci plutôt qu’avec cette personne-là parce que nous avons des passions, des vertus, et même un sens de l’humour semblables.
Je vois une telle dynamique à l’œuvre même avec des catholiques décédés que je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer – en particulier avec les saints. Je suis déjà convaincu que St François de Sales et moi aurons bien des sujets de discussion si j’ai le bonheur de le rencontrer dans la vison béatifique. Sainte Thérèse de Lisieux, d’un autre côté, bien qu’elle soit quelqu’un que j’admire profondément et apprécie pour sa sagesse spirituelle, n’est pas quelqu’un avec qui (je pense) j’aurais autant en commun.
Les catholiques ne sont pas des mormons, bien sûr. Nous ne croyons pas que les décisions de mariage que nous prenons sur la terre continuent dans l’éternité, avec le résultat que nous devenons de nouveaux dieux mariés qui règnent sur d’autres planètes ressemblant à la terre où nous engendrons d’autres enfants.
Nous ne croyons pas même aux conceptions d’amour romantique banales et simplistes de Nicholas Sparks, dans lesquelles un couple quitte cette terre pour être réuni une fois de plus dans sa petite maison du ciel.
Pourtant nous croyons qu’en tant qu’êtres composés de corps et d’âmes, tout ce que nous faisons sur cette terre aura un effet sur notre destiné éternelle. Que beaucoup d’entre nous coopèrent pour faire naître des enfants qui porteront éternellement nos traits suggère au moins qu’un certain élément d’amour romantique puisse rester dans la nouvelle Jérusalem, quoique dans une dimension nouvelle et glorieuse.
Bien que – comme beaucoup de nos contemporains – ils ne voient pas où la question de mariage et d’éternité conduit, les Sadducéens avaient une bonne idée.
Le samedi 9 septembre 2017
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/09/09/a-lesson-on-eternity-from-the-sadducees/
Image : Les Pharisiens et les Sadducéens viennent tenter Jésus par J.J.Tissot, c. 1890 [Musée de Brooklyn]
Traduit par Charlotte