L’influence du Père Arne - France Catholique
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L’influence du Père Arne

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Je revenais tout juste d’Amherst dans le Massachusetts où j’étais occupé à nettoyer la maison que notre famille avait occupée pendant quarante-cinq ans, et je comptais voir le Père Arne dès mon retour. Depuis plusieurs mois, on pensait que le père Arne Panula était entré dans les derniers stades du cancer lent dont il souffrait depuis environ quinze ans.

Le cancer progressait lentement, mais le Père Arne non. Il avait augmenté considérablement les programmes et l’influence du Centre Catholique d’information de la K Street (rue K) ; il avait réussi à atteindre tant de jeunes professionnels catholiques et à les amener dans le réseau élargi de l’enseignement et de l’engagement catholique. Mais, maintenant, il était en retrait de la direction du Centre, et on nous a dit qu’il était essentiellement en train de passer dans les conditions de soins palliatifs dans la maison qu’il partageait avec d’autres membres d’Opus Dei.

Mary Eberstadt (qui a écrit à son sujet dans ces colonnes le jour de l’enterrement) et moi sommes allés le voir, pensant le trouver au lit. Au lieu de cela, il était debout, paraissant aussi engagé que jamais, et prêt comme toujours pour des conversations sérieuses.

Pourtant, le bruit que le Père Arne vivait ses derniers jours a amené une longue file de visiteurs. Tous les jours, il devait faire face à toutes sortes de questions que des amis dévoués étaient déterminés à lui poser avant qu’il ne nous quitte. Plus tard, il remarquerait que ces derniers mois étaient parmi les plus riches de sa vie, avec une concentration d’amis, anciens et nouveaux, et des témoignages de dévouement toujours plus sincères.

C’est pourquoi je pouvais partir pour Amherst avec l’illusion que je pourrais le voir tout de suite à mon retour. Il y a une semaine de cela. Mais le lendemain, j’ai appris qu’il vivait vraiment ses dernières heures. Tom McDonough qui le soignait m’a emmené dans sa chambre mercredi matin, et j’ai trouvé le Père Arne le visage enflé à cause des médicaments. C’était un maître du langage, mais maintenant il peinait et était frustré parce qu’il essayait de me dire quelque chose et ne pouvait trouver les mots. J’ai pris sa main et j’ai commencé à lui parler, en me rappelant tant de choses que nous avions faites ensemble, mais surtout son acte doux et habile pour m’attirer dans l’Eglise, et sa messe commémorative pleine d’affection pour ma femme bien-aimée, Judy.

La manière dont il m’a attiré dans l’Eglise est devenue le sujet d’une légende amusante. J’ai raconté l’histoire il y a sept ans quand il avait présidé à mon baptême. C’était en octobre 2009 – le jour de la Messe Rouge à Washington dite pour marquer l’ouverture des tribunauxi. La Cour Suprême devait commencer ses fonctions le lendemain et la plupart des Juges seraient présents dans la cathédrale St Matthieu.

Après la messe, alors que ma femme et moi nous dirigions vers le lieu du déjeuner, pour rattraper les Scalia, nous avons rencontré le Père Arne –agréable surprise, car je ne l’avais pas vu depuis que j’avais fait sa connaissance des années plus tôt à la maison de l’Opus Dei à New York. Mais, au lieu de me dire un « grand bonjour », il m’a offert une réprimande amicale « Vous » m’a -t’il dit, « êtes la personne la plus remarquable qui se tienne depuis si longtemps sur le seuil de l’Eglise – mais qui ne le franchit pas. Qu’est-ce qui vous retient ? »

J’ai été pris au dépourvu, et légèrement désespéré, j’ai plongé dans le répertoire de Bert Lahr du Magicien d’Oz. « C-c-c courage », ai-je répondu, me rappelant le Lion Peureux. « C’est ce qui a mis l’ ‘Abe’ à l’Abricot, et c’est ce que je n’ai pas. »

J’ai pensé Ouf ! Je m’en suis sorti. Environ une semaine plus tard j’ai retrouvé un ami, récemment arrivé, qui assistait à la messe de midi avec le Père Arne. Le Père Arne ne m’attendait pas, ce qui a rendu l’action suivante encore plus remarquable. II a dit dans son sermon que « la seule chose qui relie ces deux lectures ensemble aujourd’hui c’est… c-c-c-courage. »

D’accord, j’ai dû admettre, il avait raison et il était temps de cesser d’hésiter. En repensant à ce moment maintenant, j’ai été frappé par la présence d’esprit et le génie qu’il a montré en me touchant de cette façon. Il se chargerait de m’offrir lui-même l’instruction, et cela signifiait des heures de la plus lumineuse conversation.

Il est mort mercredi soir; je l’avais vu le matin. Je suis retourné dans sa chambre ce soir- là pour m’agenouiller au pied de son lit, l’embrasser sur l’épaule et la joue, et prier encore. Son visage avait changé. Il n’était plus gonflé ; le Père Arne était lui-même, paraissait en paix. Il avait son sourire familier, qui semblait dire qu’il était content de vous voir et impatient comme toujours d’entendre ce que vous aviez à lui dire.

Il y a cinq ans, il m’a invité à donner quelques conférences à de jeunes prêtres, tout de suite après Pâques pendant une retraite à Longlea, en Virginie. Quelques- prêtres étaient les fils de mes amis. D’une certaine manière, ils porteraient l’héritage des soins du Père Arne. Dans The Catholic Thing, nous avons publié une photo de ces prêtres et j’ai écrit : « les visages de ces hommes rayonnaient en eux-mêmes l’assurance que tout irait bien – que l’Eglise, dans cette génération à venir, serait vibrante et virile et joyeuse ».  C’est l’Eglise que le Père Arne avait contribué à former, et le jour où nous nous sommes réunis pour sa messe funèbre, c’est un de ces jeunes prêtres, Kevin Regan, qui m’a guidé vers le lutrin pour faire la première lecture. Ce n’était pas seulement approprié, mais pour moi, c’était un acte d’achèvement.

Quand le Père Arne nous parlait pendant une retraite, il commençait en disant : « Seigneur, je sais que vous pouvez m’entendre maintenant. » L’intuition générale est que le Père ne restera au Purgatoire qu’environ une nanoseconde et c’est pourquoi certains d’entre nous se diront : « Père Arne, je sais que vous pouvez m’entendre maintenant. »

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/07/26/what-fr-arne-shaped/

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Photo : Le Père Panula (à gauche) à l’occasion du baptême de l’auteur (à droite). Derrière se trouve M. Greg Katsas.