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La langue des pécheurs se change en pierre sèche,
plus noire que leur palais,
plus rouge que leur mains.
.
Il est vrai, nous sommes tous pécheurs
et les tortures infligées par les bourreaux outrepassent
indéfiniment, ignominieusement
et de loin
ce que sont les péchés de si pauvres victimes :
enfouies sont-elles dans les goulags secrets,
ensevelies en des visions d’outre-mémoire.
.
Le silence blessé des dissidents de la grande nuit
crie et criera jusqu’à la fin du monde
l’inaudible :
.
leurs yeux versicolores se dérobent,
troubles jouets nés de splendeurs cruelles
– éclats des neiges à jamais rétives,
en leur linge de glace reconnues irréelles –,
tandis que dans les hauteurs stagnent
des nuées de désolation plus mornes
que les sinistres chants des condamnés.
Se meurent debout au fond de lointaines prisons
ceux-là qui incessamment sous les fouets charriaient
par millions des pierres, des ordures,
creusaient des canaux inutiles
et pire encore :
sous le linceul des neiges éternelles.
ensevelissaient dans les larmes
le corps de leurs amis défunts
(Jean regardait l’Agneau
faisant face aux Sept Sceaux
que seul il avait le pouvoir d’ouvrir :
seule sa main portait à la fois
le jugement et la bénédiction.)
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Dérisoires plaintes,
le bonheur ne fait plus valoir ses titres anciens
qu’illusionnaient les étoiles des pôles !
S’inscrivaient en des registres d’aventuriers
leur théâtre éclairé d’arabesques d’or,
tandis que le despote, assis sur des peaux d’agneaux,
se goinfrait de viandes sauvages et de femmes.
Le sang des zeks[1] toujours versé dans la glaise
– salive de charbon sur le visage des vaincus –
se changeait alors en graisse de noir fumier !
La pluie d’hiver gicle sur leurs tombes en ruines,
plus véridiques que toute douleur :
les mensonges rabâchés croient pouvoir cacher
même aux anges l’infini de toute souffrance…
.
Quand, sans avoir osé confier au vent de glace
leurs visages écrasés au marteau,
leurs mains tranchées à la faucille,
un soleil pâle venait comme par hasard
les irradier d’un feu presque éteint
que leurs regards défunts soutient encore.
.
Au matin, l’horizon dévoilait la Beauté nue
en ses tendresses de désir et de neige :
la flèche d’une âme-oiseau perçait la fenêtre
d’une cellule pourtant vouée à la tristesse :
puis s’élançait au-delà de tout ce qui se dérobe,
et qu’avait détruit tout amour d’ici et d’ailleurs.
.
Attirées au-delà de ce qui les épouvante,
tendant l’oreille vers un inaudible chant
de haute altitude et de lumineuse nuit,
des âmes, quoique attentives à l’horreur du soir,
s’élançaient, éloquence hardie,
afin d’oser tendre en silence
vers le « Seuil du Sans Nom »,
assis tout au haut de l’éternelle Croix :
désir de traverser – avant ce qui pourvoit
au profit de l’envol –
l’ultime Cour sauvage des Désastres.
[1] – Zek, nom donné aux prisonniers des goulags en Union soviétique.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- MOSCOU : UNE CONSTITUANTE À PIED D’ŒUVRE
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ