L’autre jour, j’ai vu une annonce pour un symposium intitulé « Le christianisme est-il bon pour les femmes? ». Je ne sais rien de ce symposium, aussi ce qui suit n’est pas une critique de cet évènement spécifique. Le titre des conférences et des symposiums sur des affiches sont souvent rédigés de façon provocatrice de façon à émerger du brouhaha des autres affiches sur le mur. Les titres des articles font souvent de même. et qui sait? la réponse collective des lecteurs interrogés serait peut-être: « Mais bien entendu! ».
Bien que je n’ai rien à dire pour ou contre ce symposium particulier, l’annonce m’a occasionné deux réflexions. La première était de savoir comment une telle annonce serait accueillie si elle disait: « L’islam est-il bon pour les femmes?» ou « L’hindouisme est-il bon pour les femmes? » ou encore « Le libéralisme des Lumières est-il bon pour les femmes ? ». Il ne m’apparait pas évident qu’une de ces autres affiches serait autorisée dans une université moderne. La question « L’islam est-il bon pour les femmes? » ou « L’hindouisme est-il bon pour les femmes? » ne serait-elle pas vue comme communiquant un certain manque de respect à l’égard de ces traditions religieuses?
On peut facilement imaginer une fière musulmane demandant: « Que voulez-vous dire , l’islam est-il mauvais pour moi? » N’est-ce pas une question pleine de préjugés ? Pensez-vous que je suis musulmane seulement parce que je suis une imbécile manipulée ? C’est sectaire et humiliant.
Certains peuvent dire, « Mais les musulmanes sont des citoyennes de 2ème classe, et les femmes hindouistes sont sujettes aux crémations des épouses et aux meurtres d’honneur » . Une musulmane ou une hindouiste pourrait répondre: « Mais ce sont des usages culturels et politiques auxquels ma foi a été placée. Chaque foi a ses usages dans lesquels il peut y avoir des abus. Allez-vous juger ma foi islamique (ou mes observances hindouistes) sur la base de tels abus? Voulez-vous que je juge le christianisme sur l’usage que certains idiots en ont fait pour justifier l’Holocauste? Ou la rationalité des Lumières par la guerre mécanisée du vingtième siècle et les dommages sur l’environnement?
Je suppose que le titre d’un tel symposium pourrait être reformulé ainsi : « l’islam – en dépit de tous les excès que les hommes lui ont apporté – est-il bon pour les femmes? » On doit admettre que ce n’est pas aussi attirant. Et on pourrait demander si les soit-disant « abus » n’étaient en quelque sorte inhérents aux principes de la religion ou causés par eux. Auquel cas, nous serions ramenés au titre précédent.
Ceci m’amène à une seconde, et plus difficile, question. Sur quelle base, en apparence neutre, pourrait-on porter le jugement de « bon pour les femmes » opposé à « pas bon pour les femmes » ? Qu’est-ce qu’une fidèle musulmane pourrait dire au sujet du port du voile ? En ayant connu un certain nombre, je peux vous dire qu’elles le considèrent comme un symbole de leur foi. Que dirait une carmélite déchaussée sur le fait de ne pas porter de chaussure et sur la vie rigoureuse qu’elle et ses sœurs mènent ? Que ce sont des symboles de leur foi et des pratiques qui, en vérité, les rendent très heureuses.
Aussi, comment un joueur de basket-ball de la NBA s’exprime-t-il sur le sujet: « Est-ce que jouer pendant le jeûne du Ramadan est mauvais pour les joueurs de basket-ball de la NBA? » Sa première réponse pourrait être : « Il y a plus de choses dans ma vie que d’être un joueur de basket-ball, Comme cela se trouve je m’en tire très bien dans les finales, Aussi définissez ce que vous entendez par mauvais ». La plus part d’entre nous penserait que « mauvais pour un joueur de joueur de basket ball » dans ce contexte signifierait « mauvais pour leurs performances » ? Mais la « performance » est-elle réellement la seule considération de « bon » et « mauvais ». Et que dire à propos des athlètes professionnels très capables qui commettent d’horribles crimes ? Sont-ils de « bons » athlètes?
Quelqu’un formé dans la tradition thomiste-aristotélicienne pourrait sur ce point répliquer qu’un joueur coupable d’un crime horrible, peut être un bon athlète, mais être une personne mauvaise. Cela peut se comprendre pour un joueur de basket-ball, mais qu’en est-il pour une femme ? Pouvons-nous dire qu’elle serait bonne en tant que femme, mais une mauvaise en tant que personne ? Il semble que l’on ne peut pas. Alors comment devons-nous définir « bonne » en tant que femme, ou pour revenir au texte originel, bon pour une femme – ou pour un homme, d’ailleurs ?
Peut-être pourrions-nous décrire une personne humaine puis essayer d’identifier ce qui serait bon pour une telle personne, et par exemple – une nourriture suffisante, de le lumière solaire suffisante, une bonne amitié, des vertus bien développées etc. et demander si la religion X ou le jugement du monde ajoute ou soustrait à un de ces éléments-clés. Cependant, le problème de cette approche, est que les religions et certains points de vue du monde, souvent ont des perceptions différentes sur la personne humaine. Lesquelles devraient être décisives?
Nous pourrions modifier totalement l’approche et proposer un thème comme : « Une femme chrétienne parle pour expliquer pourquoi le christianisme est bon pour les femmes ». Ainsi nous pourrions apprendre (a) quelle est la perception chrétienne d’une personne humaine, et (b) pourquoi une chrétienne d’accord avec cette perception de la personne humaine, et de l’épanouissement humain, estime que la chrétienté est bonne pour les femmes. Les musulmanes et les femmes hindoues pourraient faire de même.
Ce qu’elles ne doivent pas faire, c’est juger l’épanouissement de l’autre personne suivant des critères étrangers à cette autre personne. La musulmane ne peut pas dire, « vous ne pouvez pas vous épanouir , vous n’avez pas de voile », pas plus que la carmélite ne peut dire à l’athée affable : « vous ne pouvez pas vous épanouir, vous portez des chaussures ». Cependant ceci arrive rarement parmi les personnes religieuses qui sont attentionnées et courtoises.
Peut-être la chose la plus courante dans notre société pour un humaniste séculier affable, est de supposer qu’il, ou elle, a un point de vue neutre, par lequel il, ou elle, peut juger tous les autres. Quand cela arrive, la question « Est-ce que le Christianisme est bon pour les femmes ?» signifie « Est-ce qu’il conforme aux standards de l’humanisme séculaire et du rationalisme des Lumières? » La réponse à cette question sera clairement non, et ce sera non pour toutes les femmes (ou tous les hommes) qui n’acceptent pas les standards de l’humanisme laïc et du rationalisme des lumières.
Le christianisme est-il bon pour les femmes? C’est une question pour un bonne chrétienne.
https://www.thecatholicthing.org/2017/03/15/is-christianity-good-for-women/
Randall B. Smith est professeur de théologie à l’université St-Thomas, à Houston. Son livre le plus récent , Reading the sermons of Thomas Aquinas : A Beginner’s Guide (http://amzn.to/2hX5R7E) est maintenant disponible sur Amazon et à la Emmaus Academic Press.
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Tableau : Thérèse d’Avila par Corrado Giaquinto, c. 1735 [collection privée]