Barbares, le retour - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Barbares, le retour

Nicolas Perot reçoit Vincent Aucante au Café théologique de Caen, mardi 10 janvier 2017, Café Mancel (dans l'enceinte du château de Caen), 20H30
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Il faut attendre les dix dernières pages, magnifiques, du dernier livre de Vincent Aucante Barbares : Barbares, le retour, pour comprendre à quelle question essentielle nous a habilement menés l’auteur et trouver du même coup sa réponse : comment peut-on résister à la violence organisée ? La menace de la violence terroriste est bien à l’horizon de tout cet ouvrage quand il examine les différentes formes de barbarie depuis les sources historiques les plus anciennes jusqu’à nous, en passant par quelques règlements de compte bien sentis : avec le nazisme et ses relents de racisme ou d’eugénisme chez nos contemporains, avec le communisme qui a ses nostalgiques, avec le maoïsme qui règne encore, ou le laïcisme qui récrit l’histoire et cultive l’intolérance. L’ensemble de l’ouvrage montre comment la barbarie a agi dans le passé et comment on a pu lui résister, apportant ainsi la réponse à la question actuelle : que faire face à Daesh ?

On peut reprocher au livre d’utiliser le concept de barbare en un sens très extensif, voire contradictoire. Toute la première partie « La culture des barbares » assimile barbare et primitif, en essayant de tirer des caractéristiques communes d’un concept éminemment relatif dans lequel on trouve Homère rangé à côté d’Attila… Inversement, la deuxième partie « La barbarie de la culture » identifie barbarie et violence voire barbarie et mal. Le lien que V. Aucante suppose entre les deux acceptions est que le primitif vit dans le collectif et la négation de l’individu et que c’est cette barbarie-là qu’on retrouve dans les totalitarismes modernes, déguisés derrière une rationalité de la civilisation qui, au contraire, offre à la « culture barbare » les moyens industriels de décupler sa violence.

V. Aucante n’a aucune peine, dès lors, à dénoncer les contradictions de nos prétendues civilisations. En relevant toutes les régressions de ce vaste panorama historique, il critique en fait la philosophie du progrès : nous sommes bien obligés de constater que les progrès politiques, techniques et culturels n’entraînent pas le progrès moral de l’homme. L’examen des mœurs primitives n’entraîne pas pour autant de mythe du bon sauvage : le scepticisme d’un Montaigne n’intéresse pas V. Aucante. Ce ne sont pas les civilisations qui sont mises en cause, ni leur relativité, mais l’emballement de leur logique interne. Par exemple : quand nos écoles civilisées enseignent un esprit critique réduit à une dénonciation systématique, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un élève à qui on a appris à se révolter se mue en assassin. Par exemple : le positivisme rationaliste, parce qu’il suppose qu’on peut tout construire a priori en faisant table rase du passé, de la nature, de la réalité et des autres, s’appuie sur une raison folle. Bien loin de devoir renoncer à la civilisation pour céder à la fascination et à la facilité de la barbarie, c’est du cœur même des civilisations, de leur fine fleur, par l’éducation, par la culture, par la littérature et par les religions que jaillit l’antidote à cet emballement. S’interrogeant sur ces héros qui s’interposent lors de massacres, sur ces résistants anonymes, sur ces émirs, ces évêques, ces officiers, ces responsables politiques qui prennent leurs responsabilités pour s’opposer à la terreur ou aux mouvements de foule, V. Aucante écrit par exemple : « la compassion ne surgit pas spontanément lorsque nous sommes face à l’un de nos semblables : elle résulte d’une éducation, d’une recherche spirituelle, d’une conscience humaine élevée. » (p. 251)

L’Islam en donne un bon exemple pour V. Aucante : c’est le salafisme, selon lui, qui a perverti la doctrine spirituelle de l’Islam quand des adolescents de la pensée ont voulu l’appliquer dans toute sa soi-disant pureté. Quoi qu’on pense de cette analyse, il est sûr qu’un Islam réfléchi et critique est possible, pourvu qu’on l’ose. Le raisonnement de V. Aucante se résume tout entier en ces lignes : «… la première ligne de résistance est propre à chacun, et c’est peut-être justement la plus difficile. Car s’il est facile de stigmatiser les barbares qui sont ailleurs ou différents de nous,  »radicalisés » comme disent les médias, nous sommes réticents à reconnaître notre propre barbarie intérieure, celle que nous avons tous en partage. » (p. 259) Il faut se servir de la notion de barbarie pour relativiser nos opinions : non pas pour les abandonner, mais pour leur ôter toute radicalité. Cet effort propre à chacun n’est autre que l’effort de la pensée.

Barbarus hic ego sum : ici, c’est moi qui suis le barbare, écrivait au Ier siècle Ovide, Romain raffiné exilé au bout du monde, dans les paysages glacés des bouches du Danube où les Gètes se comprennent fort bien entre eux. Le vertige peut nous prendre face à cette notion si réversible de barbarie : et si c’étaient eux qui avaient raison ? V. Aucante nous met alors sous les yeux ce qu’est la barbarie et cela suffit à effacer nos doutes ou nos tentations et à continuer dans cette démarche de pensée qu’il persiste à appeler l’humanisme et nous avec lui.


Vincent Aucante, Barbares : le retour, Desclée de Brouwer, 2016, 273 pages.

Nicolas Perot reçoit Vincent Aucante au Café théologique de Caen, mardi 10 janvier 2017, Café Mancel (dans l’enceinte du château de Caen), 20H30

Illustration : Delacroix Ovide chez les Scythes.

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L’éternelle question des civilisations

« Barbares, le retour » : l’éternelle question des civilisations

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Pour Vincent Aucante, le terrorisme islamiste marque le retour de la barbarie. L’ancien directeur du Centre Saint-Louis à Rome, qui fut également directeur culturel du Collège des Bernardins, relève des similitudes entre les hordes de barbares qui terrorisaient l’Asie et l’Europe et les jihadistes qui partent en Syrie, ou commettent des attentats.

A cette différence que les Goths, Vandales ou autres Mongols n’avaient d’autres choix que la guerre, alors les jeunes jihadistes pratiquent une barbarie choisie.

http://www.rfi.fr/emission/20160925-1-aucante-terrorisme-islamiste-barbares-jihadistes-attentats


Saurons-nous vaincre les barbares? Nous nous sommes entretenus avec l’historien Vincent Aucante. Au terme d’une étude approfondie des temps anciens, notre invité éclaire la barbarie contemporaine du djihadiste et ouvre des pistes à la fois morales et martiales pour le vaincre.

https://fr.sputniknews.com/radio_antenne/201609301027996934-barbares-islamistes/