Chaunu, c’est un crayon et un regard qui pétille derrière ses lunettes. Et si Lucky Luke tire plus vite que son ombre, lui dessine plus vite qu’il ne parle. Autant son spectacle donne un sentiment d’immobilité (le rétroprojecteur qui filme ses coups de crayon et l’écran qui les restitue ne bougent pas, heureusement pour nous), autant on a affaire à un vif qui a l’esprit d’à-propos et de répartie de sorte que son spectacle s’accorde complètement à l’actualité (d’ailleurs, on peut y aller chaque semaine, ce ne seront jamais les mêmes dessins, qui sont donnés à la fin de la représentation).
La première caractéristique de son spectacle est la liberté, ce qu’il confirme en expliquant qu’un dessinateur ne s’autocensure pas à partir du moment où il aurait peur du terrorisme mais simplement dès qu’il veut vendre son œuvre. Ici, pas de commanditaire, pas d’impératif de mise en page, si bien qu’il multiplie à plaisir les dessins dont le sens évolue au fur et à mesure qu’il avance (le cigare de Fidel Castro en gisant qui devient poteau d’exécution de ses opposants grâce à trois coups de crayons supplémentaires) ou lorsqu’on le retourne (le portrait d’un jeune de banlieue dont le col roulé devient le turban d’un djihadiste une fois inversé).
Pour donner une structure à son spectacle, Chaunu regroupe la création en direct de ses dessins autour de thèmes, par exemple les portraits des présidents de la Ve République. On le suit, les yeux allumés en se demandant quelle pirouette il nous réserve pour la fin du dessin qu’il est en train d’accomplir. Il y a là un jeu intellectuel de devinette graphique qui ajoute au plaisir de la découverte en direct et soutenue par le commentaire qu’il en fait.
Mais comment Chaunu en est-il arrivé à dessiner ? C’est tout simplement que ce Normand était un enfant tout à fait normal, donc doué d’un bon esprit de contradiction et, comme dans le temple calviniste où son père (le grand historien Pierre Chaunu) prêchait chaque dimanche, il n’y avait aucune représentation, il s’est lancé dedans. Et a découvert le pouvoir de la caricature, celui de montrer une vérité subjective en phase avec ce que ressent l’opinion. En effet, explique-t-il, la caricature n’existe pas et ne peut être comprise dans les sociétés où les citoyens ne sont pas informés, ils la prennent alors au premier degrés, pour de l’injure. Car la caricature ne déforme pas pour déformer, mais pour exprimer quelque chose de juste. Cette justesse ou cette vérité subjective se savent relatives car dans le temps de l’actu « chaude », loin de celui de la vérité historique, qui a eu le temps d’être polie par les contextes extérieurs. Mais peu importe, la caricature fait tant rire !
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« Chaunu showman dessinateur », tous les mardis, 21 h 30, jusqu’à fin avril 2017 au Théâtre Montmartre Galabru, 4, Rue de l’Armée d’Orient (face au 53, rue Lepic), 75018 Paris, M° Blanche ou Abbesses, Tél. 01 42 23 15 85, http://theatregalabru.com. Prix de la place = 20 euros.