Une grave question pastorale - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Une grave question pastorale

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Cette phrase attribuée au pape Pie XI ne cessait de revenir en rafales dans nombre de prédications du siècle dernier : « Au XIXe siècle, l’Église a perdu la classe ouvrière. » Reçue très longtemps comme une vérité première, elle est aujourd’hui remise en question par la critique historique, mettant en valeur la complexité du sujet. Chaque période à ses préjugés qu’il conviendrait de mettre en question, pour mieux comprendre la situation sociologique, économique et même religieuse. La lucidité exige à la fois connaissance précise du terrain et esprit de finesse pour saisir de l’intérieur certaines évolutions, qui ne sont identifiables qu’à partir de ce qui a précédé. Notre cher ami, le frère Serge Bonnet, était particulièrement doué dans ce genre d’exercice. Le cardinal Lustiger lui aussi, qui savait mettre en rapport les données les plus récentes de la sociologie urbaine avec les nécessités de la pastorale religieuse. On pourrait invoquer leur patronage pour affronter l’analyse de la société française actuelle.

De ce point de vue, les travaux du géographe Christophe Guilluy1 devraient susciter des interrogations sur la carte des pratiques religieuses, eu égard à la recomposition économique et sociale du pays. Il faudrait ainsi distinguer la France des grandes métropoles qui concentrent l’essentiel de l’essor économique en phase avec les processus de la mondialisation, de la France dite périphérique, celle des villes moyennes ou modestes associées à l’ensemble de l’espace rural. Cette dernière regroupe 60 % de la population et souffre de la précarisation de ses moyens de subsistance. Comment ne pas être frappé par le fait que cette France périphérique correspond aux zones où l’Église est en plus grande fragilité, en raison du maillage toujours plus faible de ses réseaux paroissiaux et de l’absence cruelle de prêtres et d’ordres religieux ? S’ajoute à cela le handicap d’une incompréhension à l’égard de la mentalité des populations souvent méprisées en raison de leur sédentarisation et de leur attachement à leur patrimoine local.

Il arrive que le langage ecclésial trop en phase avec l’idiome culturel dominant constitue un obstacle à l’égard de tous ceux qui ne participent pas aux normes de la classe culturelle installée. Face au séparatisme social et culturel généralisé mis en évidence par Christophe Guilluy, il y a danger d’incompréhension de la part d’une population pourtant majoritaire, qui n’adhère pas aux dogmes de la mondialisation. Par exemple, lorsqu’on stigmatise « l’égoïsme national » opposé à l’ouverture européenne et mondiale, on fait fi de l’importance cruciale des solidarités concrètes qui protègent les plus défavorisés d’entre nous. De même, le phénomène Front national déborde largement les critères polémiques (fascisme ou racisme) et s’explique profondément pour des raisons structurelles impératives. Voilà qui devrait provoquer un réexamen sérieux du langage et des méthodes de notre pastorale.

  1. Christophe Guilluy, « La France périphérique », Flammarion, 2014.

    « Le crépuscule de la France d’en haut », Flammarion, 2016.