Les Pro-vie redécouvrent les périls du caractère indirect - France Catholique
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Les Pro-vie redécouvrent les périls du caractère indirect

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Note de l’éditeur : nous sommes reconnaissants au professeur Arkes d’avoir écrit cette analyse si vite après la décision sur le cas du Texas relatif aux restrictions dans les cliniques d’avortement (et qui fut de surcroît écrite en partie dans un avion vers Londres). […]

Pour les pro-vie et les conservateurs, juin est le mois le plus cruel à la Cour Suprême, et ce depuis de nombreuses années. La Cour attend la fin de la session pour livrer ses décisions sur les cas les plus lourds de conséquences et de division. Et, à une notable exception près, cette publication est une longue série de déceptions.

Nous courons le risque de paraître comme Claude Raines dans Casablanca si nous disons que nous sommes « choqués, choqués » de découvrir que la Cour, lundi, voulait faire abroger le projet de loi soigneusement élaboré au Texas pour améliorer les blocs opératoires concernés par l’avortement, et de mettre également à niveau les « chirurgiens » qui exécutent ces procédures. [Whole Woman’s Health contre Hellerstedt]

Et, une fois encore, ce fut le petit coup de pouce d’Anthony Kennedy qui conduisit à émettre cette décision. Dans le grand livre, invisible, figure une autre réussite pour Joe Biden : la nomination de Kennedy intervient à la suite du blocage malveillant de Robert Bork à la Cour, avec Biden comme président en charge. Bork est mort mais Kennedy est le cadeau qui (pour les Démocrates) ne cesse jamais de donner.

Au Texas, la loi exigeait qu’un « médecin exécutant ou provoquant un avortement… [doit], à la date où l’avortement est réalisé ou provoqué, disposer de droits d’admission dans un hôpital qui… est situé à moins de cinquante kilomètres de l’endroit où l’avortement est réalisé ou provoqué. »

L’objectif affiché est de s’assurer que les femmes ont accès au meilleur hôpital de la région si les choses tournent mal lors de l’avortement – non pour l’enfant innocent, dont la mort est considérée comme acquise, mais pour la femme qui subit la procédure. Et c’est là que se trouve la clé de l’incompréhension qui a marqué les deux côtés en réaction à cette épouvantable décision.

Nous avons entendu à présent la réclamation des pro-vie que, dans leur zèle à protéger le « droit à l’avortement », la majorité voulait traiter par ce que le Juge Alito appelle « tapis de bombe », en balayant tous les endroits de la législation, même lorsqu’elle avait seulement pour but d’améliorer la qualité des blocs opératoires.

Mais la Cour était-elle vraiment opposée à l’amélioration des moyens médicaux pour les femmes ? Et les pro-vie étaient-ils vraiment scandalisés dans le cas présent par une volonté de se préoccuper des femmes souffrant des risques de l’avortement ?

Les pro-vie semblent avoir omis l’essentiel selon lequel, lorsque la loi fut conçue, non dans le but de protéger l’enfant à naître, mais pour protéger la femme, il était temps pour les juges de gauche de faire remarquer que seulement un pour cent des avortements au Texas nécessitait une admission à l’hôpital. Ou qu’il y a de bien plus nombreuses urgences de cette sorte provenant de coloscopies et de liposuccions.

La santé de la femme tout entière à San Antonio, Texas [AP Photo/Eric Gay]
Les partisans de l’avortement soupçonnent – avec raison – que l’objet de ce règlement n’était pas de rendre les avortements plus sûrs mais de les décourager complètement.

En regardant sous cet angle, le Juge Breyer fit une remarque qui allait au-delà de sa propre compréhension lorsqu’il se demanda pourquoi il était nécessaire à la santé de la femme recourant à l’avortement que la salle d’opérations dût avoir « une surface libre de 21,5 m² » dans laquelle « la dimension minimale entre les armoires intégrées, les appareils de mesure et les étagères, serait de 4,20 mètres.

En ce qui me concerne, cette affaire m’a rappelé une autre affaire notable dans la législation à caractère indirect : les règlements municipaux mis en œuvre il y a des années pour lutter contre les maisons closes qui se faisaient de la publicité en tant que « salons de massage ».
Les autorités avaient réagi en insistant sur le fait que les vrais salons de massage devaient désormais disposer de piscines d’au moins 135 m² et de courts de squash de dimensions 7,5m par 13,5m par 6m. J’appelle ça « le rituel de l’exactitude vide » qu’utilise le législateur lorsqu’il est réticent à nommer l’erreur qu’il essaie de corriger, ou lorsqu’il ne peut pas résumer les raisons pour lesquelles il s’agit d’une erreur que la loi devrait pardonner.

Les bons New-Yorkais gauchistes avaient toujours honte de condamner la prostitution lorsqu’il s’agissait d’une activité exigeant le consentement des adultes participants. Au Texas, le législateur considérait qu’il était empêché par les tribunaux de dire explicitement que le fait de tuer des enfants innocents était le mal qu’il essayait de combattre.

Il se pensait obligé de traiter la question comme il le pouvait, par l’absence de ligne directrice, en professant plutôt sa préoccupation pour les femmes qui pouvaient être blessées par ces instruments chirurgicaux détournés de leur but.

Mais d’une manière curieuse, il lui fallait ensuite s’accorder avec la façon de voir la situation du Juge Breyer et de ses alliés. Que devons-nous faire de la sensibilité et de la compréhension de la justice du Juge Breyer – et des collègues qui l’ont rejoint – lorsqu’ils ont cité la Cour fédérale du Texas en déniant la nécessité de cette loi ? A savoir que « avant l’adoption de la loi, l’avortement au Texas était extrêmement sûr avec des taux particulièrement bas de complications graves et pratiquement aucun décès survenu en raison de la procédure. »

Environ 60 000 à 72 000 avortements par an. Et pratiquement aucun « décès » ? Pour le Juge Breyer et ses amis, les « décès » des enfants à naître sont hors de propos parce que ces vies ne comptent pas comme vies humaines.

Les législateurs du Texas se sont imposé le même prisme de vision. Ils ont cherché à faire avec les outils dont ils disposaient mais la commission a basculé contre eux parce qu’ils n’avaient pas pensé qu’ils pourraient nommer le mal qu’ils voulaient véritablement interdire.

Hadley Arkes est le professeur émérite de la chaire Ney de Jurisprudence à Amherst College. Il est également fondateur et directeur de l’Institut James Wilson sur les droits naturels et la fondation de l’Amérique, basé à Washington. Son livre le plus récent est Constitutional Illusions & Anchoring Truths: The Touchstone of the Natural Law (Illusions constitutionnelles et vérités fondamentales ; la pierre angulaire de la loi naturelle). Le Volume II de ses conférences audio sur The Modern Scholar, First Principles and Natural Law (le savant modern. Premiers principes et loi naturelle) est à présent téléchargeable.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/06/30/pro-lifers-discover-again-the-perils-of-indirection/