Le “Dialogue” confus catholico-musulman - France Catholique
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Le “Dialogue” confus catholico-musulman

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En 2013, l’Institut Foi et Raison (institution parente de « The Catholic thing ») en collaboration avec l’Institut Westminster, a publié une monographie que j’avais écrite sur les perspectives et les périls du dialogue catholico-musulman. J’y examinais quinze ans d’efforts fournis par les conférences des évêques de trois régions pour engager un tel dialogue. Les résultats n’étaient pas encourageants.

Acharnée, nullement découragée, inconsciente, la Conférence des évêques américains catholiques a fait monter les enjeux en établissant un dialogue national catholico -musulman. Que pouvons-nous en attendre ? J’ai le regret de le prédire : encore plus de confusion.

Les problèmes sont nombreux : comme la plupart des américains, les évêques ne savent pratiquement rien de l’Islam. C’est pourquoi ils ne comprennent pas le contexte dans lequel parlent leurs interlocuteurs musulmans. Il en résulte qu’ils s’engagent dans une interprétation en miroir, c’est-à-dire qu’ils comprennent les musulmans comme ces bons évêques se comprennent eux-mêmes. Une grave erreur.

L’évêque de San Diego, Robert W. McElroy en a fourni un exemple récemment à «  l’Institut Joan B. Kroc pour la Paix et la Justice » de San Diego. Le Service des Nouvelles Catholiques (CNS) a fait les gros titres de l’évènement ; « L’évêque met les catholiques au défi de combattre ‘la vilaine marée de fanatisme anti-islamique’ » L’évêque avait dit que les catholiques devaient s’élever contre « les distorsions que l’on faisait subir à la théologie musulmane et à son enseignement sur la société et sur l’Etat.»

Que peuvent bien être ces distorsions ? Apparemment, que nous devrions regarder avec répugnance les « mensonges répétés » prétendant que l’Islam est violent par nature, que les musulmans cherchent à remplacer la constitution des Etats Unis par la Charia, et que l’immigration musulmane menace « l’identité culturelle du peuple américain ».

Monseigneur McElroy avait pour interlocuteur ce soir-là Sayyid Syeed, un chef de la Société Islamique d’Amérique du Nord (ISNA) dont le nom m’était familier parce qu’il était une institution dans les dialogues islamo-catholiques du Midwest. L’évêque ne savait peut-être pas le pédigrée de l’ISNA, engendré par les frères musulmans, principale organisation mondiale pour le rétablissement du califat – dont le but est d’établir la charia.
Mais ne vous fiez pas seulement à moi.

Le Docteur Muzammil Siddiqi, lui aussi, fréquent interlocuteur des évêques, et ex président d’ISNA, a déclaré ceci dans le journal  Le lien du Pakistan . « Nous ne devons pas oublier que la loi d’Allah doit être établie dans tous les pays, et tous nos efforts devraient mener dans cette direction. » En 2001, il a écrit : « Une fois que plus de monde acceptera l’islam, si Allah le veut, ceci nous amènera l’installation de la Charia partout ».

Le Docteur Zuhdi Jasser, fondateur du Forum américano-islamique pour la démocratie, rapporte que lors de la convention annuelle de 1995, l’orateur principal de la conférence d’ISNA, l’imam Siraj Wahhaj a appelé à remplacer la constitution américaine par le Coran. Il n’est pas étonnant que le Docteur Jasser déplore ce qu’il appelle une «  relation malheureuse entre les autorités catholiques et l’ISNA ». (Il est évident que le Docteur Jasser ne ferait pas un bon interlocuteur.)

Tout en reconnaissant la situation terrible des chrétiens au Moyen Orient, l’évêque McEnroy a, semble-t-il, loué le respect de l’Islam pour « les peuples du Livre ». Il fut en ceci ardemment soutenu par son interlocuteur Monsieur Syeed, qui, selon CNS, déclara que le premier millénaire avait été marqué par les relations positives entre la chrétienté et l’Islam, mais que tout cela avait changé pendant le millénaire suivant au cours duquel avaient eu lieu les croisades.

Voilà une perspective historique intéressante.

A partir le l’an 650 après J.C. les musulmans régissaient l’Irak, la Syrie, le Liban, la Palestine et l’Egypte – pays qui avaient tous été chrétiens et dont les habitants avaient été relégués à l’état de dhimmis 1. Moins d’un siècle plus tard, l’Islam s’était étendu jusqu’en Afrique du Nord et en Espagne – tout ceci au cours du premier millénaire de « relations positives ». Et dans aucun de ces endroits les musulmans n’étaient arrivés pacifiquement.

Je suggère que les évêques mettent dans leur liste de livres à lire l’ouvrage de Bat Ye’or Le déclin de la chrétienté sous l’Islam : Du Jihad à la Dhimmitude. Ainsi ils pourraient parler avec exactitude du respect qu’a eu l’Islam pour les «  peuples du Livre » au premier millénaire et par la suite. A la lecture de cette histoire, est-il déraisonnable de considérer qu’il y a quelque chose de violent inhérent à l’Islam ?

Monsieur Syeed continuait en disant qu’au second millénaire, « les deux croyances divisaient le monde en « une maison de l’Islam » et une « maison de chrétienté ». En vérité, la division a été faite bien avant par l’Islam, quand il a créé la distinction entre le dar al-islam et le dar al-harb, décrivant le monde chrétien comme une « maison de guerre ».

Mais peut-être cette distinction est-elle largement dépassée ? A peu près à l’époque du discours de Mgr McElroy, dans un sermon du vendredi, à Edmonton, en Alberta, l’Imam Shaban Sherif Mady a déclaré : « Il faut vous y attendre, car le prophète Mahomet a dit que Rome serait conquise.

Constantinople l’a été. Rome est le Vatican, le cœur même de l’Etat chrétien. »
Alors, qui se trompe sur l’Islam, ici, l’évêque ou l’imam ? (je fais abstraction de Monsieur Syeed car il pourrait difficilement nier que Mahomet ait dit ceci.)
En d’autres termes, l’évènement intervenu à l’Institut pour la Paix de San Diego fournit un microcosme pour ce qui en général marche mal dans le dialogue entre catholiques et musulmans quand il est mené par les conférences épiscopales. Aucun des nombreux réformateurs intellectuels musulmans avec lesquels j’ai travaillé pendant des années n’a jamais été invité à un de ces entretiens. En majorité, seuls les organisations islamistes doivent y participer.

Ceci aide à légitimer les clones de la Fraternité musulmane, et marginalise les vraies voix de la réforme musulmane. De même, étant donné que bien souvent ils se trompent sur le fond, ces « dialogues » finissent par répandre des malentendus, plutôt que de les résoudre.

Comme les musulmans se moquent éperdument de ce que les catholiques peuvent dire de l’Islam, les seuls qui sont désorientés par ces « dialogues » sont les catholiques eux-mêmes. Je suggère comme devise pour le nouveau dialogue national de l’USCCB 2 la parole de Benoit XVI : « La vérité rend le consensus possible », et du même coup, le non-sens le rend impossible.

Selon un rapport du CNS de la semaine dernière, Monseigneur McElroy a dit que la colère qui domine le climat politique habituel est un signe du sentiment qu’ont les gens d’être privés de leurs droits et de ne pas être écoutés par les élites. Monseigneur McElroy fait partie des élites. Est-ce qu’il écoute ?

21 mars 2016

https://www.thecatholicthing.org/2016/03/21/the-muddled-catholic-muslim-dialogue/

Photo : Débat entre Mgr McElroy et Sayyid Syeed.

  1. NDLT : C’est-à-dire de « protégés », en fait de citoyens de seconde zone, subissant force vexations et payant un impôt plus fort pour avoir le droit de vivre
  2. United States Conference of Catholics Bishops. Note de la trad.