Désaccords - France Catholique
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La justice de Dieu
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Désaccords

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En ce dimanche de la Miséricorde, je m’apprête à n’être que douceur en écrivant ces remarques à propos d’opinions qui m’ont paru contestables quoiqu’émises sur une Radio que d’ordinaire j’apprécie : formulées par une dame venant de sortir un essai[1] où elle s’est risquée, à mon sens, en des espaces dont elle n’a peut-être pas découvert les pièges[2]… Ne désirant aucunement m’attarder longuement sur les thèmes de ses réponses aux questions d’une journaliste, j’ai jeté sur le papier, non sans une certaine précipitation, mes propres remarques. En guise de défoulement ? Non, pour seulement me mettre moi-même en garde si toutefois venait me faire chuter la tentation de penser que cette auteur n’était pas, finalement, idiote mais au contraire presque trop intelligente…

Elle expliquait donc à ses auditeurs invisibles, et à la journaliste, qu’il faut songer au plus vite à réformer l’Église catholique qu’elle trouve beaucoup trop frileuse alors qu’il s’agit d’une urgence absolue : s’engager en un dialogue déterminant avec « le Monde », non le quotidien du soir dont elle doit être une fidèle lectrice, mais celui des êtres humains qui vivent en grande majorité profondément éloignés d’elle ; aussi trop hésitante dans ses façons d’être attentive aux diverses, plutôt innombrables cultures qui se développent en toute hostilité avec elle[3] ; bien sûr trop clémente avec la « Manif pour tous », qu’elle trouve dirigée par une équipe quelque peu basique et porteuse de conceptions arriérées sur la Famille, pauvre Tugdual Derville ! Pour son bonheur, le pape François, espère-t-elle, remettra les pendules à l’heure une fois digéré l’énorme dossier rassemblé par tous ceux qu’il avait invité, courageusement, à plancher sur le sujet ; d’urgence, je me répète, elle devra, l’Église, revoir en profondeur sa conception de l’anthropologie, aujourd’hui en totale mutation comme d’être plus accueillante aux nouvelles conceptions de ce qu’est finalement l’humanité, citant notamment les étonnantes « avancées » et progrès du « trans-humanisme » qui va permettre aux humains de découvrir des mondes nouveaux et miraculeux comme de se rénover sans cesse, de rester en vie pendant des siècles, mais peut-être, et c’est un risque à examiner, de prendre le chemin du pire… ; enfin, de revoir ce qu’elle nomme depuis longtemps la « Loi naturelle » qu’elle préfère concevoir comme étant plutôt la « Loi rationnelle »…

L’écoutant rejeter la Manif pour tous, ce qui a déplu au marcheur que je fus en 2013 et 14, dont elle trouve les positions sur la famille ringardes, voire simplistes, et lui opposant la nouveauté considérable des façons de faire et de dire de notre pape François, qu’elle félicite d’être un « agissant » plutôt que de s’appliquer à enrichir les visions théologiques qui furent si chères aux papes précédents, malgré un coup de chapeau adressé à saint Jean-Paul II mais aussitôt suivi d’un propos sévère envers saint Pie X, qui commis une sorte d’indignité en s’en prenant aux « modernistes » et autres « progressistes » – j’ai toujours préféré, pauvre de moi, me trouver dans le camp des « anti-modernes » -, j’ai prêté une attention plus soutenue aux réponses aux questions qui lui étaient posées.

Je ne m’étendrai pas longtemps sur ce que j’ai entendu : en dehors de ses rejets rapidement évoqués, elle a cité à plusieurs reprises l’anthropologie à refonder… Ont eu recours maintes fois, mais en vain, cette science les opposants aux lois – ni naturelles ni rationnelles à mon sens – de Madame Taubira… J’aurais aimé qu’elle explique sur quel versant de ce savoir elle se situe, apparemment pas celui où campe le catholicisme : il est probable que la vision scientifique des lois fondamentales régulant la vie des sociétés ne soit pas exactement copiées sur celle chère à l’Église située à Rome, comprise comme société elle aussi. Cela tient notamment au fait que Jésus nous a laissé quelques lignes de conduite à observer, également des remarques dont l’une est particulièrement détonante : « Vous êtes dans ce Monde mais n’êtes pas de ce Monde ». Une nuance… (anthropologique ?) me vient immédiatement à l’esprit : les lois que les sciences, notamment humaines, affirment être celles qui s’imposent aux sociétés avides de vivre dans un état de régulation capable de les faite vivre en harmonie avec l’Univers sont-elles toutes approuvées par l’humanité fidèle au Christ ?…

Prenons un faisceau de divergences : l’Évangile nous fait comprendre d’évidence que le Mal existe, toujours en capacité de soumettre les êtres humains au régime des tentations dont il est le pourvoyeur, tentations que seule la grâce divine parvient à les vaincre : la loi de la Grâce de Dieu figure-t-elle dans l’anthropologie scientifique ? L’Église catholique tient l’Enfer pour existant et que donc convient de tenir compte de l’action permanente de son Maître sur l’ensemble de toutes les sociétés : là encore je serais étonné que l’on retrouvât l’immersion active du Prince de ce Monde, du Prince des Ténèbres, dans le dossier des anthropologues… Cette action dépasse de loin celle que nous nous contentons d’imaginer… S’ajoutent d’autres réalités non-intégrables par nos élus et gouvernants au sein de notre Constitution républicaine : la principale est que le Royaume éternel de l’Amour est déjà présent en chacun, quel qu’il soit, mais consciemment présent chez les chrétiens fidèles à l’enseignement du Fils de l’Homme ; il en devrait en découler, en toute justice, des lois directement inspirées de ces réalités.
Je me tiens ici en un lieu mental très éloigné de ce que la Science anthropologique, aussi intéressante qu’elle soit et dont je sais qu’il convient que nous en tenions compte, se permet de nous enseigner par divers et publics stratagèmes (quoique sans nous en causer…).

Il y a donc cette Science et il y a cette Foi : celle-ci prenant son essor quand nous parvenons aux frontières du Savoir tel que nous cherchant à le saisir à partir de ce que dit la Genèse à propos de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, savoir qu’il a bien fallu à Dieu de nous avertir qu’il était fort éloigné de ce qu’Il attend de nous quand Il nous prie d’« écouter » son Fils et son Élu (séquence admirable de la Transfiguration ).

Je ne veux ici ne rejeter aucune des disciplines ouvertes par les savants, je tiens à ma peau en même temps que la science en ses recherches nous aide à louer le Créateur. Mais en ce qui concerne l’anthropologie, je déclare ne dédaigner, ce ne sont que deux exemples, ni l’ethnologie, ni l’ethnographie, dont les anthropologues ne négligent pas les apports.
J’observe que les chrétiens sont désormais presque seuls à avoir une « conception » précise de ce qu’est l’homme par rapport au temps, à l’espace, à l’invisible, et même à l’avant surgissement du Cosmos : sans oublier le rapport au Monde désigné par Jésus. Sans cette conception, impossible de se référer à la notion de « Loi naturelle » dont nous usons depuis de nombreux siècles, expression qui ne se peut comprendre si l’on oublie tout de la Théologie, de l’Écriture[4], de la Passion du Christ et de sa Résurrection etc.. Au total, parler de « Loi naturelle » permet à l’esprit d’aller plus loin et plus haut que l’expression « Loi rationnelle », préférée par la Dame entendue ce matin.

Il va de soi que l’usage de la Raison s’impose si l’on veut réellement débroussailler le champ de ce « naturel » dont la Science et pas plus la Raison ne saurait saisir qu’il relève d’emblée de l’Action créatrice de Dieu.
Pour ce qui est du transhumanisme dont il est entendu qu’il peut être source de grands profits comme de grands progrès selon ce que l’on en dit dans quelques cénacles, il m’apparaît devoir être la source de grands désastres, surtout si l’on persévère à vouloir suivre ses « concepteurs » : mais il faudrait plusieurs gros ouvrages pour des détailler ; cela ne relève pas vraiment de mes capacités de vieil homme.
Dominique Daguet

[1] – Ayant pris l’émission avec un certain retard, je ne puis en noter le titre.

[2] – S’il m’arrive de m’être piégé moi-même, que l’Esprit-Saint, non évoqué ce matin dans l’émission en question, me permettra, maintenant ou plus tard, de comprendre et de situer mes erreurs.

[3] – Aujourd’hui tout est « Culture », les plus horribles dessins « tagués » sur tous les murs de nos banlieues, les plus ineptes chansons enrobées dans les plus ineptes musiques, les architectures les plus invivables ou les plus laides, les œuvres d’art les plus indigestes, les tenues vestimentaires les plus indécentes, les émissions de radio et de télé dont la prétention égale trop souvent la nullité…

[4] – Notamment en réfléchissant sur la Création, en liant à la fois ce que dit et suggère la Genèse tout en établissant l’ensemble des rapports possibles entre ce texte et les recherches scientifiques effectuées ces soixante-dix dernières années par des astrophysiciens d’envergure : la « Grande explosion », dite dérisoirement bigbang, joue ici un grand rôle qui fait profondément comprendre les diverses significations des images et des symboles du récit de la Genèse.