A l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire, le discours annuel donné par le Saint-Père devant le tribunal apostolique de la Rote romaine offre un éclairage magistral quant aux défis qui se présentent à la jurisprudence ecclésiastique en matière de loi sur le mariage.
L’allocution de cette année a défrayé la chronique car le Pape François a déclaré : « il ne peut y avoir aucune confusion entre la famille désirée par Dieu et toute autre forme d’union » – et cela juste au moment ou le parlement italien débattait de la reconnaissance légale de l’union civile de personnes de même sexe. Un aspect encore plus important de cette allocution papale fut la clarification qu’il apporta sur le rôle joué par la foi dans le mariage.
Deux interventions canoniques papales composent la toile de fond de ce débat. La première est le motu proprio Mitis Iudex, réformant différents canons du Code de droit canonique concernant les procès en demande de nullité de mariage. Une procédure plus courte a été établie pour les cas de nullités du mariage, et un addendum vise à donner des orientations pratiques aux tribunaux de l’Église pour son application.
L’article 14 stipule :
« Parmi les choses, les circonstances et les personnes pouvant entrainer qu’une affaire de nullité de mariage soit gérée par la procédure courte en conformité avec les canons 1683-1687, se trouvent, par exemple : le vice de foi pouvant entrainer la simulation du consentement ou une erreur sur laquelle la volonté aura été établie. »
L’intégration d’un « vice de foi » est intéressante étant donné que la foi n’est pas exigée par l’Église pour un mariage (un catholique obtenant par le fait une dispense lui permettant d’épouser un non croyant). Les lois canoniques établissent qu’afin « qu’un consentement matrimonial puisse exister, que les parties contractantes ne soient au minimum pas ignorantes du fait que le mariage est un partenariat permanent entre un homme et une femme ordonnés à la procréation d’une descendance par le moyen de quelque coopération sexuelle. » (1096)
« Simulation du consentement » signifie simuler consciemment ses vœux de mariage. « Une erreur qui établit » la volonté quant à « l’unité, l’indissolubilité ou la dignité sacramentelle du mariage » vicie notre consentement du fait d’une compréhension profondément erronée de ce qu’est le mariage, tel que de présumer de la bonne foi, la personne trompée de cette manière ne se serait pas mariée dans l’Église si elle avait correctement compris ce qu’est la mariage.
Dans les deux cas, la foi, qu’elle soit défectueuse, faible ou ignorante n’est pas elle-même un fondement pour justifier de la nullité : mais plutôt, ce qui rend le mariage nul c’est lorsque le baptisé prononce en fait des vœux qui sont sans effets, soit frauduleusement dans le cas de la simulation, soit par erreur dans le cas de la compréhension erronée de ce qu’est le mariage. La qualité déficiente de notre foi peut être la cause de ces problèmes, mais des personnes dénuées de foi peuvent aussi agir frauduleusement ou par erreur.
Le Motu proprio faisait suite à l’allocution du Pape François de 2015 à la Rote ou il déclarait : en fait, Il existe ici une sorte de spiritualité emprunte de l’esprit du monde « qui se cache derrière l’apparence de la piété et même derrière l’amour pour l’Eglise » (Ap. Ex. Evangelii gaudium, n. 93), et qui mène à la poursuite du confort personnel plutôt que de celle de la gloire de notre Seigneur. Un fruit de cette attitude est « une foi purement subjective dont le seul intérêt est une certaine expérience ou un ensemble d’idées et de parties d’informations dont le but est de consoler et d’éclairer, mais qui finalement enferment leur détenteur dans ses pensées et dans ses sentiments personnels. »
Clairement, pour quiconque se livre à cette attitude, la foi sera toujours privée de sa valeur normative. Cela laisse la porte ouverte aux compromis avec son égoïsme et la mentalité actuelle, qui est devenue une caractéristique dominante par le biais des médias.
C’est pour cette raison que le juge, lorsqu’il délibère de la validité des consentements exprimés, a le devoir de garder à l’esprit le concept de valeur et de foi – ou de leur absence – dans le cadre duquel l’intention de se marier s’est formée. Effectivement, le manque de connaissance des contenus de la foi pourrait mener à ce que le code appelle erreur déterminante de la volonté (1099). Cette circonstance ne peut plus être considérée comme exceptionnelle, comme c’était le cas par le passé, étant donné la prévalence de la pensée du monde imposée au magistère de l’Eglise.
Comparons cela avec ce que le Pape a dit en janvier :
Il convient de redire clairement que la composante essentielle du consentement marital n’est pas la qualité de sa foi, qui selon une doctrine immuable peut être seulement ébranlée sur le plan naturel (cf. CIC c. 1055 §§ 1,2). C’est vrai, l’habitus fidei est infusé au moment du baptême et continue d’avoir une influence mystérieuse dans l’âme, même lorsque la foi n’a pas été développée et qu’elle semble absente d’un point de vue psychologique. Il n’est pas rare que des couples soient menés à un mariage véritable par l’instinctus naturae et qu’au moment de sa célébration qu’ils n’aient qu’une conscience limitée de plan de Dieu. Ce n’est que plus tard dans le cour de la vie de leur famille qu’ils en viennent à découvrir tout ce que Dieu, le Créateur, le Sauveur, a élaboré pour eux. Un manque de formation dans la foi et erreur en ce qui concerne l’unité, l’indissolubilité, et la dignité sacramentelle du mariage n’invalide le consentement marital que s’il influence la volonté de la personne (cf. CIC c. 1099). C’est la raison pour laquelle que les erreurs concernant la sacramentalité du mariage doivent être évaluées avec beaucoup d’attention.
C’est ainsi que François a clarifié le fait que la validité du consentement marital ne dépend pas de « la qualité de notre foi. » il est impossible de juger de cela, et ce n’est pertinent que dans les cas ou notre « manque de connaissance des contenus de la foi, » non pas notre foi elle-même, nous a conduit à notre décision d’être marié dans l’Eglise Catholique, ou que cela nous a conduit à simuler délibérément notre consentement.
Un tel fait n’est pas impossible, mais je pense que c’est extrêmement rare. A l’évidence, et quelle qu’en soit la manière, le simple fait d’être un catholique non pratiquant ou faiblement éduqué au moment du mariage ne le rend pas nul. Une simple connaissance de base que le mariage est une union permanente d’un homme et d’une femme, ordonnés à la procréation par l’union sexuelle, est nécessaire, tout comme l’échange honnête des consentements.
Le 27 février 2016.
Le Révérend Gerald E. Murray, J.C.D. est curé de l’église de la Sainte-Famille, à New York, et spécialiste du droit canon.
Photo : Le Pape avec les juges de la Rote.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/02/27/papal-clarifications-about-marriage/
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