La justice sociale : de quoi parle-t-on ? - France Catholique
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La justice sociale : de quoi parle-t-on ?

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Le concept de « justice sociale », qui peut être d’une grande utilité a été –comme nous le savons bien – pris en otage par les progressistes tant laïques que membres du clergé. Ils en ont fait un slogan qui les aide à imposer des formules idéologiques et de nouveaux droits à nos institutions communes ou à promouvoir leurs causes préférées sur des bases juridiques.

Ces « Social Justice Warriors » [Combattants de la justice sociale] qui plaident pour la redistribution des biens imposée par l’Etat, le mariage pour tous, la transsexualité et les programmes de Black Lives Matter [Les vies noires comptent] et d’Occupy Wall Street [Occupons Wall Street], présentent aussi leurs adversaires comme des méchants opposés à tout ce qui est bon, et emploient souvent des tactiques visant à réduire au silence ou à réprimer ceux qui osent les contredire.

Dans un article sur ces « dangereux et autoritaires pseudo-progressistes » paru dans un numéro du New York Observer intitulé « La doctrine totalitaire des Combattants de la justice sociale », la journaliste Cathy Young conclut :

« Parce que les Combattants de la justice sociale s’obstinent tellement à changer les mauvaises attitudes et à débusquer les préjugés et les manques de sensibilité latents, leur hostilité à la liberté d’expression et de pensée n’est pas un regrettable avatar du mouvement mais son essence même ».

Vivement désireux de sauver le concept de « justice sociale » du sort qui lui est réservé et de clarifier sa véritable signification, Michael Novak, lauréat du prix Templeton, et Paul Adams, professeur émérite d’action sociale de l’Université d’Hawaï, ont coproduit un livre impressionnant : Social Justice isn’t What You Think It Is (La vraie justice sociale n’est pas ce que l’on pense).

Les auteurs soutiennent que la « justice sociale » au sens propre, ne relève pas des pouvoirs publics, mais de la vertu individuelle. Pour expliquer cette prémisse et « trouver un nouveau libellé de la définition de la justice sociale – un libellé qui soit conforme à la conception originelle, neutre du point de vue idéologique pour les acteurs politiques et économiques et applicable aux contingences actuelles », le livre est divisé en deux parties.

La première, la « Théorie » de la justice sociale a été rédigée par Novak et la deuxième partie, « La pratique », par Adams.

La justice sociale a été présentée comme une nouvelle vertu par le pape Pie XI dans son encyclique de 1931 Quadragesimo Anno. Il a qualifié cette forme de justice de « sociale » parce que son but était d’améliorer le bien commun d’un « peuple libre et responsable » au moyen d’activités sociales étroitement associées à l’unité de base de la société : la famille. Ces activités pourraient comprendre la création de structures religieuses et éducatives locales et la gestion de services essentiels.

Cette vertu doit aussi atteindre des buts qui ne sont pas à la portée d’un individu isolé. Les citoyens sont censés acquérir trois compétences : «l’art de former des associations, la volonté de prendre la tête de petits groupes et l’habitude et l’instinct du travail en coopération».

La justice sociale n’était pas censée dépendre de grandes bureaucraties impersonnelles, dominatrices et pesantes, au niveau fédéral ou à celui de chaque état, qui ont tendance à étouffer les initiatives individuelles et locales. C’est plutôt un élan de générosité qui incite les gens à former des associations pouvant assurer une « protection sociale contre l’individualisme exacerbé, tout en permettant à un très vaste espace civique d’échapper à la surveillance directe de l’Etat ».

Novak conclut sa partie de l’ouvrage en soulignant :

« L’enseignement catholique social et l’action sociale axée sur la démarginalisation rejettent tous deux aussi bien l’hypertrophie de la personne totalement autonome et sans attaches que l’hypertrophie de l’Etat. C’est dans l’espace – occupé par la société civile ou les structures médiatrices – entre l’individu et l’Etat que se forme la conscience et que les vertus qui la constituent se développent grâce à la pratique et à l’habitude. De son côté, la vertu de justice sociale nécessite, elle aussi, cet espace dans lequel les citoyens s’unissent à la recherche du bien commun et contribue à son extension.

En ce qui concerne la justice sociale catholique en action, le professeur Adams la présente comme la vertu principale des sociétés libres. Les agents du service social sont motivés par la vertu et appelés à agir avec les gens en vue « d’améliorer le bien commun des familles, d’un voisinage, d’une ville, d’une nation tout entière, voire du monde entier ».

L’action sociale, soutient Adams, n’est ni individualiste ni collectiviste, mais se consacre à renforcer la capacité de protection et d’autorégulation de la famille et de réduire sa dépendance par rapport à « l’Etat bureaucratique ».

Ce qu’Adams redoute par-dessus tout, c’est que les agents du service social qui adhèrent à la doctrine judéo-chrétienne sur la vie, la mort, la famille et le mariage ne soient exclus de la profession. Les objections de conscience sont en voie d’élimination dans la plupart des domaines médicaux et de conseils. La conscience a été redéfinie comme un ensemble « de valeurs purement personnelles qui doivent être mises en sourdine quand le devoir l’exige ».

Aujourd’hui, les clients ou les patients sont les rois. Les agents du service social doivent leur fournir ou contribuer à leur fournir toute assistance juridique qu’ils puissent réclamer. Le droit et le devoir du professionnel, fait observer Adams, « d’avoir recours à son propre jugement pour décider de ce qui est requis, indiqué ou moralement permis sont réduits à néant ».

L’équilibre des droits entre le professionnel et le client est faussé et la responsabilisation du client « prive radicalement le professionnel de toute responsabilité et le déshumanise».

Bien trop souvent les agents des services sociaux et les personnels des services de santé doivent soit mettre en œuvre des politiques ou des procédures qu’ils jugent moralement dégradantes soit trouver un autre type de travail.

La guerre menée contre la conscience vise à détruire la mission de subsidiarité qui fonde la vie associative, en particulier dans l’Eglise et la famille. Et si les Combattants de la justice sociale réussissent, la liberté religieuse se ramènera à la liberté de culte et l’Eglise devra abandonner une de ses principales responsabilités sociales qui est de venir en aide aux pauvres, aux malades, aux sans abri et aux orphelins.

Parce que les batailles ayant pour enjeu la conscience dans l’arène publique sont si démoralisantes, Novak et Adams concluent que le mot d’ordre le plus important de la justice sociale catholique doit être : « N’ayez pas peur ». Ils nous invitent à viser plus haut et « à tirer de la force de l’exemple de tant de héros et héroïnes qui ont vécu avant nous, remportant sans cesse de petites victoires, même aux époques les plus sombres.

La vraie justice sociale l’exige.

Samedi 20 février 2016

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Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/02/20/what-is-social-justice/

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Couverture : Social Justice isn’t What You Think it is Michael Novak & Paul Adams.

George J. Marlin, président du Conseil d’administration d’Aid to the Church in Need USA, est un des rédacteurs du Quotable Fulton Sheen et l’auteur des ouvrages suivants: The American Catholic Voter, Narcissist Nation : Reflexions of a Blue State Conservative. Son ouvrage le plus récent est Christian Persecution in the Middle East: a 21st Century Tragedy.