Dans la basilique de Guadalupe, au cœur de Mexico, le Pape a voulu s’isoler pendant vingt minutes pour prier, dans la tranquillité, se retranchant des 40 000 fidèles présents, en contemplant le vénérable tableau de la Vierge Morenita (métisse). Pour évoquer ce qu’a été ce face-à-face intime avec la Mère de Dieu, François n’a pas hésité à employer un langage lyrique, très caractéristique de sa mystique mariale : « Un peu de silence peut nous faire du bien. Tout comme la regarder, elle, la regarder longuement et calmement. Te regarder, Mère, rien que pour te contempler, le cœur muet dans la tendresse. » Comment ne pas penser au merveilleux poème de Paul Claudel « La Vierge à midi » ?
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage. »
Tout comme le poème de Claudel, la prière du Pape s’ouvre aux soucis les plus brûlants de l’actualité (« parce qu’à l’heure où tout craquait vous êtes intervenue ») : « Je sais qu’en contemplant les yeux de la Vierge, j’atteins le regard de votre peuple. Elle en comprend ses nombreuses langues et leur répond avec sa tendresse de mère, parce que ce sont ses propres enfants. » Le visage de la Vierge, tel qu’il se présente à Guadalupe, parle de façon extraordinaire, au-delà du Mexique, à tous les peuples d’Amérique du Sud. C’est d’ailleurs ce visage qui a converti au christianisme les populations autochtones qui se reconnurent en lui, y découvrant toute sa maternelle tendresse dédiée spécifiquement à ses enfants bouleversés par une histoire cruelle. Mais il faudrait renvoyer à l’histoire de cette image imprimée dans le manteau fragile d’un pauvre indien, le bienheureux Juan Diego, laquelle est au surplus aujourd’hui une énigme scientifique comparable au Saint Suaire de Turin.
Le Pape a lié sa visite au Mexique à cette rencontre avec Notre-Dame de Guadalupe, car elle est la clé de son pèlerinage. Ce dont il a voulu témoigner à nouveau à l’égard du peuple mexicain, c’est de la sollicitude divine, qui doit se traduire aujourd’hui de la façon la plus tangible. Que ce soit dans la capitale elle-même, dans la région déshéritée du Chiapas, ou encore à la frontière des États-Unis, partout où il est passé, François a fait entendre un message de justice et de charité qui rejoignait les situations souvent extrêmes d’un pays soumis à des violences douloureuses, à la déshérence des populations indiennes et à des forts mouvements de migrations vers la grande puissance nord-américaine. En se rendant notamment sur la tombe de Don Samuel Juiz, l’ancien évêque de San Christobal de Las Casas (un nom lui-même symbolique), François a voulu manifester la solidarité de l’Église avec les indigènes de ce Chiapas, malmené par un régime économique qui méconnaît leurs droits élémentaires sur leur Terre Mère.