Que proposent les Poissons roses ?
Le mouvement chrétien proche du PS récapitule ses idées pour changer la politique.
Les poissons roses se sont fait connaitre quand la Manif pour tous déferlait dans les rues. Ces jeunes socialistes ébréchaient la bien pensance bétonnée de la gauche. Opposés à la GPA, ils veulent réveiller l’idéologie généreuse des grandes figures tutélaires du progressisme français. Leurs références sont Emmanuel Mounier, Albert Camus et le pape François. Ils publient leur petit livre rose, A contre-courant – pour guérir la gauche et sauver la France. Ils se trouvent des airs de famille avec les altermondialistes adeptes de la décroissance, avec leurs alter ego de droite réunis dans Sens commun, avec la revue Boussole, tribune des jeunes cathos anticapitalistes. Ils proposent de remettre la personne au centre de la préoccupation sociale et politique.
Leur symbole est sympathique, poissons comme les premiers chrétiens et roses comme leur parti tutélaire. « Nous avançons en bancs, frétillant de toutes nos nageoires, et revendiquons nos différences et notre identité afin d’éclairer l’avenir. La gauche institutionnelle est épuisée. Sa posture de « camp du bien » a fait long feu. Tels les garra-ruffa, ces petits poissons médecins que l’on trouve dans les rivières du Moyen-Orient, nous lui proposons d’ôter ses vieilles peaux mortes, de la guérir de sa tentation libertaire et de la faire gagner en 2017. » Ils veulent changer la vie, comme Saint-Just et le Mitterrand de 1981.
La réforme phare, c’est l’instauration d’un revenu de libre activité. On supprime toutes les aides de l’Etat et on les remplace par une allocation universelle. On alloue à toute personne un revenu forfaitaire à vie pour casser la spirale de l’assistanat et pour donner sa pleine valeur aux activités non marchandes. Je me souviens que Christine Boutin nous entretenait déjà de ce projet en 2007… Pour redonner sa vitalité à l’engagement politique, les frétillants poissons roses proposent de supprimer l’élection du président de la République au suffrage universel direct, de revenir à la proportionnelle pour les législatives, d’imposer l’adhésion à un syndicat. A l’échelon des institutions européennes, ils plaident pour la mise en œuvre de la subsidiarité, empruntée à la doctrine sociale de l’Eglise.
On voit donc se mitonner un mélange de sincères générosités, de dirigisme musclé, de convictions anthropologiques rassurantes et d’utopies charmantes. On distingue vite les faiblesses du programme. A part la réaffirmation de convictions européanistes, la politique étrangère n’est pas abordée. Robert Schuman avait pourtant placé la solidarité avec l’Afrique parmi les objectifs prioritaires du projet européen. Pas un mot sur l’immigration. Les réformes de l’Education nationale sont timides : c’est la maladie de la gauche, frileuse quand il s’agit de remettre en cause le ministère des militants. Le chantier social est abordé avec plus d’audace, mais il évoque la hausse d’impôts nécessaire. Or on sait d’expérience que les lourdes taxations anesthésient l’initiative individuelle. Cette obsession mitterrandienne de supprimer le suffrage universel direct remet en cause le génie de la Constitution gaulliste. Faire le bonheur des gens contre leur gré incite ingénument les Poissons roses à la contraindre de la vie syndicale pour tous.
Ces battements de nageoires qui pourraient « bouger les lignes » ne sont qu’une onde dans le marigot de la gauche française.
Philippe Verdin
Les Poissons roses, A contre-courant, Cerf, 136 p.,10 €