Des vérités dures à entendre sur le terrorisme - France Catholique
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Des vérités dures à entendre sur le terrorisme

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Il y a quelques jours, l’ambassade des Etats-Unis à Rome a publié une « alerte sécurité » conseillant aux Américains de prendre leurs précautions avant de visiter divers sites en Italie, surtout la « basilique de Saint Pierre dans la Cité du Vatican ». Et les forces de sécurité italiennes comme celles du Vatican ont installé des points de contrôle beaucoup plus stricts (même à l’entrée de la Place Saint-Pierre) que le filtrage un peu désinvolte pratiqué auparavant. Quand le pape a traversé la foule en voiture cette semaine, le détachement de gardes du corps avait été doublé. Espérons qu’il ne s’agit pas d’un sursaut temporaire, mais d’une vraie prise de conscience de la nouvelle et regrettable situation dans laquelle se trouve le monde à présent. Et de la nature et de l’ampleur de la réaction qu’elle nécessite.

Le pape François lui-même a plusieurs fois qualifié les attentats, comme ceux de Paris du 13 novembre, de fragments d’une « troisième guerre mondiale morcelée». [sic] Il l’a répété l’autre jour. Il n’a pas développé son idée, et a par moments semé beaucoup de confusion quant au sens précis de ses paroles quand il a laissé entendre que « ces gens » (lesquels : les musulmans ? les occidentaux ? l’Amérique ?) ne veulent pas encore admettre la réalité de la nouvelle guerre mondiale.

Par le passé, il a insinué que toutes les parties étaient peut-être à blâmer – et déclaré ouvertement que les nations ou les particuliers qui vendent des armes dans des zones de conflit seront damnés. Mais le pape François s’est également exprimé en termes particulièrement durs (ce qui n’est pas son habitude quand il parle de fidèles d’une autre foi) au sujet des terroristes de Paris : « La voie de la violence et de la haine ne résoudra pas les problèmes de l’humanité, et utiliser le nom de Dieu pour justifier cette voie est un blasphème ».

D’accord. Mais pour que Daech et l’importante minorité de musulmans qui, dans une plus ou moins grande mesure, appuient son violent djihad contre l’Occident, renoncent à leur œuvre de destruction, il ne suffira pas d’une condamnation morale. C’est un juste usage de la force qui s’impose – une force qui, selon la tradition des justes guerres, est utilisée à bon escient pour éliminer des tueurs implacables et protéger des vies innocentes. Il ne peut être question de « dialogue » ou de négociation avec des ennemis de ce genre : la mort est leur message et la seule réaction parfaitement proportionnée est de refuser de l’accepter et de le leur renvoyer en pleine figure.

Il serait encourageant d’engager un vigoureux « dialogue » chez nous et avec nos alliés européens non pas sur l’opportunité mais sur la manière de poursuivre cette action, le genre de dialogue entre des peuples visant les mêmes buts, sûrs de la justesse de leur cause, que nous avons vu s’instaurer pendant la deuxième guerre mondiale sur les moyens d’éliminer le fléau du nazisme. Le combat réclamera beaucoup de prudence pour ne pas se laisser entraîner dans le genre de bourbier militaire et idéologique où Daech souhaite nous enliser. Cela suppose des effectifs et une puissance de feu rapides, bien ciblés et décisifs, au bon moment et au bon endroit, confortés par l’appui de troupes de nos amis musulmans, afin d’occuper le terrain et d’infliger aux forces restantes de Daech une déroute définitive.

Au contraire, nous assistons pour le moment, à des chamailleries partisanes au sujet des réfugiés, un problème grave, certainement, mais secondaire. Même le gouvernement a déclaré qu’un tri minutieux des réfugiés selon les normes actuelles prendrait près de deux ans. Pire encore, notre président ne semble pas juger nécessaire de réexaminer notre ligne de conduite ni être conscient de l’urgence de la situation. Entre temps, l’Amérique, l’Europe, l’Afrique, l’Extrême-Orient et le monde entier vont se heurter à de multiples attentats terroristes. C’était l’Egypte, le Liban et l’Iraq au début du mois de novembre, la France la semaine dernière, le Mali cette semaine. A qui le tour maintenant ?

Nous gaspillons aussi de l’énergie en essayant de nous rejeter mutuellement la responsabilité de ces attentats dans un esprit partisan. Nous les Occidentaux avons très souvent commis des erreurs ou omis d’agir, ce qui a eu des répercussions sur la menace qui nous guette. Mais nous devrions comprendre clairement cette vérité : les terroristes sont des meurtriers sans étiquette politique et leur violence apocalyptique n’est que très peu liée aux mesures prises par les Occidentaux et beaucoup plus aux courants pervers de l’islam.
Quelques rappels historiques : nous avons eu la crise des otages en Iran sous Carter (démocrate), de multiples attentats contre des cibles américaines sous Reagan (républicain), le premier attentat à la bombe contre les Tours Jumelles en 1993 sous Clinton (démocrate), l’attentat du 11 septembre 2001 sous Bush (républicain) et plusieurs « revers » sous Obama (démocrate).

S’il y a un enseignement à tirer de cette histoire, c’est que le terrorisme musulman est sans étiquette. Le type de raisonnement suivant est un trait de la nature humaine que l’on peut comprendre : si nous les laissons tranquilles ou si nous les traitons plus gentiment, ou encore si nous refusons de croire que leurs visions apocalyptiques et leurs aspirations politiques ne sont pas inspirées par de profondes convictions religieuses, ces abominations finiront par disparaître. Et que nous recommencerons à prétendre que tous les peuples du monde aspirent vraiment à épouser nos modes de vie américains : métrosexuel, urbain (suburbain), séculier, sceptique, numérique et consommatoire.

Il est stupide de penser que nous avons « créé » cette radicalisation. C’est faux. La modernité en général suscite des réactions contre la corruption et les défauts évidents qui en découlent. Au lieu d’être obsédées par de petits incidents ou par l’islamophobie, l’homophobie et autres phobies, nos universités multiculturelles pourraient peut-être nous aider à mieux comprendre ces réactions si elles s’employaient un peu à étudier comment ces comportements sont apparus dans d’autres sociétés et sous une forme aussi meurtrière. Et dans des conditions historiques que nul ne saurait contrôler, même pas un président américain.

Nous devons tous réfléchir davantage à ce que nous pouvons faire maintenant face à eux. La solution est en partie militaire, en partie idéologique. Mais soyons d’une brutale franchise : notre influence sur l’idéologie musulmane est très limitée et le restera.

Dans quelques semaines, le jour de l’Immaculée Conception (le 8 décembre), le pape François inaugurera le Jubilée de la Miséricorde qui attirera des millions de pèlerins à Rome et dans d’autres lieux saints en Europe. Autant de cibles tentantes pour des tueurs qui croient lutter contre des « croisés ». De nouveaux dispositifs de sécurité autour du Vatican et d’autres sites viennent finalement d’être mis en place, tristes séquelles des temps. Mais la solution du problème se situe ailleurs : à la source. Dur à entendre, mais vrai.

Lundi 23 novembre 2015

http://www.thecatholicthing.org/2015/11/23/hard-sayings-about-terror/

Photographie : L’Etat islamique en mouvement dans la province d’Anbar (Iraq) [AP]

Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith&Reason Institute de Washington.