J’étais à Portland il y a quelques semaines pour donner une conférence à la section locale de l’Association Médicale Catholique. Le thème : comment la profession médicale s’est soumise – comme bien d’autres à notre époque – aux buts idéologiques de la culture dominante. Il y a plusieurs buts de ce genre, à n’en pas douter, mais le principal a été l’instauration d’une autonomie sexuelle débridée.
Des commentateurs tels Mary Eberstadt ont donné un nom à ce que cette action a provoqué : la Nouvelle Intolérance.Sans la Révolution Sexuelle, nous n’aurions pas à subir l’intolérance qui règne actuellement, quand les Petites Sœurs des Pauvres se trouvent traînées en justice et le PDG de Mozilla, Brandon Eich, se trouve évincé de la société qu’il a créée. C’est ce qui peut arriver à ceux qui refusent de souscrire au credo régnant du laissez-faire sexuel.
Puisque l’événement au cours duquel je devais prendre la parole était programmé à la mi-octobre (le mois de la prévention du cancer du sein, comme nul ne peut l’ignorer), j’ai décidé de parler des facteurs de risque du cancer du sein liés à la reproduction, facteurs qui sont soigneusement escamotés dans la sphère publique, rendant inopérants les efforts de toute campagne apparemment conçue pour augmenter la prévention.
J’ai écrit sur ce sujet à plusieurs reprises, dans The Catholic Thing et ailleurs, alors je ne vais pas entrer dans les détails ici. En bref, devenir mère tôt plutôt que tard (ou pas du tout) ainsi que nourrir son enfant au sein ont un effet protecteur, alors que l’usage de contraceptifs oraux et l’avortement ont un effet négatif, même si les autorités publiques de santé tel l’Institut National contre le Cancer le nient effrontément.
Des observations pragmatiques de cette nature ne sont pas facilement admises. La préoccupation pour la santé des femmes n’est même pas suffisante pour contrer la Nouvelle Intolérance. On peut dire de même des vidéos récentes sur le Planning Familial : notre répulsion innée n’a pas suffit à ralentir l’emprise de la Nouvelle Intolérance.
Parler de réelle prévention du cancer du sein, en dehors du dépistage, se résume principalement en conseils d’hygiène alimentaire et d’activité physique, même si les facteurs de risque liés à la reproduction sont bien plus important que, disons, manger des brocolis chaque soir et des fibres tous les matins. Le cancer du sein a de multiples causes, c’est évident, mais quels facteurs pensez-vous être les plus susceptibles d’être la cause de la hausse soudaine du nombre de cancers depuis le début des années 70 ?
Pour cette seule raison, ils méritent une attention bien plus grande. Attirer l’attention sur eux est de la plus extrême urgence si l’on considère les bénéfices limités de la mesure si longtemps vantée de « détection précoce », la mammographie. Des rapports internationaux récents ont recommandé que les programmes de dépistage par mammographie soient abandonnés car ils peuvent faire plus de mal que de bien, et en tout cas, ils ne contribuent pas à réduire la mortalité. De fait, l’autre jour, l’Association Américaine contre le Cancer a sorti des recommandations revues et corrigées, essentiellement pour ratifier que le bénéfice des mammographies est plus limité qu’on ne l’a longtemps cru.
La pertinence des facteurs liés à la reproduction n’est pas universellement connue, même parmi les sommités catholiques du monde médical. Donc, dans ce sens, je ne « prêchais pas un converti » ; quoi qu’il en soit, c’était un auditoire très amical, ce dont on peut être reconnaissant bien qu’il soit également vrai que des échanges courtois avec des auditoires moins amicaux doivent également être poursuivis.
Pourtant la question demeure : comment voulez-vous progresser vis-à-vis de ceux dont l’implication antérieure dans la révolution sexuelle les prédispose à rejeter tout ce qui (y compris la science) menace la supposée bienfaisance de cette révolution ? Ou vis-à-vis des autorités qui savent qu’il y a un lien entre l’avortement et le cancer du sein mais qui ne vont pas l’admettre parce que le sujet est trop politiquement sensible ? Ils savent que prendre parti pour la vérité les mettrait dans les embarras.
Le saint docteur italien de la fin du 19e siècle Joseph Moscati savait ce que c’était que vivre comme homme de foi dans le milieu scientifique dans une culture hostile. Ses conseils devraient être diffusés largement de nos jours vus qu’ils s’appliquent à tous les genres de vie :
Aimez la vérité, montrez-vous tel que vous êtes, sans faux-semblants ni craintes… et si la vérité cause votre persécution, acceptez-la, et si elle vous cause quelque tourment, supportez-le. Et si vous devez vous sacrifier vous-même et sacrifiez votre vie pour le bien de la vérité, restez ferme dans votre sacrifice.
Cette perle de sagesse intemporelle est réellement le seul moyen de procéder, étant donné que certains interprètent la vérité comme une attaque contre leur dignité ou contre ce qui leur est cher. Ils peuvent ne pas bouger d’un poil, même s’ils entendent dire que la vérité morale est indispensable pour trouver le vrai bonheur et la paix.
Enfin il y a ceux qui sont ouverts à la vérité et qui ont commencé à l’entrevoir, soit par un cheminement intellectuel, soit par une expérience douloureuse. Puisque l’ouverture à la vérité demeure une possibilité pour chacun, et comme l’a démontré le frère dominicain bio-éthicien Nicanor Austriaco, nous ne devrions pas parler des problèmes bioéthiques controversés sans parler également de la miséricorde. Ce qui je pense, n’est pas en contradiction avec ce que le pape François a dans l’esprit pour l’avènement de l’Année de la Miséricorde.
Parler vrai est en soi un acte de miséricorde, et un préalable indispensable à une réconciliation en profondeur et à une guérison. Cependant le désespoir peut freiner la découverte de la sorte de guérison qui peut libérer des plus lourds des fardeaux et apaiser les plus douloureuses blessures.
Selon le Journal de Sainte Faustine, Jésus insiste sur le fait qu’Il « ne veut pas punir l’humanité souffrante » mais la guérir. Il veut que nous sachions que Sa miséricorde est plus grande que notre péché individuel et que ceux du monde entier. Il va jusqu’à dire : « ne venez pas disputer avec moi à propos de votre misère. Vous me comblez si vous confiez entre mes mains tous vos maux et toutes vos peines. »
La seule raison pour laquelle ces paroles sont consolantes, c’est qu’elles sont vraies. Deo gratias !
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Matthew Hanley est senior fellow au Centre National Catholique de Bioéthique. Les opinions exprimées ici sont celles de M. Hanley et non celles du Centre.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/07/suppressing-awareness-regarding-breast-cancer/