Note : cet article a été écrit durant la deuxième session du synode sur la Famille.
Je suis ici à Rome (avec le rédacteur-en-chef de The Catholic Thing, Robert Royal), observant le synode sur la famille et fournissant des commentaires à différentes radios et télévisions catholiques. Beaucoup de « l’action des médias » s’est déroulé hors de l’enceinte du synode, ce qui était prévisible étant donné la décision de ne pas publier de résumé des interventions individuelles des pères synodaux. A la place, les conférences de presse du Saint-Siège décrivent différentes déclarations faites au cours du synode sans identifier qui a dit quoi. Cela signifie que les pères synodaux qui choisissent de parler du dossier aux médias sont les seuls guides disponibles quant à ce qui se passe, du moins tant qu’ils sont concernés.
L’archevêque Mark Coleridge, de Brisbane (Australie) a donné une interview détaillée au National Catholic Reporter. Il admet franchement avoir été troublé par l’incertitude des procédures synodales mises en œuvre cette fois-ci et dit que l’Instrumentum Laboris est « faible » et que « ce n’est pas un document suffisamment solide et riche pour soutenir tout le travail du synode ». La plupart des autres évêques ont dit la même chose.
L’archevêque Coleridge prévoit où va aller le synode sur les questions brûlantes qui ont surgi lors du synode de 2014 : « je ne pense pas que le synode va rejeter ce qui est regardé comme fondamental dans l’enseignement de l’Eglise, je veux dire par là l’intangible trinité du mariage, de l’Eucharistie et de l’Église. Parce que si vous touchez à l’un des trois, vous modifiez les deux autres. Ce ne sont pas des broutilles. C’est fondamentalement important. »
L’archevêque Coleridge poursuit : « cela ne va pas arriver, mais je pense également qu’il est impensable que tout ce que nous fassions à la fin du processus synodal soit de simplement dire et faire ce que nous disons et faisons depuis longtemps dans le domaine du mariage et de la famille. » Il ajoute : « dans plusieurs parties du monde nous savons que le langage que nous utilisons n’est pas compris et nous savons que les méthodes que nous avons employées n’ont pas touché beaucoup de monde et, en fait, se sont montrées aliénantes dans la vie de nombreuses personnes qui ont besoin d’aide. »
L’argument utilisé est perturbant de plusieurs manières. La réaffirmation claire et convaincue de ce que l’Église a toujours enseigné sur la mariage et la famille aurait été la conséquence la plus opportune et rafraîchissante du synode, étant donné le contexte culturel implacablement hostile dans lequel nous vivons, et l’incertitude expérimentée par les fidèles ayant pris connaissance du fameux rapport intermédiaire de l’an passé. Le soutien apporté par différents hommes d’église influents à la proposition Kasper d’autoriser les catholiques divorcés et civilement remariés à recevoir l’Eucharistie a laissé beaucoup d’entre eux avec l’impression que l’Église est mal à l’aise à l’idée de continuer d’enseigner ce qu’elle a toujours enseigné à propos de l’adultère et de l’indissolubilité du mariage.
La campagne concomitante en faveur de la reconnaissance d’une valeur supposée des relations homosexuelles a pareillement causé du scandale en mettant sur le même plan le mariage et une union basée sur le péché mortel de sodomie. Réaffirmer ce que l’Église a toujours enseigné n’est pas superflu ou simple rabâchage. C’est au contraire vraiment prophétique, et un appel opportun à renouveler notre foi dans le plan de salut que Dieu a prévu pour l’homme et la femme.
Quant à l’efficacité du langage utilisé par l’Église pour enseigner (« le langage que nous employons n’est pas compris »), il convient de faire des distinctions. La communication est inefficace quand les mots ne sont pas compris de l’auditeur. La communication est efficace quand les mots sont compris, même si l’auditeur rejette la vérité du message. En ce qui concerne la doctrine morale de l’Église, le problème de beaucoup à l’heure actuelle n’est pas du ressort de l’inintelligibilité, c’est-à-dire qu’ils ne pourraient pas comprendre ce que l’Église enseigne. La doctrine est parfaitement comprise – et rejetée.
Ce n’est pas un défaut de communication, mais plutôt une transmission réussie d’un savoir importun. La mission de l’Église est d’appeler les pécheurs à la repentance, ce qui débute avec la proclamation des vérités de l’Évangile, quel que soit leur opposition avec les choix de vie de ceux qui entendent cette proclamation. Notre absolue certitude de la vérité de la doctrine de l’Église et notre foi dans l’efficacité de la grâce divine nous enseignent que la colère ou la tristesse provoquées chez une personne invitée à vivre selon le plan de Dieu est salutaire – et nécessaire à plus d’un titre.
L’archevêque Coleridge ne dit pas seulement que le langage ne passe pas, mais également qu’il est « profondément aliénant dans la vie de nombreuses personnes ayant besoin d’aide ». Nous en arrivons à la question cruciale de ce qui est rejeté par ces gens aliénés qui ont besoin d’aide : est-ce qu’ils rejettent une déformation, non reconnue jusqu’ici, de ce que le Christ a réellement dit sur le mariage et la sexualité, laquelle déformation se trouverait dans le magistère de Saint Jean-Paul II et de Benoît XVI ? Ça peut difficilement être le cas.
L’enseignement de l’Église, tel que récemment proclamé par ces papes, dans un langage clair qui est universellement reconnu comme fidèle aux Écritures et à la Tradition, n’est pas coupable d’aliéner des gens qui auraient été gardé éloignés du Christ par un langage défectueux. C’est le péché qui aliène. Le langage de Familiaris Consortio ou du Catéchisme de l’Église Catholique ne requiert pas de modification. Ce qui manque, c’est la claire reconnaissance que la tristesse produite par le péché (la dénommée aliénation) obscurcit l’âme (la cécité spirituelle) et entraîne les hommes à se rebeller contre le plan de Dieu pour l’épanouissement humain.
La formulation de l’enseignement de l’Église doit, peut-être, être amélioré quand il échoue à transmettre de façon appropriée et avec assurance la beauté et la vérité de la Parole de Dieu. Je soutiens qu’on ne peut pas objectivement attribuer un tel échec à ce que l’Église a dit et répété concernant le plan de Dieu pour le mariage et la famille. Sa réaffirmation sans remords lors du synode aurait été un coup de clairon appelant à embrasser ce plan.
Là se trouve le vrai remède contre l’aliénation par Dieu et l’Église.
Le père Gerald E. Murray est curé de l’église de la Sainte-Famille à New-York et spécialiste du droit canon.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/15/what-alienates-people-from-the-church/