Quelques réflexions à mi-parcours - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Quelques réflexions à mi-parcours

Copier le lien
divorce2-300x225.jpg
Le synode progresse à petits pas et à Rome on peut constater de visu que les pères synodaux ont des airs hagards et épuisés après de longues journées passées en discussions sans fin. Comme le Supérieur général des Bénédictins l’a admis hier, ils doivent aussi se colleter avec des textes difficiles et astreignants qui n’ont rien à voir avec les romans de P.G. Wodehouse. Et nous n’en sommes aujourd’hui qu’au milieu des trois semaines : c’est seulement à ce stade que nous allons aborder les débats vraiment difficiles sur les questions pratiques. Demain (mercredi) nous recevrons le deuxième ensemble de rapports des petits groupes linguistiques sur la section médiane du Document de travail qui ne prête pas à controverse : « Le Discernement de la vocation familiale ». Tout semble indiquer que ces rapports seront plutôt simples, éliminant les libellés ambigus et comblant les lacunes du texte. A en croire les rumeurs, beaucoup se plaindraient qu’il n’y ait pas eu de définition claire du mariage, ce qui n’est pas une mince omission, étant donné que ce Synode est censé se consacrer au mariage et à la famille. Certains ont recommandé de remédier à cette carence en s’appuyant sur le code de droit canon qui définit simplement le mariage comme  « l’alliance matrimoniale par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants ». Il a été demandé aujourd’hui à certains intervenants si les pères synodaux parlent des rapports entre la « vocation familiale » (encore un terme resté sans définition) et la vocation religieuse. Les situations varient beaucoup d’une région du monde à l’autre. Une catéchiste du Rwanda a déclaré que dans son pays tous savaient que les vocations religieuses dépendent de la qualité de la vie familiale, et que, par conséquent, l’avenir de l’Eglise, de la société et du monde est en jeu dans le sort de la famille. Un prêtre allemand a signalé qu’un évêque indien de son groupe a raconté qu’il était très courant que les familles prient pour que l’un de leurs enfants entre dans les ordres. En revanche, a-t-il ajouté, en Allemagne cette pratique est presque inconcevable, mais il n’en a pas déduit les raisons pour lesquelles l’Eglise progresse en Asie, alors qu’elle est moribonde en Europe. Nous sommes à tel point détachés de la réalité dans nos sociétés post-modernes que quelques éléments d’un comique involontaire ont surgi pendant le déroulement du synode. Une intervenante a déclaré publiquement hier, comme d’autres participants aux débats, que mettre en avant des familles fonctionnant normalement est quelquefois effrayant et considéré comme une critique implicite par ceux qui se trouvent dans des situations irrégulières et pénibles. Ce qui voudrait dire que l’Eglise doit être sur ses gardes même quand elle célèbre le bien parce que cela pourrait en embarrasser d’aucuns? Et comme si cela ne suffisait pas, certains participants ont soutenu que l’Eglise considère le mariage traditionnel comme un « idéal », mais qu’il est tout simplement irréaliste de s’attendre à ce que les gens se montrent à la hauteur. L’Eglise a un très gros problème pastoral parce qu’il est vrai que, dans notre monde, la moitié des mariages se terminent par un divorce et que 40% des enfants en Amérique naissent hors mariage. Ce qui n’a pas toujours été vrai. Les experts qui étudient le réchauffement climatique connaissent bien le graphique en « crosse de hockey », une courbe démontrant que les températures mondiales sont restées dans l’ensemble uniformes pendant des centaines d’années jusqu’à ce qu’un brusque réchauffement surgisse au XXe siècle à cause de l’activité humaine. La science expliquant ce phénomène est complexe et source de controverses, mais le taux de divorce en Amérique, lui, ne prête absolument pas à controverse. Voici le graphique en « crosse de hockey » du divorce. Taux de divorce (pour 1000 femmes mariées) divorce2-300x225.jpg Ce que ce graphique ne montre pas (il faudrait pour cela remonter plus loin dans le temps), c’est un taux de divorce relativement bas (à un chiffre) depuis le début du XIXe siècle, suivi par une brève remontée à l’époque de la deuxième guerre mondiale, puis par un retour à des taux bas dans les années 50 et au début des années 60. Après viennent la révolution sexuelle et la contraception. La suite… nous la vivons. Tout dépend dans une large mesure de l’idée que nous avons de cette révolution : est-elle, selon nous, absolument irréversible ou bien la race humaine aurait-elle complètement perdu l’esprit pendant un demi-siècle ? Nous ne traitons aucune rupture du tissu social avec autant de légèreté que l’effondrement du mariage et de la famille. Les choix que l’homme a faits peuvent, bien sûr, être défaits par de meilleurs choix – à moins que nos dirigeants politiques, voire religieux, insinuent subtilement que le mode de vie qui était autrefois quasi-général (se marier, rester fidèle à ses engagements, dans de nombreux cas même sans avoir reçu une formation religieuse approfondie) est devenu désormais impossible. Le cardinal-archevêque Dolan de New York a posté sur le blog de son archidiocèse un message qui replace toutes ces questions dans la perspective qui convient. Les participants au synode, dit-il, parlent d’inclure les exclus, d’accueillir les minorités, d’éviter de critiquer ceux qui se trouvent en situation irrégulière en les félicitant quand ils se comportent bien. Tout cela est bel et bon, mais ajoute-t-il: « Puis-je suggérer aussi qu’il existe dorénavant une nouvelle minorité dans le monde et même dans l’Eglise ? Je pense à ceux qui, s’en remettant à la grâce et à la miséricorde divines, aspirent à la vertu et à la fidélité… Les couples qui, en respectant l’enseignement de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage, ont persévéré à travers les épreuves ; les couples qui accueillent les nombreux enfants que Dieu leur envoie ; un jeune homme et une jeune femme qui ont décidé de ne pas vivre ensemble avant le mariage ; un homosexuel ou une homosexuelle qui veut rester chaste ; un couple qui a décidé que l’épouse sacrifierait une carrière prometteuse pour rester au foyer et élever ses enfants – ces êtres exceptionnels aujourd’hui se sentent souvent minoritaires, certainement dans la société, mais même parfois aussi dans l’Eglise ! Je crois qu’ils sont beaucoup plus nombreux que nous le pensons, mais, compte tenu de la pression de la vie moderne, ils se sentent souvent exclus. » Voilà une vérité éloquente et bien assénée, mais que, malheureusement, nos pères synodaux ne semblent pas tous apprécier à sa juste valeur. Le cardinal Dolan ajoute : « D’où tirent-ils [ces nouveaux catholiques minoritaires] appui et encouragement ? De la télévision ? Des magazines ou des journaux ? Des films ? De Broadway ? De leurs pairs ? Vous plaisantez ! C’est à l’Eglise, et à nous, qu’ils demandent appui et encouragement, un sentiment chaleureux d’appartenance. Nous ne pouvons pas les décevoir ! » Ainsi soit-il, mon frère. Espérons que, tandis qu’ils se préparent à aborder les questions les plus controversées sur le mariage et la famille, les autres pères synodaux entendent et comprennent le message. Mardi 13 octobre 2015
— – Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith&Reason Institute de Washington. Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/13/musings-at-the-midpoint/