Avertissement et espérance - France Catholique
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La justice de Dieu
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Avertissement et espérance

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Tant devant le Congrès américain que devant l’Assemblée Générale des Nations unies, le pape François s’est inscrit dans le sillage de ses prédécesseurs mais avec la touche personnelle qui le caractérise. Pas aussi tétanisé que Paul VI devant la montée des tensions internationales, pas aussi positif que Jean-Paul II ou Benoît XVI sur le « modèle » américain dans l’euphorie de la fin de la guerre froide et du communisme, le Saint-Père a pourtant voulu restaurer l’espérance chère au second face aux nouveaux enjeux qui planent sur la planète, différents de ceux d’il y a cinquante ans ou même vingt ans. Il suit ainsi une voie originale à partir de laquelle le monde politique et « ceux qui sont en charge de la conduite des affaires internationales » sont appelés à faire leur « examen de conscience ».

La vision du monde du pape François n’est pas rose ; elle est plutôt sombre, ce qui le rapproche de Paul VI dans la ligne duquel il s’inscrit délibérément. Alors c’était la responsabilité américaine dans l’atroce guerre du Vietnam. Aujourd’hui les Américains et le monde en général sont tancés pour divers motifs : le climat, les migrations, le repli sur soi, ce qu’il appelle « les nations unies par la peur et la méfiance ». Au Capitole, il décrit le passage de la lutte contre l’ennemi extérieur à celui de la lutte contre « l’ennemi intérieur », allusion aux excès possibles de l’antiterrorisme, avertissement qui vaut pour tous les pays. Il relie cela au phénomène des migrations et son enseignement revêt également une portée universelle. Ainsi la vie est-elle devenue soudain inquiétante pour chacun, abstraite, statistique, déshumanisée, là où le Saint-Père dit dans une belle envolée qu’il faut voir chacun – en particulier le migrant mais tout homme – comme une personne « en la regardant en face et en écoutant (son) histoire, essayant d’y répondre du mieux possible ». Les politiques sont nommément interpellés.

Le danger apparaît donc dans la réaction irrationnelle que les pays du monde opposeraient aux défis et aux menaces. Le Pape craint une surréaction, un cycle ascendant de l’hostilité qu’il entend prévenir. Au lieu de pratiquer l’injonction (« Jamais la guerre ») et finalement de sombrer dans un pessimisme proche de la lamentation et du désespoir selon la pente suivie en 1965, le pape François affiche une foi conquérante et une espérance inaltérable à la manière de Jean-Paul II à son avènement en 1978 : « N’ayez pas peur. Ouvrez les frontières. » Si François ne répète pas ici ce credo, il l’exprime à sa façon. Il ne dispose peut-être pas d’autant de moyens aujourd’hui que le pape polonais d’alors — quoique l’on n’imaginait pas non plus à l’époque ce qui se passerait. Son ennemi n‘est pas aussi bien identifié qu’alors. Il semble plus diffus. Et pourtant cela revient au même : le manque d’espérance.

Si l’on n’a pas l’espérance, on ne fait plus d’enfants. Il n’y a plus de famille, thème du rassemblement de Philadelphie le lendemain. Si l’on n’a pas l’espérance, on n’accueille pas d’étranger, réfugié ou migrant. Si l’on n’a pas l’espérance, on n’ouvre pas les portes du Conseil de Sécurité ou du FMI à des gens qui n’ont rien à y faire, des petits pays, des pays pauvres. Tout se tient.
Si l’on n’a pas l’espérance surtout, on ne tient pas de tels discours quand on est le chef du plus petit État du monde à des représentants des États-Unis ou des Nations Unies. C’est le défi de la faiblesse à la force, le pouvoir faible (« soft power » étant intraduisible mot à mot) opposé à la puissance, le Pape face à l’Empire quel qu’il soit, l’Esprit face à la lettre de la loi. Le peuple américain et les communicants sont immédiatement sensibles à ce langage et à cette attitude. Ils ont plébiscité le Saint-Père. Les politiques et les diplomates moins, c’est pourquoi François comme ses prédécesseurs les a invités à la conversion. Contre toute espérance !