Anéantissement total - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Anéantissement total

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Il y a pas mal d’années de cela, la féministe Carol Gilligan a réalisé une étude sur le jeu chez les garçons. Elle a remarqué quelque chose connu de chaque garçon en Amérique – et je le suppose de chaque garçon dans le monde, quelle que soit la culture, le degré de prospérité ou l’avancée technologique.

Admettons que les garçons jouent au base-ball. Il y a deux éliminés, l’engagement se fait sur le troisième, et le batteur renvoie une balle au sol vers l’arrêt-court qui la bloque et la renvoie au premier. La manche est finie. L’arrêt-court déclare : « je l’ai eu ! » Le batteur : « je suis sauf ! » Le runner franchit le marbre. Le batteur et l’arrêt-court n’ont pas cessé de se provoquer durant l’heure qui a précédé et maintenant leurs visages sont rouges et ils serrent les poings.

Que se passe-t-il alors ?

Les garçons se soumettent à une batterie de « règles » non écrites qui gouvernent de tels cas. Les règles aident à s’assurer que la rancune soit évitée ou différée, afin que le jeu puisse continuer. C’est de cette façon que mes cousins, mes voisins et moi nous y prenions. Vous en appelez d’abord à l’évidence.

« J’ai bloqué la balle et je l’ai lancée très fort au premier » dit l’arrêt-court. « Il n’y avait pas moyen que tu coures plus vite. Tu ne peux pas être aussi rapide. »

« Tu étais bien au-delà du champ intérieur » déclare le batteur. « J’ai frappé ton lancer et voilà. »

Donc il n’y a pas de preuve évidente. Vient ensuite un appel à l’équité.

« Écoute » dit l’arrêt-court « nous vous avons accordé les deux derniers points litigieux, vous n’allez pas prendre celui-ci. »

« Vous ne nous avez rien accordé » proteste le batteur, « un type qui est sauf est sauf, même si c’est de justesse. »

Le batteur est têtu comme une mule, mais il n’a pas tort. Vient ensuite un appel à l’Observateur Impartial.

Je suis convaincu qu’il y a un arbitre qui sommeille dans tout garçon qui se respecte. Il y a de la rectitude dans le rôle d’un arbitre, et même de la noblesse. J’ai été arbitre durant un été lorsque j’étais adolescent, comme l’avait été mon frère. Nous avons apprécié, même si les parents pouvaient être récalcitrants. Il est arrivé à l’un de nous de sortir un parent du terrain, sous la menace d’un forfait pour l’équipe du fils. Nous avions le règlement écrit et nous connaissions nos droits. Nous accordions aux gamins une généreuse zone de tir, pour les encourager à faire un mouvement large et à ne pas attendre pour partir. C’était autorisé aussi.

Quoi qu’il en soit, l’Observateur Impartial réplique : « j’ai vu la scène, et tu étais hors-jeu, Joe » – et il se trouve que Joe et l’Observateur Impartial sont camarades d’équipe. La défense quitte immédiatement le champ pour la batte. Joe ronchonne et va chercher son gant, et la partie continue.

Ou alors, l’Observateur Impartial dit « désolé les gars, je n’ai pas vu la scène. » A ce moment, il y a deux possibilités. Les joueurs en désaccord peuvent camper sur leurs positions, se laissant emporter par leurs sentiments. Alors la partie s’interrompt. Considérons que c’est une forme de mort. C’est de toutes choses la moins souhaitable, la moins admirable. L’autre possibilité implique une fiction utile. Les garçons font semblant que l’échange n’a pas eu lieu. Ils décident de reprendre à zéro. Le batteur retourne à sa place, et le runner à la troisième base.

C’est remarquable. Un match de base-ball demande énormément de coopération et de soumission aux règles. La compétition peut bien être féroce – où serait le plaisir, sinon ? Cela veut dire que des disputes éclateront. Les garçons doivent avoir un moyen de subordonner les désirs individuels au bien commun, et cette subordination va naturellement déboucher sur une autorité, soit des règles à appliquer, soit des juges reconnus à qui obéir.

Le professeur Gilligan a vu ces choses, et remarqué que les filles se conduisent tout à fait différemment quand des disputes surviennent dans leurs jeux. Mais au lieu de se réjouir de la beauté de la différence sexuelle et d’être reconnaissante que les garçons aient des dispositions pour l’esprit chevaleresque et pour l’intégrité, elle les méprise et déclare que nous devons former les garçons à ne pas se tourner vers un système impersonnel de règles. En d’autres mots, il faut que nous obligions les garçons à se comporter en filles.

Sa conclusion insane concerne la situation culturelle dans laquelle se trouvent maintenant les gens équilibrés en général et les chrétiens en particulier. Observer de jeunes garçons s’adonnant à d’innocents jeux de garçons et réalisant quelque chose d’impressionnant, et les considérer avec haine ou dédain, est un signe de désordre mental et spirituel. Ce serait comme voir une mère berçant son enfant pour l’endormir et renifler de mépris à ce spectacle. C’est ce que Dietrich von Hildebrand aurait dénommé une réaction mentalement dérangée à une valeur.

Si c’était tout, nous pourrions hausser les épaules et essayer d’éviter de tels gens quand ils sont en crise. Mais ce n’est pas tout. Cela ne peut pas s’arrêter là. Ce que Gilligan manifeste, c’est un profond dédain pour l’être créé, une haine du monde normal tel qu’il est.

Cela m’amène où je voulais en venir. C’est une chose que de ne pas aimer quelque chose de particulier, par exemple la musique de Wagner. C’est tout à fait autre chose que de haïr la nature – en particulier la nature humaine. L’homme qui n’apprécie pas Wagner peut aimer Puccini. Mais l’homme dressé contre la nature humaine ne connaîtra pas de bornes à sa haine. Ce sera un acide corrosif dans son âme. Tout ce qu’il dévorera laissera l’âme plus vide et plus affamée qu’auparavant.

Il n’y aura pas de fin. La gauche enragée du pubis ne se contentera pas de prétendre qu’un homme peut épouser un homme, ou qu’un garçon qui se désigne lui-même comme Lily est une fille, ou qu’une femme qui n’a pas la force de porter ses munitions peut être soldat, ou que tout va bien quand un enfant grandit sans avoir un père et une mère mariés ensemble. Ils haïssent la Nature, mais la Nature est partout autour d’eux, au-dessus d’eux, en-dessous d’eux et en eux.

Imaginez : être torturé par la jalousie ou le mépris en voyant un garçon et une fille main dans la main. De telles personnes ne peuvent pas être amadouées par des victoires politiques. Leur haine de la Création divine, sortie du néant, conduit finalement à l’anéantissement. Comme dit le Satan de Milton : « Ce n’est que dans la destruction que je trouve aise / pour mon âme que rien n’apaise. »

Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain.

Illustration : les garçons, bâtisseurs de règles par nature

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/08/destruction-ad-nihilem/