L'habitude de contempler Dieu face à face - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

L’habitude de contempler Dieu face à face

Copier le lien

L’une des plus grandes inspirations de l’Église primitive a été de voir que ce dont les philosophes grecs discutaient quand ils utilisaient le terme « vertu » pouvait s’appliquer à la vie chrétienne, même à ces dispositions qui sont clairement des dons de la grâce de Dieu. Employer le terme « vertu » pour décrire par exemple la foi, l’espérance et la charité n’était pas évident puisque les « vertus » étaient comprises par les grecs comme des dispositions ancrées, généralement acquises par la discipline et la pratique répétée (ce qui sera appelé habitus au Moyen-Age.) Alors que la foi, l’espérance et la charité sont des dons insufflés par Dieu. Ce fut le génie de penseurs comme Thomas d’Aquin et d’autres de concevoir une synthèse effective des deux et de prendre conscience qu’avec la foi, l’espérance et la charité, le « don » insufflé par Dieu était précisément l’habitus de la vertu.

Comme vertus insufflées, la foi, l’espérance et la charité deviennent des dispositions ancrées de notre personnalité, comme le courage et la justice : elles deviennent une partie de ce que nous sommes et par là des principes de notre façon de vivre. De même, comme vertus insufflées, la foi, l’espérance et la charité, bien qu’étant des dispositions données par Dieu, sont aussi des dispositions sur lesquelles nous devons agir quand nous les possédons – quoique toujours avec Son aide continuelle. Dieu nous donne l’habitus comme un don gratuit, mais nous devons agir en conformité avec cette nouvelle liberté.

L’amour, par exemple, même l’amour humain, n’est pas quelque chose que nous gagnons. C’est quelque chose qui nous est donné comme don gratuit. Mais quand nous sommes aimés librement, nous sommes appelés à aimer librement en retour. Par conséquent si je dis « j’aime ma femme » et qu’ensuite je la maltraite, je suis un menteur. Ou si je dis « j’aime mes enfants » mais qu’ensuite je refuse de les nourrir quand ils ont faim, je peux bien ressentir une sensation chaude et diffuse quand je les regarde, nous pourrons difficilement appeler cela « amour ». L’amour n’est pas simplement une sensation, c’est un choix et un engagement à rechercher le bien de l’autre.

Comme Jean 4:1 nous le dit : « Nous aimons parce que Dieu nous a aimé le premier. » Mais comme Jacques 2:15-16 nous le dit également : «  Si un frère ou une sœur manque de vêtements et de nourriture, et que l’un d’entre vous leur dise : ‘allez en paix, gardez-vous au chaud et bien nourris’ sans leur donner le nécessaire, quel bien y-a-t-il là dedans ? » Dieu nous a donné le don de charité. Ou comme Thomas et ses contemporains l’auraient exprimé, Il a insufflé en nous l’habitus de la charité. Mais nous devons toujours agir en accord avec cette nouvelle compétence. Dieu nous l’a donnée, et en agissant (avec Son aide) nous développons cette vertu, exactement comme en agissant courageusement ou avec frugalité nous développons et consolidons en nous les vertus de courage et de tempérance. Alors que si j’ai la vertu de courage sans en faire usage, qu’y-a-t-il de bon là-dedans ?

Prenez par exemple les vertus de foi et de charité. L’ultime aboutissement du don de foi, sa concrétisation finale, consiste à contempler Dieu face à face. Pour une bonne part, c’est généralement bien connu. Mais faites attention à cela : ayant été gratifié du don de foi – ce don par lequel je commence, combien indistinctement, à contempler l’unique et vrai Dieu vivant comme Dieu d’amour et de justice, comme une éternelle trinité de communion d’amour – comment dois-je en conséquent agir ?

Laissez-moi suggérer qu’un des moyens pourrait-être de développer l’habitus de contempler Dieu face à face, et l’un des meilleurs moyens pour le faire, nous disent les saints, est de commencer à contempler la face de Dieu dans ceux que nous rencontrons chaque jour. Alors je me demande : quand je rencontre les autres, est-ce que je vois en eux le visage de Dieu ? Est-ce que je le cherche dans leurs yeux et leurs visages ? Est-ce que je croise seulement leur regard ? Et eux, quand ils me regardent, est-ce que je leur montre le visage de Dieu ? Ou est-ce que, la plupart du temps, je leur montre le visage du type qui a la pire place, ce qui n’est pas exactement la source de la joie éternelle ?

Nous sommes faits, cela nous a été dit, « à l’image et à la ressemblance de Dieu. » C’est du moins le plan original. Mais nous avons déformé cette image. Nous ne sommes plus un clair miroir réfléchissant la bénignité de Dieu. Nous sommes devenus comme ces miroirs déformants de parc d’attractions, qui rendent les gens difformes et biscornus. Comment alors pourrions-nous de nouveau commencer à réfléchir la véritable image et ressemblance de Dieu ?

Les Dix Commandements sont un bon endroit pour commencer ; ils nous révèlent ce que signifie être à la ressemblance de Dieu. Et les Béatitudes nous montrent ce qu’est « être comme le Christ. » Nous pourrions dire alors qu’il y a une dimension morale à l’imago dei.

Savoir que nous avons été créés à l’image de Dieu et que, bien que nous ayons détérioré cette image, elle a été restaurée par le Christ, devrait être une bonne nouvelle pour les êtres humains, qui sont assez souvent disposés à se penser, soit comme les jouets de dieux capricieux et mesquins, soit comme les à-côtés accidentels d’un événement cosmique aléatoire dans un univers essentiellement dépourvu de sens. Mais ce n’est pas seulement une nouvelle, c’est un commandement. Ce n’est pas seulement une information statique, c’est une promesse dynamique qui devrait nous pousser en avant.

Quand nous lisons le message de la Genèse et commençons à apprécier son message d’amour immérité, nous devrions garder à l’esprit les engagements qui découlent de cet amour, comme il en est de tout amour.

A celui à qui il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé. Si le don qui nous a été fait nous permet de contempler Dieu face à face, et si l’amour qui nous a été donné est le propre amour de Dieu, pour l’amour du ciel, que pensez-vous qu’il nous est demandé ?

Si nous voulons contempler Dieu face à face, nous ferions bien de nous y mettre dès maintenant.


Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas à Houston (Texas).

— –

Illustration : « Rosa celeste » par Gustave Doré, vers 1865

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/08/12/the-habit-of-seeing-god-face-to-face/