Après la décision de la Cour européenne des droits de l’homme qui confirme l’avis du Conseil d’État dans le cas de Vincent Lambert, le combat juridique semble achevé et il a été perdu notamment par les parents de Vincent, qui refusent la perspective de la mort provoquée de leur fils. Mais dans pareil drame, il n’y a pas que les arguments de droit et l’évolution incertaine de la législation, il y a des convictions, il y a des engagements qui changent la donne. Avec une personnalité comme celle de Viviane, la maman de Vincent, la justice comme la médecine ont trouvé une interlocutrice redoutable. Bien sûr, on a tenté de la dépeindre sous les traits d’une extrémiste, d’une croisée inspirée par une appartenance intégriste. Et c’est vrai qu’il y a aussi des mots qui tuent. Qualifier quelqu’un d’intégriste c’est le disqualifier intellectuellement et moralement, c’est le rejeter dans l’enfer du fondamentalisme, avec toutes les résonances actuelles du terme, a fortiori lorsqu’elles participent des pires amalgames et de la confusion de l’esprit.
Il est heureusement des journalistes qui refusent de manger de ce pain là et qui essaient de comprendre l’interlocuteur ou l’interlocutrice, même quand ils se sentent très éloignés de ses positions. Viviane Lambert ne craint pas de se définir comme une tigresse : « On ne tue pas quelqu’un : un simple animal protège son petit si on l’attaque, je suis une tigresse, je me défendrai comme une tigresse. Vincent ne souffre pas, il n’est pas en fin de vie. Il est vulnérable, je dois m’occuper de lui. » (Journal du dimanche) Bien sûr, il y a les arguments contraires, exposés par d’autres membres de la famille, ce qui contribue à donner à cette affaire son caractère existentiel. Ce n’est pas le droit qui est en question, mais l’attachement à une personne, de façon exclusive. Cela pourrait peut-être nous renvoyer à une célèbre page de la Bible, celle du jugement de Salomon, lorsqu’il s’agit pour le roi de trancher dans un conflit familial aussi dur. Mais Salomon, justement, donna raison à celle qui défendait la vie, contre celle qui préférait la mort de l’enfant disputé. Comparaison un peu forcée ? Peut-être, mais non sans pertinence.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 juin 2015.
Pour aller plus loin :
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- Le droit au mariage des personnes transsexuelles devant la Cour européenne
- L’adoption homosexuelle devant la Grande Chambre de la Cour européenne