Dans un article récent pour le Wall Street Journal, « Planètes, prêtres et un mythe tenace », Stephen Barr et Dermon Mullan, tous deux professeurs de physique à l’université de Delaware, ont essayé de détruire un mythe, comme l’indique le sous-titre de l’article : « L’Église catholique et la science sont absolument incompatibles n’est-ce pas ? L’Histoire n’est pas du même avis. »
Ce qui était décevant, bien que somme toute pas étonnant, c’était le caractère sectaire et largement ignorant de certains commentaires.
« La semaine dernière, un engin spatial de la NASA, après un voyage d’environ huit ans, a pris une vidéo incroyable de deux taches lumineuses sur Cérès » écrit un gentleman. « Les scientifiques qui ont rendu ce voyage possible sont, dans leur grande majorité, je le parie, des gens normaux, c’est-à-dire des athées. Au 21e siècle, les scientifiques n’ont pas de temps à perdre pour des fadaises religieuses. »
« Des gens normaux. » Vous savez bien, des gens qui ne sont ni catholiques, ni protestants, ni musulmans, ni juifs, ni hindous. Changez cette déclaration en n’utilisant l’un ou l’autre des trois derniers termes et voyez comment cela résonne. « Des gens normaux : vous savez bien, des gens qui ne sont pas juifs. » Comment cela vous frappe-t-il ? Comme les paroles d’un sectaire ignorant ?
Cet homme a puisé dans un vieux mythe des Lumières, la disparition de la religion face à l’offensive de la science. Le seul problème, c’est que des études sociologiques montrent de façon répétée qu’il n’y a pas de données pour confirmer cette revendication. Les gens ne perdent pas la foi à cause de la science. Le plus souvent, leur foi faiblit parce qu’ils préfèrent faire les magasins, s’enrichir, mener une vie confortable de membre de la classe moyenne plutôt que vivre une vie de vertu et de sacrifice de soi.
Un autre gentleman objecte à la tentative de Barr et Mullan de montrer que le catholicisme et la découverte scientifique sont compatibles que « alors que un élément clé de la science est de poser des questions… le fonctionnement religieux est tout le contraire. » Il ajoute : « l’Église catholique est terrifiée par les gens qui posent des questions. »
Vraiment ? Que faut-il penser des assertions répétées de Thomas d’Aquin (faisant écho au philosophe Aristote) que les humains, par nature, désirent connaître la vérité – tout spécialement la vérité sur les choses les plus élevées ? Que penser du pape Jean-Paul II répétant avec insistance, dans son encyclique Fides et Ratio et ailleurs, que les humains se distinguent précisément en étant des êtres qui posent des questions sur les choses les plus importantes ?
J’ai l’habitude de partir du principe que vous devez connaître le sujet que vous abordez – surtout s’il s’agit d’un autre groupe de gens – avant de pouvoir émettre un commentaire sensé, sinon, vous ne faites qu’étaler votre ignorance. Ces deux hommes mettent-ils vraiment la science en valeur quand leurs commentaires sont en telle contradiction avec le sujet sur lequel ils osent commenter ? Ou sont-ils tout bonnement des sectaires anti-catholiques similaires à ceux qui se plaignent de « ce que font les juifs » ou « de la façon d’être des noirs » alors qu’ils ne savent absolument rien de l’un ou l’autre de ces deux groupes ?
Comment les catholiques peuvent-ils dissiper ce type de sectarisme ? Tout sectarisme se combat par la vérité. Les catholiques ne sont pas un danger pour les sciences naturelles parce qu’ils ne nient pas (bien au contraire ils affirment vigoureusement) l’existence et l’importance des causes naturelles dans l’univers, parce qu’ils savent que Dieu peut (et c’est généralement ce qu’il fait) travailler par et à travers les causes naturelles ; que la grâce ne violente pas la nature mais la porte à sa perfection et que les vérités de foi et les vérités de raison ne sont pas contradictoires parce qu’elles ont toutes deux pour origine le même Dieu créateur.
Et pour ce qui est de poser des questions, l’Église n’en a pas peur du tout, ce serait plutôt sa spécialité. Ce que l’Église ne fait pas, c’est restreindre artificiellement le champ de questionnement, ce qui est une caractéristique troublante de nombreux matérialistes modernes.
Jean-Paul II, dans son encyclique Fides et Ratio, affirme qu’il est d’importance cruciale que les humains se posent les « questions fondamentales » de la vie : qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? Quel est le sens et le but de la vie ? Ce sont des questions, dit le pape, « qui ont leur source commune dans la quête de sens qui s’est toujours imposée au cœur humain. De fait, les réponses apportées à ces questions décident de la direction que les gens cherchent à donner à leur vie. » Ce sont également des questions que bien souvent les gens tendent à esquiver, surtout dans le monde moderne.
Une des causes de cette résistance particulière est que les sciences naturelles modernes ont renoncé depuis longtemps à toute discussion sur les raisons ultimes. On peut faire de nombreux progrès dans la compréhension des mécanismes en sciences naturelles en évitant la question des « pourquoi » ou « pour quoi ».
Le problème surgit quand des gens oublient que de telles questions ont été méthodologiquement exclues de l’étude antérieurement et de ce fait n’apprécient pas quand quelqu’un tente de les réintroduire. Alors ils ne remarquent pas qu’ils ont réinterprété tous les « pourquoi » et les « si » en termes de « comment ».
Si quelqu’un demande : « pourquoi les humains aiment-ils ? », la réponse est simplement : « voici comment les circuits neuronaux fonctionnent ». Ou si quelqu’autre demande : « pourquoi torturez-vous ces prisonniers ?, la réponse ne sera pas autre chose que : « voici comment fonctionne la planche de la baignoire et voici le mécanisme autorisé que nous utilisons préalablement. » Ces réponses ne sont peut-être pas « fausses », pour ce que l’on en sait, mais elles ne sont pas non plus exactement les réponses aux questions posées.
Il y a des gens qui disent : « demandez-moi tout ce que vous voulez. » Ils parlent librement de nombreux aspects de leur vie : différents divorces, beuveries, vagabondage sexuel, etc. Mais demandez-leur : « pourquoi menez-vous votre vie de cette façon ? » et vous découvrirez que « demandez-moi tout ce que vous voulez » ne veut pas vraiment dire « tout ». Cela veut dire que vous pouvez leur demander tous les détails à propos de ce qu’ils font mais pas leur demander pourquoi ils le font.
Alors, qui a vraiment peur des questions, surtout des questions les plus fondamentales – celles sur le sens et le but de la vie ? Les catholiques ? Ou les matérialistes modernes qui questionnent tout à l’exception d’eux-mêmes et qui en savent beaucoup à propos de plein de choses mais qui en savent si peu sur l’étrange et merveilleuse créature questionneuse ?
Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université de Saint-Thomas à Houston (Texas).
Illustration : un catholique et un juif qui ont tous deux révolutionné la physique : Georges Lemaître et Albert Einstein (à Cal Tech en 1933)
source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/30/are-catholics-afraid-to-question/