Le catholicisme contre le matérialisme - France Catholique
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La justice de Dieu
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Le catholicisme contre le matérialisme

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Ici même il y a quelques semaines, j’ai suggéré qu’il n’y avait pas de « guerre » entre la science et le catholicisme parce que le catholicisme a toujours accepté que la grâce ne violait pas la nature mais la portait à sa perfection. Et que Dieu, comme Créateur de la nature, peut travailler dans et à travers les causes naturelles et c’est généralement ce qu’il fait. Par conséquent, les catholiques qui comprennent l’enseignement de l’Église dans ce domaine ne refusent pas d’emmener leurs enfants chez le médecin sous prétexte qu’ils attendent la guérison de Dieu parce qu’ils ont conscience que Dieu agit à travers la médecine. Aucun couple catholique dans son bon sens ne refusera d’avoir des relations conjugales quand il désire avoir un enfant sous prétexte qu’il veut que Dieu « crée leur enfant ». Dieu et la Nature ne s’excluent pas mutuellement.

Malheureusement, certains scientifiques, embrouillés par des articles sur l’attitude vis-à-vis de la science de certains fondamentalistes bibliques continuent de croire que c’est le cas. Les catholiques doivent faire tout leur possible pour détromper les scientifiques de l’idée que la foi en Dieu porte en soi un tel choix erroné.

Les scientifiques ont tout à fait raison d’être exaspérés par les croyants qui utilisent la religion comme « un barrage à la science ». Quand de tels croyants se sont convaincus que Dieu est responsable de quelque effet, alors ils en veulent aux scientifiques de rechercher les causes naturelles de cet effet, croyant (à tort) que si la science découvre une cause naturelle, Dieu ne peut pas être impliqué. C’est stupide.

Les sciences naturelles nous montrent comment Dieu agit dans et à travers la Nature. Les catholiques intéressés par la science devraient lire le Livre de la Nature de la même façon qu’ils lisent l’Écriture. Un interprète de bonne foi ne devrait jamais falsifier ou cacher un passage de l’Écriture parce que il ou elle croit que Dieu en est l’Auteur et qu’on ne doit jamais mentir à propos de ce que Dieu a dit. De même, un lecteur de bonne foi du Livre de la Nature ne devrait jamais falsifier des données ou les dissimuler parce que il ou elle croit que Dieu est l’Auteur de toutes choses. Et on ne devrait jamais mentir sur la façon dont Dieu a « parlé » dans et à travers la Nature.

Mais supposons que nous avons fait tout ce qui est possible pour convaincre les scientifiques qu’il n’y a pas de « guerre » entre la science et la religion, que Dieu et la causalité naturelle ne s’excluent pas mutuellement, est-ce que cela amènerait la paix ? C’est triste à dire, mais non. Pourquoi ? Parce que la dénommée « guerre » n’est pas vraiment entre la science et la religion.

C’est un conflit entre les tenants du matérialisme réductionniste (l’idée que toute la réalité se réduit à de la matière en mouvement, y compris dans des domaines tels que la volonté, l’amour, l’altruisme ou la moralité) et ceux qui ne sont pas des matérialistes réductionnistes.

Il convient aux objectifs rhétoriques des matérialistes réductionnistes de présenter le conflit comme étant entre la « science » et la « religion » – comme si cela signifiait un bras de fer entre les forces du « progrès » et ceux qui sont « arrêtés au Moyen-Age ».

Alors, par exemple, peu importe combien la « théologie du corps » de Jean-Paul II fait appel à la philosophie continentale du vingtième siècle dans ce qu’elle a de plus intéressant, il se trouvera toujours des sectaires ignorants pour déclarer : « voyez, l’Église catholique est restée bloquée au Moyen-Age. »

J’étudie cette période de l’histoire si décriée, et je peux vous dire sans la moindre hésitation que la « théologie du corps » de Jean-Paul II n’est absolument pas « médiévale ». Vous pouvez fort bien ne pas aimer ou même détester la phénoménologie moderne, mais vous ne pouvez vraiment pas dire d’elle qu’elle « est restée bloquée au Moyen-Age ».

Alors pourquoi cela arrange-t-il les matérialistes réductionnistes de présenter le conflit comme opposant « science » et « religion » ? L’une des raisons est que si vous demandez aux gens tout de go : « croyez-vous au matérialisme réductionniste ? », le matérialisme réductionniste perd la partie.

Beaucoup de gens semblent convaincus qu’ils ont leur libre arbitre et ne sont pas matériellement « déterminés », que l’amour est une réalité tangible, pas simplement un épiphénomène dû au mouvement d’atomes dans le cerveau, et qu’il y a certains principes moraux comme « tu ne tueras pas » que les gens devraient observer. C’est plus commode de fixer deux camps, la « science » et la « religion » et de les présenter comme des contraires absolus plutôt que de pousser les gens à penser via les implications philosophiques du matérialisme réductionniste.

Alors pourquoi la société en général permet-elle à ces présentateurs de continuer avec cette malhonnêteté manifeste ? Très franchement, parce que cela sert un objectif social plus profond. Comme l’a argumenté le philosophe Charles Taylor, alors que classiquement, dans toutes les sociétés, les personnes se définissent elles-mêmes en relation avec un ordre divin ou cosmique, les humains modernes tendent à se voir comme se définissant par eux-mêmes.

Quand vous voyez la Nature comme exprimant un ordre transcendant, tout spécialement un ordre révélateur de la sagesse divine, alors vous croyez que la prospérité humaine est mieux servie en contemplant, comprenant et vivant en accord avec cet ordre cosmique.

Quand au contraire votre but est de contrôler la nature en vue de vos propres objectifs, quand vous désirez voir la nature simplement comme un matériau à modeler en toute indépendance selon vos vœux, alors vous redoutez quiconque pourrait convaincre l’ensemble du public que toute vision de la nature autre que celle qui sert l’autonomie humaine – et pis encore à notre époque, qui pourrait aider à bâtir une certaine contrainte morale sur l’autonomie humaine – est dangereusement « déphaséeop » par rapport à la modernité.

Alors soyons honnêtes : il y a une guerre entre l’idée matérialiste de la nature et ce qu’enseigne le catholicisme. L’Église catholique enseigne que la nature est « bonne, très bonne » et que l’homme s’épanouit en se conformant avec sagesse à l’ordre moral. Le matérialisme moderne proclame que la nature devient bonne quand elle est conformée à la volonté humaine et qu’il n’y a pas d’ordre moral autre que celui que nous créons en imposant notre propre volonté au monde qui nous entoure.

Appelons à mettre aux voix entre ces deux options : la liberté opprimant la nature ou la liberté en accord avec la nature. Il n’est pas évident pour moi que l’Église en sortirait gagnante. Mais au moins on verrait clairement où se situe le véritable conflit et quelle est la position de l’Église dans cette bataille.

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Randall Smith est le professeur de théologie de la chaire Scanlan à l’université de Saint Thomas à Houston (Texas).

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/13/catholicism-vs-materialism/