La voie par excellence, encore et toujours - France Catholique
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La justice de Dieu
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La voie par excellence, encore et toujours

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L’étrange époque que nous vivons nous entraîne sur d’étranges chemins.

Perdu au milieu des récentes controverses et pagailles – à ce qu’on raconte, le Pape vient de nous inviter à « rendre un culte » aux pauvres (l’expression en italien probablement métaphorique étant « vénérer à genoux »), les évêques allemands préparent des mauvais coups, Raul Castro a été si impressionné par son entretien avec le Pape hier qu’il pourrait revenir dans le sein de l’Eglise — je me suis plongé dans la « Déclaration » de l’an 2000 de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Dominus Jesus, qui porte « Sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de Son Eglise ».

Si on transpose cette longue formule en termes plus simples, ce document, qui date de la période (dépassée pour certains et regrettable pour d’autres) où Joseph Ratzinger était l’officiel chargé de la doctrine au Vatican au tout début du troisième millénaire du christianisme, essayait de réaffirmer un dogme qui pendant la majeure partie des deux mille ans précédents avait été tellement considéré comme acquis que sa réaffirmation ne s’imposait pas : à savoir que Jésus est le seul Sauveur de la race humaine et que l’Eglise catholique est sa présence autorisée dans le monde.

Il y a eu longtemps des codicilles mineurs à cette règle, comme la reconnaissance de « païens vertueux » et du « baptême de désir », applicables à ceux qui faisaient de leur mieux. Des rayons de la lumière du Christ illuminent partout la Création, y compris les autres religions. Mais la règle fondamentale était claire – comme elle doit, en fait, l’être si l’Eglise ne se considère pas seulement comme l’une des nombreuses religions et philosophies du monde. Et a la ferme intention de respecter à la lettre les paroles de Jésus demandant aux disciples de prêcher la bonne nouvelle à toutes les nations pour que tous ceux qui croiront soient sauvés. (Marc, 16, 15-16).

Bien sûr, de nombreux habitants des pays développés ne croient plus qu’ils ont besoin d’être sauvés et encore moins qu’ils ont besoin de l’Eglise pour les sauver. Mais Dominus Jesus explique patiemment les raisons pour lesquelles cette attitude est non seulement erronée mais aussi infructueuse, à commencer par la fausse conviction que l’existence du pluralisme religieux dans le monde est une espèce de preuve que toutes les croyances se valent.
Une attitude plutôt aimable, démocratique et polie quand on s’adresse à des gens qui n’ont aucune opinion sur le sujet, mais essayez un peu de dire à de vrais musulmans, juifs, hindous ou sikhs (et non pas à des chrétiens plus que sclérosés) que leur religion n’est pas meilleure qu’une autre ! Cette approche libérale vous causera rapidement de nombreux problèmes épineux.

En fait, dans cette étrange perspective, comme le souligne la Congrégation pour la doctrine de la foi, toute foi qui prétend posséder la vérité fait preuve d’un sectarisme naïf. En attendant, l’ordre des choses qui, comme nous le constatons tous les jours, n’a rien d’une paix modérée mais tout d’un fatras désorganisé et d’un violent affrontement de fois et de morales, est bien plus universel, ce qu’il nous incombe de démontrer.

Ou bien, comme nous l’entendons souvent affirmer à tort : « Toutes les religions ont les mêmes objectifs », une espèce d’impérialisme qui ramène toutes les vraies religions à des sous-ensembles du libéralisme moderne international.

Dominus Jesus avertit que même des catholiques sont souvent la proie de ces inepties incohérentes : « On se propose souvent d’éviter en théologie des termes comme « unicité », « universalité », « absolu », parce qu’ils donneraient l’impression d’une insistance excessive sur le sens et la valeur de l’événement salvifique de Jésus-Christ vis-à-vis des autres religions. Or, ce langage exprime en fin de compte la fidélité à la révélation car il est un développement : il provient des sources mêmes de la foi ».

En fait, comme l’a clairement démontré l’histoire, cette unicité catholique a eu une étonnante carrière : « Le mystère chrétien dépasse en effet toute limite d’espace et de temps ; il réalise l’unité de la famille humaine ».

Bien que toutes ces controverses semblent remonter à la période de combativité théologique d’avant François, un âge qui aurait à présent été remplacé par celui de la charité et de la miséricorde, en fait, le pape François lui-même a maintes fois réitéré ces points essentiels qui ne peuvent être remplacés.

Ce qu’il a introduit dans ce combat, ce n’est pas une modification de la substance mais – d’une certaine manière, précisément parce que ses deux prédécesseurs s’étaient déjà chargés de la réaffirmation des dogmes théologiques — un changement d’accent dans l’affirmation de ces vérités.
Saint Paul avait déjà défini la situation en écrivant aux Corinthiens qu’il allait leur montrer la voie par excellence : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit ».

C’est sur cette phrase, à mon avis, que se fonde l’affirmation du pape François dans Evangelii Gaudium : « Quand la prédication est fidèle à l’Evangile, la centralité de certaines vérités se manifeste clairement et il en ressort avec clarté que la prédication morale chrétienne n’est pas une éthique stoïcienne, elle est plus qu’une ascèse, elle n’est pas une simple philosophie pratique ni un catalogue de péchés et d’erreurs. L’Evangile invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et qui nous sauve, Le reconnaissant dans les autres et sortant de nous-mêmes pour chercher le bien de tous… Toutes les vertus sont au service de cette réponse d’amour. Si cette invitation ne resplendit pas avec force et attrait, l’édifice moral de l’Eglise court le risque de devenir un château de cartes, et là se trouve notre pire danger. Car alors ce ne sera pas vraiment l’Evangile qu’on annonce, mais quelques accents doctrinaux ou moraux qui procèdent d’options idéologiques déterminées ».

Cet avertissement si mal compris à propos du château de cartes « moral » — fragile en l’absence de l’Evangile qui est le fondement de la moralité — est particulièrement urgent dans les pays développés où le christianisme est considéré au mieux comme une idéologie de plus, un ensemble d’affirmations du même ordre qu’un certain nombre d’autres systèmes de pensée.

Mais si la foi a donné naissance à quelques stupéfiantes envolées de la raison qu’il faut à tout prix ressaisir pour empêcher la race humaine de se détruire, le christianisme ne saurait entrer en lice comme un simple système idéologique. La foi doit s’affirmer sur un autre plan. Et elle n’y parviendra que si notre charité est si évidente qu’elle indique cette voie encore excellente entre toutes.

Lundi 11 mai 2015

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/11/a-still-more-excellent-way/


Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith & Reason Institute de Washington (D.C.). Son dernier ouvrage The God that did not Fail : How Religion Built and Sustains the West est à présent disponible en livre de poche (Ed. Encounter Books).