Ce livre se plaît à rassembler les confessions d’une vingtaine de tortionnaires et de sadiques, qui ont pratiqué des atrocités en Algérie. Il laisse entendre que ces pratiques furent généralisées, les témoignages de quelques officiers qui ne partagent pas ce point de vue étant soigneusement tronquées.
L’ensemble de l’armée se trouve ainsi mise en cause. Pour la vérité historique, il aurait fallu que les témoins soient confrontés à des personnels de leur unité, ou que leurs récits soient vérifiés dans les journaux de marche, ce que Rotman s’est bien gardé de faire. Il aurait fallu surtout que soient cités les nombreux acteurs de cette guerre qui ont fait leur devoir et n’en sont pas sortis traumatisés : les 500 généraux qui ont signé la préface du Livre blanc, les membres des amicales d’appelés qui se réunissent périodiquement avec leurs chefs, et qui évoquent la camaraderie qui les unissait et les combats auxquels ils ont participé1.
Les atrocités du FLN sont évoquées au début de l’ouvrage, mais le lien n’est pas fait avec la nécessité de la répression, affirmée par Soustelle. On ne fait pas la différence entre la torture pratiquée par la 10ème DP, visant à la recherche du renseignement, et les supplices infligés par Amirouche aux soit-disant traîtres, qui doivent mourir deux fois. Les horribles supplices auxquels sont soumis des dizaines de milliers de harkis en 1962 sont passés sous silence.
Quelques erreurs historiques méritent d’être signalées :
– p. 16. Il n’y a pas eu 12.000 victimes de la répression en mai 1945 ( 1020 à 1.340 selon le rapport Tubert, 2.628 selon JC Jauffret, 5 à 6.000 selon Schoen et Ageron)
– p.18, les 3 départements d’Algérie n’ont pas été créés en 1947,
– p. 119. Bien avant l’attentat de la rue de Thèbes, le FLN a utilisé bombes et explosifs (fiche jointe)
– p. 122. les pouvoirs de police de Massu lui sont attribués sous le contrôle supérieur de l’IGAME préfet d’Alger (article 1 de l’arrêté, phrase omise dans le livre)
– p. 147. Les 3.000 disparus comptés par Paul Teitgen concernent les 6 départements de l’Algérois.. Ce décompte a été contesté de façon argumentée par le colonel Godard et mis en doute par l’historien Guy Pervillé qui a posé la question à Teitgen. Au 1er trimestre, la 10ème DP reconnaît 1800 arrestations (JMO). Voir tableau des internés.
– p. 148. L’éloge de Bollardière par A.Gazut appelle la contestation ,
– p. 169. Le rapport Rocard sur les regroupements, que personne ne lui avait demandé, a été critiqué par Delouvrier.
– p. 209. Les manifestations du 10 décembre 1960 ont été commanditées par le Directeur politique François Coulet, avant d’être récupérées par quelques jeunes nationalistes, à la surprise du GPRA.
– p. 236, les témoins de tortures n’ont pas été innombrables, il n’y a de photos que des tortures du FLN
– p. 242, la comparaison harkis = miliciens est inconvenante,
– p……., l’emploi du napalm a été autorisé par le général Lorillot le 6 avril 1956, sur des zones interdites, à l’exclusion de toute habitation.
La présence de Madame Halimi pourrait être l’occasion de rappeler les rapports de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles, présidée par M.Patin. (Extraits des rapports du 3 octobre 1959 au 5 octobre 1960 – archives diplomatiques, cote SEAA 33-35) :
Ces rapports font état de différentes affaires concernant les avocats : expulsion de Maître Vergès le 14 août 1959, procédure disciplinaire demandée à l’encontre de Me Halimi qui incite ses clients à se dire victimes de tortures, à l’encontre de Me Zavria qui rapporte des cas de disparitions sans vérifications. Me Oussedik et Benabdallah ont été internés, il faut les inciter à une meilleure compréhension des droits de la défense.
Dans les camps d’internement, le détenu Ali Yahia fait règner la terreur à Paul Cazelles.
Remise en liberté de Alleg (droits de la défense non violés, mais peine trop lourde pour délit d’opinion). Observation faite au Comité Maurice Audin sur la publication de documents d’instruction. Plainte tardive de Djemila Boupacha (violences non établies, demande d’expertise médicale). Plaintes non fondées pour tortures de Baccouche, Aissaoui et Laouri, rapportées par les Temps modernes de juin 1960.
Communiqué du Président Patin sur son action : la Commission reçoit les plaintes ou dénonciations, demande l’ouverture d’informations judiciaires, reçoit les doléances des internés administratifs, vérifie le fonctionnement des centres d’hébergement et des prisons.
En rapport avec la police, l’armée et l’administration, elle a obtenu des résultats certains, mais la nature du conflit rend très difficile le maintien scrupuleux de la légalité.
Les consignes de la Fédération de France, incitant les prisonniers à se dire victimes de torture doit aussi être rappelée (Citée par Le Goyet in La guerre d’Algérie, Perrin 1989, p.471)
Emploi des bombes et des explosifs par le FLN (selon le Bulletin mensuel du colonel Schoen)
– avril 1955. Engins explosifs découverts à Constantine
– le 17 juin 1955 à Philippeville, 9 bombes sont posées dans la ville dont 5 ont explosé
– juillet 1955. Plusieurs ateliers de fabrication de bombes, l’un à Sidi Salem près de Blida. Plusieurs traficants d’explosifs arrêtés.
– septembre 1955. Le Journal d’Alger publie des photos du mécanisme des bombes à retardement
– novembre1955 : usage de grenades à Alger, Blida, El Affroun
– 12 décembre 1956 : bombes FLN dans les cinémas Donyasad et Olympia ; 20 blessés (selon colonel Lemire)
– janvier 1956. Les attentats se multiplient (explosifs)
– mai 1956. Grenade dans synagogue à Batna
– juin 1956. Terrorisme aveugle à Alger
– juillet 1956. Première apparition du contre-terrorisme à Alger. Le FLN commence à utiliser le plastic.
– 12 août 1956. Attentat contre-terroriste rue de Thèbes : 20 morts.
– 30 septembre 1956. Bombes au Milk Bar et Cafeteria.
– octobre 1956. Deux ateliers de fabrication de bombes découverts (artificiers du PCA)…etc…
- Par exemple l’amicale des anciens du 1er RCC animée par François Meyer, ou les anciens du commando de chasse du 9ème RCA de François Gérin-Roze.