« Quand les revenus montent, les clochers descendent… Le bonheur arrive et Dieu s’en va. » Pour ce qu’on appelle le monde industrialisé, cette assertion, dans l’ensemble, a quelque mérite. Dans les tout derniers siècles, alors que notre confort matériel s’est lentement accru, à l’intérieur de la société la ferveur religieuse a généralement décliné. Pourtant ce déclin ne s’est pas produit au même degré dans les parties du monde moins opulentes. Dans la mesure où la marée du sécularisme à l’intérieur des pays industrialisés semble avoir coïncidé avec le progrès matériel et technologique, il est juste de se demander si la foi religieuse survivra dans ce climat.
Cette apparente incompatibilité de la foi et du confort des hommes n’est pas nouvelle. Notre Seigneur lui-même a annoncé cette tension dans une mise en garde adressée à tous : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un homme riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » (Mt 19 :24). Cet avertissement suivait le conseil que Jésus donna à un jeune homme riche qui choisit de retourner tristement à ses grands biens plutôt que de Le suivre.
A l’opposé, la foi semble plus forte quand les gens sont dans le besoin. Dix lépreux cherchaient Jésus dans leur détresse, une fois leurs besoins satisfaits, un seul se souvint de rendre hommage à Celui qui l’avait guéri. L’inspiration héroïque des martyrs a stimulé la foi de nombreux croyants dans les époques d’oppression. Plus récemment, le mardi 11 septembre 2001 à midi les églises catholiques étaient beaucoup plus pleines que le mardi d’avant ou les mardis d’après.
Même notre pratique du jeûne de carême semble aller dans ce sens. En jeûnant nous nous privons délibérément de nourriture ou d’autres biens physiques dans le but de stimuler la croissance spirituelle. Dans la première semaine du carême, nous demandions à Dieu que « par les effets purifiants de la discipline du corps, nos esprits soient rayonnants en Votre présence avec la force de notre aspiration vers Vous. »
Ainsi Marx avait raison – la religion est-elle juste l’opium du peuple, destinée à être éradiquée une fois qu’une richesse suffisante et un bonheur matériel seront obtenus ? La foi disparaîtra-t-elle du monde industrialisé quand ses habitants auront vu croire leur confort ?
Premièrement, il n’y a rien de mal dans les biens matériels et le confort physique en eux-mêmes. Deuxièmement, jusqu’ici, la foi a clairement survécu à la multiplication des biens de luxe et à la sécularisation. Beaucoup encore croient, et croient avec ferveur, y compris quelques-uns des plus fortunés et ces plus aisés d’entre nous. Il y a des paroisses et des régions dans le monde industrialisé où la pratique religieuse est fervente, et ou des jeunes gens riches et pauvres répondent encore à l’appel de vocations religieuses. On peut donc dire que la richesse et le confort ne détruisent pas nécessairement la foi.
Mais il semble pourtant juste de conclure que « la vie du monde industrialisé », comme nous le connaissons aujourd’hui, est potentiellement ennemie de la vie de foi. Nos cœurs inquiets et destinés à Dieu, comme saint Augustin le dit, peuvent facilement être distraits (au sens littéral de « tirés loin de ») par la disponibilité large et facile du confort, des commodités et des médecines qui promettent le bonheur. Au milieu de l’allure frénétique et du vacarme constant de notre quotidien, la voix de Dieu qui préfère le silence et le calme, devient plus difficile à entendre.
Pourtant le monde industrialisé est plus qu’un excès de choses, de bruits et d’activités. Le pouvoir absolu de la technologie et des biens matériels a donné naissance à un unique esprit, une caractéristique de l’Âge moderne qui donna naissance au monde industrialisé : le service et le culte de nous-mêmes comme raison ultime de l’existence de ces biens. Plutôt que de voir notre progrès matériel comme un moyen de bâtir le Royaume de Dieu, le monde industrialisé a choisi d’utiliser la technologie pour bannir Dieu en tentant de faire de nous les souverains autosuffisants de l’univers. En tant que société, nous avons laissé les biens matériels nous conduire au matérialisme – la conviction que seul ce qui est physique et tangible a une réelle importance.
Aujourd’hui les ennemis de la foi dans le monde industrialisé sont aussi redoutables qu’à aucune autre époque de l’histoire du salut. Et cette histoire montre que les catholiques ont remporté un succès massif dans l’évangélisation de peuples entiers quand ils étaient poussés par deux convictions profondément ancrées en eux : un profond amour du Christ jusqu’au martyre, et la compréhension que ceux qu’ils rencontraient ne pouvaient être sauvés qu’en acceptant l’Evangile.
Notre Seigneur a promis que les portes de l’Enfer ne prévaudraient pas contre l’Eglise, mais ce n’était pas une garantie pour garder les âmes à l’intérieur de cette Eglise. Un nombre affligeant de résidents du monde industrialisé ont entendu parler de l’Evangile mais ne l’ont pas écouté. A moins que nos efforts d’évangélisation n’atteignent le même zèle que les victorieux missionnaires du passé, le monde industrialisé peut finir par être la raison de la question que posa Notre Seigneur, question qui donne à réfléchir et qui nous hante : »Quand le Fils de l’Homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre » (Lc 18 :8)
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David C.Bonagura Jr. enseigne au Séminaire Saint-Joseph, à New York.
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Tableau : «Notre-Seigneur Jésus-Christ» par James J. Tissot, c. 1890 [Brooklyn Museum]
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/22/can-faith-survive-in-the-first-world/
Dimanche 22 mars 2015
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SCIENCE ET TOLÉRANCE : THÉORIES « MAGNIFIQUES »
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- BAC 1992. DEVOIRS