10 janvier – Si la tragédie n’avait été qu’un psychodrame, nous aurions tous rigolé devant l’avalanche des sanglots, les cataractes d’aveux d’admiration, les tombereaux de ces « je n’étais pas toujours d’accord mais c’était des artistes », sans oublier tous les éloges adressés à ceux qui tombaient à bras raccourcis sur les musulmans, jusqu’à faire d’un visage un étron ; qui salissaient des réputions intouchables, usant des pires ficelles, trafiquant du mensonge aussi aisément que l’on boit un alcool à 90° jusqu’à laisser croire que Benoît XVI était un de ces affreux pédophiles et tueurs d’enfants !
Non, je ne suis pas de la bande de leurs adulateurs qui riaient en sauvages de leur tours et détours, qui les poussaient à toujours plus d’audace et d’ignominie. De la troupe de leurs abonnés, si accrochés à leur drogue hebdomadaire, toujours plus réjouissante au fur et à mesure que l’on s’enfonçait dans l’immonde.
Non, il m’eut été impossible, non par vertu bien entendu mais par dégoût, envie de vomir quand un ami, saisi d’épouvante d’avoir vu l’un de ces dessins chargés de renverser l’ordre du monde me l’envoyait, avec en question subsidiaire si vraiment une telle presse pouvait exister.
J’ai honte d’avoir vu à la télévision ces hommes et ses femmes avouant leur détresse d’avoir perdu en eux, bien plus que des amis, mais des repères et des témoins : ainsi donc ils exerçaient comme un apostolat de l’horreur ? Du mépris ? De l’irrespect de la pire espèce ? On dit qu’ils n’éprouvaient aucune haine envers quiconque, mais ces images contre Allah, Dieu le Créateur pour les musulmans, les fidèles du Père et du Christ et de l’Esprit Saint, contre le Crucifié, comment les écrire, les publier si aucune haine n’est éprouvée, n’est à la base de ces « travaux » ?
J’avoue le désarroi qui m’habite : ces gens qui nous assassinaient en noir et blanc aussi bien qu’en couleur, qui cinglaient nos regards à la cravache de la honte et du dégueulis, voici leurs dépouilles encagées en quelque morgue en attendant d’être ensevelies en leur tombeau
Ils étaient forts de leur audience, de leur pouvoir, de leurs relations si haut placées – des présidents et des chefs d’État, des ministres, des sénateurs, des députés, des pédégés, des milliardaires, des admirateurs à l’infini, tous les adulant, eux les fervents défenseurs de la liberté d’expression, qui suppose la liberté d’opinion mais aussi qui suppose le droit de tuer virtuellement ! -, les voici devant leur Juge, comme nous le serons tous, chacun chargé de son lot de vilénies, mauvaisetés, lâchetés !
Auront-ils eu le temps de prendre conscience de ce lourd fardeau de misères et d’abominations ? J’espère qu’en ces derniers moments les secondes deviennent des minutes, que les minutes s’enflent au point que l’âme, si affutées alors, d’oreilles si fines, puisse entendre quelque chose du silence de Dieu, porteur de tant d’amour, et s’interroge alors que la vie est encore perceptible, si peu que ce soit.
Quoiqu’ils aient fait contre l’Amour de Dieu, ils étaient et sont toujours de ses enfants. Pauvres enfants désormais, mutilés, asphyxiés, perdus, éperdus, jetés en un espace que les horreurs dont ils se sont nourris « avant » ne les ont pas habitués à prendre en compte : oui, j’espère pour chaque agonisant, je l’espère pour mes ami, et pour moi-même également, cette dilatation du temps, afin que leurs anges aient la faculté de leur parler, et qu’ils puissent une bonne fois donner leur réponse à la question posée en « origine ». Certes ils pourront encore dire « non, non et non ! » : au moins, eux qui peut-être n’ont jamais rien entendu de semblable, pourront-ils affirmer leur liberté de création, bien plus importante que la liberté d’expression.
Auront-ils seulement pensé à esquisser, devant l’inconnu – peut-être Dieu ? –, la première syllabe d’une demande de pardon ? De ce pardon absolument nécessaire si l’on tient de toute sa faiblesse à être déchargé de tant et tant de fragilités si propice à succomber aux pires des tentations ?
Je les considérais comme des ennemis : leurs armes étaient plus efficaces que celles qui tuent les apparences de la chair. « Méfiez-vous, avait averti Jésus, de ceux qui tuent, non les corps, mais les âmes ! » 1. Il savait cela mieux que nous tous. Combien, parmi ceux qui se délectaient à la lecture de « Charlie-Hebdo », se sont débarrassé du Crucifié si souvent re-crucifié ? De cet « amour » qu’Il nous demandait de vivre, le sien ?
Vient en ma mémoire l’exemple de Monseigneur Ion Ploscaru, qui fut condamné par Nicolae Ceaușescu à seize années de prison parce qu’évêque, avec interdiction d’écrire et de lire. Pendant ce temps, il composa, les matins tristes, des poèmes afin de rester vivant, conscient : l’après-midi il les apprenait par cœur. Quand il revint en sa cathédrale, il fit taper cette somme, dont un choix fut publié par mes Cahiers Bleus. La liberté d’expression, pour lui supprimée si longtemps, l’avait rejoint. Quel témoignage alors diffusé ! Quelle beauté !
Impossible de lâcher ce sujet sans en venir à la question du pardon. Nous tous, les chrétiens d’ici, nous avons été collectivement lâches : quand l’un de ces coups-bas nous était destiné, nous avons gardé le silence, nous nous sommes persuadés qu’il valait mieux ne pas protester, que ce serait mal interprété … Il aurait au moins fallu organiser une manif silencieuse mais visible, un office public, dans la rue peut-être, devant la porte de notre agresseur « virtuel » afin de lui faire savoir qu’il nous avait blessé affreusement et donc de l’inciter à nous demander pardon.
Et ce pardon il l’aurait obtenu ! J’écris cela conscient que mon propos sera pris par beaucoup comme l’expression d’une naïveté d’une stupidité « colossale », ou enfantine : ce dont je me fiche comme de ma première cigarette, et même comme de la pipe que j’avais achetée à Saint-Claude en ma dix-neuvième année … et que j’ai fichue à la poubelle, revenant d’une soirée mondaine où je m’étais ennuyé parce que j’avais oublié ce cher morceau de bois ; j’avais 21 ans.
Devant mon écran, je demeure l’esprit comme englué dans mes propres contradictions. Vif désir d’inscrire des mots comme on donne des coups de poing. Certitude défaillante que cela serait indigne. Je n’ai pas visionné un grand nombre de ces dessins issus de la barbe de Satan : mais je veux sans le vouloir qu’ils s’effacent tous de ma mémoire. Je cherche à me concentrer sur les pauvres parmi les pauvres que sont devenus ces victimes dès que leurs bourreaux ont eu envahi leur étage (les deux policiers étant mis à part, évidemment, qui ne portaient pas la responsabilité de la Rédaction de l’hebdo) : je cherche à les confier, au nom de tous ceux qu’ils ont blessés au plus creux de leur être, à ce Seigneur qui est compassion, miséricorde, amour et salut, en même temps une voix sourde m’assure qu’ils ont reçu leur jugement : et cela il m’est radicalement impossible de le dire, je ne suis pas membre du tribunal, seulement un pécheur qui sait que tout pécheur peut, jusqu’à l’ultime seconde de sa vie terrestre, se reprendre, s’avouer devant toute la Cour céleste un très pauvre homme, un égaré, regrettant tout ce qui, au profond de sa besace, s’apparente à quelque chose d’indigne et de mauvais. Ici, penser au bourreau allemand de Maïti Guirtanner, qui réussit à retrouver sa victime, qui l’enserra dans ses bras, sûre enfin de lui avoir pardonné l’effroyable traitement qu’il lui avait fait souffrir en tant que médecin de la Gestapo et dont elle supporta pendant plus de quarante ans la sorte de résille de douleurs qu’il avait instillée en elle par des manipulations de la moelle épinière. 2
L’angélisme est en lui-même une imbécillité dangereuse, surtout pratiqué par des gens qui sont tout ce que l’on veut sauf des anges. Ce défaut, car c’est un défaut, et même pire qu’un défaut puisque l’angélisme de nos dirigeants a mis tout un peuple en danger, le nôtre, ce défaut donc est essentiellement un vice de la Gauche : et notre Président est en lui-même une sorte de concentré d’hésitation, de mollesse, d’indécision, d’attitudes amphiboliques quand il s’agit de prendre des mesures d’importance pour l’avenir de la France. Ses propos sont gentils, mais pas ceux que l’on attend, c’est-à-dire une véritable prise de conscience de la menace qui grossit dans les lointains.
L’angélisme pousse au crime : en effet, il se refuse à voir le mal là où il est. Il ne peut donc jamais le traiter pour ce qu’il est, le mal. Exemple : les terroristes islamistes vivent tranquilles dans ces cités où la police ne va plus, au milieu de leurs proches, leurs amis, leurs relations, qui tous sont musulmans. En somme, la foule des musulmans protège celui qui attend son heure pour agir.
Cela ne signifie pas que ces musulmans approuvent les terroristes, mais la peur est plus forte que l’éventuel désir d’agir contre eux.
L’ensemble du corps gouvernemental socialiste démontre de jour en jour l’absence sienne du sens de la France. Quand M. Hollande décrit la France comme constituée à 25% d’immigrés : il oublie simplement que ces immigrés venaient de pays voisins et appartenaient à la mouvance chrétienne et donc dès la deuxième génération se sont retrouvés bien intégrés, ce qui est loin d’être le cas avec les nouveaux immigrés.
Autres détails : rien n’a été fait pour promouvoir la langue française dans le monde et rien d’efficace pour permettre aux jeunes venus d’ailleurs de parler correctement cette langue française sans laquelle en France ils ne peuvent être que perdus ; rien pour enseigner une histoire de la France qui soit exacte, compréhensible et exaltante ; rien pour assurer à la civilisation issue d’une société essentiellement chrétienne le respect du patrimoine prodigieux qu’elle avait su créer : au contraire, tout a été fait pour faire s ‘écrouler l’édifice culturel et spirituel, alors remplacé par des lois dont nous avons honte. Et si je reviens à l’événement « Charlie-Hebdo », nous avons pu constater à quel point leur « culture » doit beaucoup aux positions servies par les journaliste-caricaturistes, dont le moins que l’on puisse en dire est qu’elles étaient et sans doute continueront d’être totalement étrangères à nos propres choix.
Mon lecteur habituel sera peut-être désorienté en me lisant, tant il semble que je suis en ces heures bouleversé, mes poumons et mon cœur tourneboulés, mon esprit en déroute en même temps qu’assuré de ne pas avoir perdu le nord.
« Je ne suis pas Charlie, je suis la France », voilà le slogan qui m’eut paru le mieux approprié aux heures difficiles que traverse notre pays.
Pour aller plus loin :
- 47 Autre citation appropriée : « Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, ce n’est pas moi qui le juge ; car Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. 48 Celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles aura son juge : la parole que j’ai annoncée, c’est elle qui le jugera au dernier Jour. »
- Je viens de publier aux éditions Andas ma courte pièce de théâtre « Léo 84 » – dialogue entre le bourreau Léo, et un journaliste – qui relate l’histoire de ce pardon admirable