Les premières scènes du film de Ridley Scott, Exodus : Gods and Kings peuvent vous rappeler celui de Cecil B. DeMille Les dix Commandements (1956). Les deux films commencent par une rivalité entre frères et la construction de monuments. Mais tandis que l’épopée de DeMille présentait Moïse comme un saint personnage, Scott conçoit le Libérateur comme un combattant.
Ni l’un ni l’autre ne respectent vraiment l’histoire, si bien qu’il est inutile d’y rechercher les anachronismes dans l’archéologie ou les références bibliques. Pour cela, il faut rêver d’un grand documentaire ou film de fiction réalisé par un metteur en scène vraiment attaché à l’exactitude et à la Vérité. Et cela restera sans doute du domaine du rêve. Mais ni la science ni la théologie ne diminuent la valeur d’Exodus.
Ma femme est venue avec moi voir ce film qu’elle a baptisé en plaisantant Des Dieux et du maquillage, et Scott n’a effectivement pas lésiné sur le mascara et le khôl, mais, à la fin de cette épopée de près de trois heures, ma femme et moi avons convenu qu’elle était, comme on le disait, bien meilleure que prévu. Et voici pour quelles raisons.
Avant la sortie du film, Scott a déclaré qu’il espérait présenter les fléaux infligés par Dieu à l’Egypte comme le résultat de causes naturelles, et Christian Bale, qui joue le rôle de Moïse, a dit avec esprit que « Moïse était sûrement schizophrène et l’un des êtres les plus barbares sur lequel je sois jamais tombé dans mes lectures », ce qui en dit peut-être davantage sur les limites des lectures de M. Bale que sur le caractère du fils de Yokèbed et frère de Miryam et Aaron. En outre, à quoi bon vous mettre martel en tête et risquer la crise cardiaque en tentant de vérifier l’exactitude de ces films ou de ces histoires. Comme Benoît XVI l’a écrit à propos des erreurs historiques apparentes dans le récit de Saint Luc sur l’enfance du Christ, il faut faire confiance à l’évangéliste parce qu’il connaissait mieux le monde dans lequel il vivait que n’importe quel historien moderne.
En tout cas, la structure même du plan final d’Exodus : Gods and Kings prouve de manière intentionnelle que c’est Dieu qui libère le peuple hébreu de sa servitude. Ce qui est le contraire de ce que j’attendais.
Dieu donne la première manche au pharaon d’Egypte de l’époque [Séthi Ie], mais au début, le Libérateur est davantage dans la peau de Mao que celle de Moïse. M. Scott, dont les succès précédents sont Alien, Gladiator et Kingdom of Heaven, aime les scènes de bataille et, en regardant celles d’Exodus, vous serez fichtrement content de ne pas avoir été un Hittite.
Et pourtant le sang ne coule pas à flots, en tout cas, pas comme dans les dernières productions hollywoodiennes. Ensuite, après avoir rencontré Dieu sur la montagne, Moïse décide de libérer son peuple en menant une guerre de harcèlement contre les Egyptiens ordinaires afin que ceux-ci fassent pression sur Ramsès II (Joel Edgerton) pour que celui-ci laisse les Hébreux retourner à Canaan. Il est étonnant que Moïse qui connaît les impitoyables Ramessides depuis son enfance choisisse cette méthode.
Dans une rencontre suivant celle du buisson ardent, Dieu est en colère, mais Moïse aussi.
« Où étiez-vous ?! » demande le Libérateur ensanglanté, tandis que Thèbes flambe à l’arrière-plan.
« J’observais ta défaite », répond Dieu qui ajoute qu’Il va désormais se charger Lui-même de la besogne.
« Que puis-je faire ? » demande Moïse tout penaud.
« Tu peux M’observer. »
Surviennent alors les fléaux.
Le film est en 3-D, et les dix plaies d’Egypte sont plutôt stupéfiantes, surtout le sang et les grenouilles ; la vermine et les furoncles le sont moins. Quand nous arrivons aux ténèbres, juste avant la Pâque, Dieu met vraiment le paquet et un grand cri s’élève en Egypte.
Mais à propos de Dieu. Il est écrit dans l’Exode (3, 2-4) que « l’ange du SEIGNEUR lui [Moïse] apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson ». L’une des trouvailles de Scott est de faire de cet ange une espèce de chérubin. Ce personnage est appelé « le Messager » dans le scénario. C’est de ce Messager que Moïse reçoit sa feuille de route. Et quand arrivent les fléaux d’Egypte – tous les dix – Moïse ne va jamais voir Ramsès pour les lui annoncer. Et pourtant le pharaon est convaincu que c’est le Dieu des Hébreux qui inflige ces tourments à l’Egypte et comprend pourquoi.
Comme je l’ai dit, c’est le SEIGNEUR qui libère son peuple de l’esclavage.
Le style des dialogues du film – de même que celui du jeu des acteurs – relève du « naturalisme moderne ». La Good News Bible de l’American Bible Society a été retraduite pour fournir une « équivalence dynamique » des textes hébreux et grecs qui l’ont précédée, ce qui explique la médiocrité de la version filmique. A un moment donné d’Exodus, Moïse et Ramsès discutent de l’esclavage et on croirait entendre une joute verbale entre Woody Allen et Diane Keaton dans Guerre et Amour. O, quelles platitudes !
Quand les Hébreux quittent l’Egypte dans Les Dix Commandements, c’est dans la joie et j’ai toujours pensé que c’était la meilleure scène du film, surtout avec le son du shofar [corne de bélier]. Dans le film de Scott, c’est tout juste si les Hébreux ne quittent pas Thèbes furtivement. C’est comme s’ils avaient lu le scénario et savaient que le pharaon allait changer d’avis.
Lors du passage de la mer Rouge, qui peut oublier Charlton Heston levant son bâton pour partager les eaux et s’écriant : « Contemplez la puissance de Sa main ». M. Bale jette une épée dans l’eau, et la mer semble seulement s’écarter. Mais à ce moment-là, Moïse est devenu un homme de foi et de raison. Il dit au peuple : « Suivez-moi et vous serez libres. Restez et vous périrez ». La version de Scott et Bale est du meilleur cinéma, parce qu’elle est plus convaincante.
Exodus n’est pas un grand film, et ce n’est sûrement pas le meilleur de Ridley Scott, mais il est quand même bien meilleur que le délire antédiluvien de Darren Aronofsky, Noé. C’est un vrai spectacle : on peut voir sur l’écran que les 140 millions de dollars qu’a coûté le film ont été utilisés jusqu’au dernier cent.
Le 15 décembre 2014
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Photographie : Moïse (Mr Bale) et Ramsès (Mr Edgerton) discutent de l’esclavage.
Brad Miner est rédacteur principal de The Catholic Thing, directeur de recherche du Faith&Reason Institute, et membre du conseil d’administration d’Aid to the Church in Need USA. C’est un ancien rédacteur littéraire du National Review. Son ouvrage, The Compleat Gentleman est disponible en version audio et iPhone app.
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SOURCE : http://thecatholicthing.org/2014/12/15/moses-monotheism/