Grâce à la diligence de son service de communication, j’ai eu la chance de lire en avant-première la lettre que Jean-Luc Mélenchon vient d’adresser à celui qu’il appelle « Monsieur le pape ». Par cette missive, le député français au Parlement européen entend expliquer à François les raisons pour lesquelles il s’oppose à sa prise de parole devant l’assemblée dont il est membre. J’ai lu ce document avec un certain sourire, car j’y reconnaissais bien le style très personnel de l’intéressé, avec sa conception très particulière de l’histoire, et notamment de l’histoire de l’Église. J’ai noté, par exemple, à propos des persécutions religieuses en France cette omission étonnante de la persécution dont les catholiques ont été l’objet pendant la Révolution… et par la suite. C’est tout de même un peu gênant quand on prétend faire la leçon aux autres.
Il y a encore beaucoup d’autres affirmations qui mériteraient explications et mises au point, notamment celles qui concernent le pape et l’Argentine. Rappelant la souffrance des familles des victimes de la dictature militaire de Videla, Mélenchon se permet d’interpeller François en ces termes : « Souvenez-vous du prix que leurs familles attacheraient à une manifestation de votre compassion. » Je trouve cela assez odieux. Il est vrai que Jean-Luc Mélenchon avait encore été plus violent au moment de l’élection du cardinal Bergoglio, l’accusant d’avoir été du côté de la répression. Ce en quoi il s’associait à une campagne de calomnie dont la fausseté a été établie depuis. Il estimait même, sur le moment, que cette élection du cardinal argentin était une offense à la mémoire de son ami Chavez. Ironie de situation : au même moment, le successeur dudit Chavez proclamait que l’élection d’un Sud-américain résultait de l’intercession céleste du héros défunt.
Mais ce que refuse par principe Jean-Luc Mélenchon, c’est l’intervention d’une autorité religieuse dans une enceinte politique. Je ne sache pas que François participe à un débat au Parlement de Strasbourg sanctionné par un vote. L’autonomie politique est parfaitement respectée. Il s’agit simplement d’accueillir un hôte dont la parole singulière a un certain prix dans le concert européen et mondial. Rien de moins et rien de plus. L’ancien candidat à l’élection présidentielle devrait lire Jürgen Habermas pour saisir tout l’intérêt culturel et rationnel de notre héritage religieux dans le débat public.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 novembre 2014.
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La réponse de Martin Schulz, président du Parlement européen à la lettre de Jean-Luc Mélenchon a été publiée en éditorial de L’Osservatore Romano.