Conclusion d'un synode : des occasions perdues. - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Conclusion d’un synode : des occasions perdues.

Copier le lien

Il y a déjà eu tellement de reportages sur les événements de ce week-end à Rome, échafaudons plutôt quelques hypothèses sur la façon dont le synode aurait pu se passer :

1) Supposons qu’au lieu de ne pas rendre public l’essentiel des discours quotidiens des pères du synode, le Vatican avait suivi la procédure habituelle et avait fourni la récapitulation de ce qu’avaient dit les différents orateurs. De ce fait, nous aurions su durant les deux dernières semaines quels étaient les différents points discutés, quand, et plus ou moins par qui.

2) Supposons, de plus, qu’au lieu de publier la relatio finale samedi, avec les trois paragraphes n’ayant pas obtenu les deux-tiers des votes (en indiquant le nombre pour et contre), le texte se soit présenté comme habituellement un document de synode.

Quelles auraient été les conséquences ?

Dans le premier cas, le « tremblement de terre » (selon les mots de John Thavis) causé par le rapport provisoire de lundi dernier serait apparu pour ce qu’il était : une déformation et une publication non autorisée donnant à tort l’impression que le synode était profondément engagé dans de hasardeuses complaisances à l’égard des gays et des familles en situations irrégulières. Le langage vraiment radical et le nouveau ton semblant valoriser l’orientation homosexuelle elle-même – et que de nombreux journalistes paresseux ont identifié comme la pensée même du pape – auraient paru comme sans fondement, sauf sous la plume d’un archevêque. Et ce qui n’est pas une petite chose : on aurait pu éviter la colère et le choc en retour au synode, quand les participants ont lu le texte alors qu’il était déjà rendu public.

Dans le second cas, nous aurions eu un document final de synode portant sur le mariage et l’évangélisation qui n’aurait pas angoissé de façon singulière à propos des couples homosexuels ou de la communion pour les divorcés remariés. Si ça tombe, il n’en aurait même pas été fait mention. Imaginez un peu.

Ces deux semaines auraient été moins théâtrales, c’est sûr, mais les nouvelles auraient davantage collé à la réalité de ce que l’Eglise pense toujours. Le cardinal Napier, d’Afrique du Sud, a dû souligner les « attractions » qui ont détourné l’attention de beaucoup d’autres choses qui avaient gravement besoin d’étude et d’action.
Les gens aiment penser que François est un pape d’ouverture, mais l’ouverture à laquelle ils pensent est le libéralisme. Jamais l’appel radical à la pureté et la « porte étroite » de Jésus, qu’on retrouve facilement dans ses discours, et ses fréquentes références au démon et à son rôle dans la promotion du mariage gay dans le monde développé.

Il n’est donc pas surprenant que, lorsque le rapport final a paru, la BBC a immédiatement déclaré : « le pape subit un revers ». Les correspondants à Rome de NBC et CBS ont été entendu se plaindre de « deux semaines perdues ». Les groupes gays étaient déçus. Les journaux italiens se lamentaient sur « la résistance conservatrice ». C’est une façon de voir les choses, bien sûr. Plus significatif, pourtant, les cardinaux Burke, Pell, Müller, Napier et d’autres ont choisi la démarche inhabituelle de se plaindre publiquement de ce qu’ils considèraient comme une procédure biaisée. Les faits leur donnent raison, mais nous ne savons pas tout à fait à qui en incombe la faute – si faute il y a – il s’agit peut-être seulement d’incompétence notoire.

Les opinions propres au pape ont été impossibles à déchiffrer – malgré les pressions de nombreux journalistes – parce qu’il n’a rien dit de la semaine. Assez probablement, il désire des développements pastoraux. Après tout, c’est lui qui a invité le cardinal Kasper à donner la note dominante au consistoire de février, ce qui a lancé toute la controverse. Mais l’indentifier comme le plus radical, sur la base de documents tronqués, est lui faire une injustice.

Sous cet éclairage, il est intéressant que son discours final au synode ait été décrit pas ses auditeurs comme brillant et émouvant. Il a été applaudi longuement. Lu, il y paraît moins, mais il vaut la peine de s’attarder aux tentations qu’il souligne. Bien qu’ayant tendance à être un peu d’ordre général dans un sens, dans l’autre il montre un homme tentant de concilier les progressistes et les tenants de la tradition.

Les médias ont aimé quand il a commencé par dire que nous sommes tentés par une rigidité qui ne nous permet pas de recevoir les surprises que Dieu a en réserve pour nous. Les fanatiques, les scrupuleux, ceux qui se hâtent et ceux qu’on nomme traditionnalistes. Et les intellectualistes. Tous épinglés ici. Assez vrai, mais étant donné la solidité des forces anti-chrétiennes du monde moderne, peut-être qu’une rigidité quasi absolue est la seule chose pouvant nous garder de l’écrasement complet.

François l’a mis en balance avec ce qu’il appelle un « buonismo destructeur », un mot difficile à traduire, une sorte d’angélisme. Ceux qui succombent à cette tentation « dissimulent la blessure mais ne la soignent pas vraiment ». Ceux visés ici sont les progressistes et les libéralistes.

Il y a alors la tentation que Satan a inspiré au Christ Lui-même : transformer les pierres en pain, un détournement diabolique de notre cheminement ascétique, et son opposé qui semble faire la paire : transformer le pain en pierre pour lapider les pécheurs, les souffrants et les pauvres.

Chacun d’entre nous éprouve aussi parfois la tentation de descendre de la croix pour rendre les gens heureux, au lieu de rester là pour accomplir la volonté du Père, de se plier à l’esprit du monde au lieu de purifier cet esprit pour le faire tendre vers l’Esprit de Dieu.

Finalement, nous sommes tentés de négliger le depositum fidei, nous considérant, non comme les gardiens, mais comme les propriétaires et maîtres de la Foi, ou inversement nous sommes tentés de négliger la réalité, usant d’un langage élaboré pour ne rien dire : le byzantinisme, selon la formulation de François.

La rhétorique est savante, et beaucoup dans ces réflexions mérite qu’on sy attarde, mais il y a peu pour règler les problèmes concrets. François nous encourage bien souvent à accueillir l’Esprit-Saint, dont les fruits bien connus sont : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la foi, la douceur et la maîtrise de soi.

Selon les comptes-rendu, il y avait une quatité extraordinaire de tout cela dans la salle du synode jusqu’à la publication du rapport provisoire. On continue de nous dire que tout cela est un travail en cours en vue du synode ordinaire de 2015. Mais une opportunité, plusieurs opportunités ont ét perdues dans le gâchis à l’occasion de ce synode, extraordinaire à plus d’un sens. Et ce n’est certainement pas ce que voulait l’Esprit-Saint.

Illustration : le pape François

Source : http://thecatholicthing.org/columns/2014/opportunities-lost-a-synod-wrap-up.html