L’autre jour, j’ai été étonné par une femme très intelligente, une femme qui ne suit pas particulièrement les opinions politiques de l’Église. Alors qu’elle écoutait le cardinal Dolan parler de l’autorisation des gays à défiler pour la St Patrick, elle a tout simplement dit : « Il va y avoir un schisme dans l’Église ». Une réaction sur-dimensionnée, certes, mais elle n’est pas la seule à avoir été choquée.
Après cette annonce la semaine dernière, un prêtre m’a écrit pour me dire qu’il rencontrait beaucoup de personnes en colère. Les défis permanents posés à l’enseignement de l’Église et les mouvements de contre-culture, afin de connaître la vérité, suscite la colère. Une colère réelle. Et la faiblesse interne de l’Église ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu, surtout dans le plus important archidiocèse des États-Unis.
L’église catholique des États-Unis ne se divisera pas sur la question de la parade de la St Patrick, bien que certaines réactions, comme celles face aux propos vagues du Pape Francis, cherchent à nous dire quelque chose. Les sentiments sont souvent juste des sentiments, mais parfois les sentiments attirent notre attention pour faire oublier la vérité. La peur, la colère et la confusion que de nombreux catholiques ont ressenti récemment sont des indications d’un autre sentiment plus répandu : celui d’une fragilité de l’Église comme celle d’une institution publique d’aujourd’hui.
Paradoxalement, la persécution de l’Église en Chine, au Nigeria ou au Moyen-Orient est, d’une certaine manière, fortifiante. Cette persécution violente et barbare doit cesser. Mais l’ennemi et ses tactiques sont claires. Par ailleurs, le sang des martyrs est la graine de l’Église, tant qu’elle n’est pas semée trop abondamment.
En revanche, les moyens détournés que nos systèmes légaux mettent en danger lorsqu’ils prétendent protéger le pluralisme et la liberté religieuse en Europe, en Amérique, et dans les autres pays « développés », proposent des défis beaucoup plus subtils.
Ces défis sont aggravés lorsque nous nous inquiétons de savoir si les membres de la hiérarchie et les catholiques « ordinaires » sont complices dans cette lente diminution de substance de la foi.
Mais le défilé de la St Patrick des gays soulève la question sur la façon dont nous abordons de tels sujets, tout en restant le Corps du Christ (dans « nous « , comprenez les catholiques). Depuis quelque temps maintenant, nous avons été induit vers le mensonge : cette colère n’est pas chrétienne. Si nous regardons les comportements des premiers chrétiens de l’Évangile (et les meilleurs), Il est un peu en colère, surtout contre les mauvais bergers d’Israël. Mais Il était l’Homme parfait. Il était Dieu.
Et nous ne sommes pas Dieu. Il est impossible de déterminer à l’avance comment exprimer cette juste colère. Je considère la décision prise lors du défilé comme une grave erreur qui mènera à des problèmes encore plus graves. Mais en parlant de vérité, nous ne devrions pas simplement parler comme en politique partisane ou par le biais anonyme d’une boite mail. Ce n’est pas un acte chrétien, puisqu’en fait, cela contredit les recommandations de Jésus ( cf Évangile selon St Matthieu 18 ; 15-20).
Mgr Charles, archevêque de Washington a écrit un article recommandant aux catholiques de mettre fin à la parade de la St Patrick et au « Al Smith dinner », un dîner de bienfaisance au profit d’un œuvre catholique américaine. Tous deux ont été des événements culturels utiles à la foi, mais qui aujourd’hui la compromettent plus que ne l’aide. Il avoue aujourd’hui que ses propos avaient été trop durs. Si c’est en effet le cas, il nous faut trouver une façon moins sévère de dire les choses, mais assez sévère afin de remédier à cette situation.
Il y a eu beaucoup de spéculation publique. Que le cardinal ait été moqué à cause son soutien aux gays lors de la parade ; qu’il ait eu de la sympathie pour le mouvement gay; qu’il espère adoucir les critiques des médias laïcs lorsqu’il annoncera la fermeture de soixante-dix paroisses dans quelques semaines : cela semble être une mauvaise tactique puisque les ennemis de l’Eglise ne seront jamais apaisés ( ils parlent toujours des croisades et de l’inquisition), et guettent tout signe de faiblesse ou de retrait catholique.
Mais quelqu’un qui croit à l’origine divine de l’Église, comme le Corps Mystique, ou la grâce d’officier que les évêques reçoivent, doit avoir une approche différente. La grâce, même celle d’officier, peut être refusée, abusée ou ignorée. Cela ne devrait pas empêcher les personnes laïques et les autres de s’en tenir à un autre standard de critique que celui du reste du monde.
Le standard ici, c’est sainte Catherine de Sienne. Quand les papes ont cédé face à la pression du roi de France et déménagé au palais des papes d’Avignon (la captivité babylonienne de 1309 à 1378, période à laquelle l’Eglise s’est tenue éloignée de la foi), elle écrit au chancelant pape Grégoire XI, des propos forts mais toutefois chrétiens :
C’est ce que j’aimerais voir en vous. Si jusqu’à présent, nous ne nous sommes pas montrés très fermes, je souhaite et prie sincèrement pour que le temps qu’il reste, soit traité vaillamment et tel une personne forte, dans les pas du Christ, duquel vous êtes le vicaire. Et ne craignez pas, mon père, ce qui pourrait résulter de ces vents tempétueux qui s’abattent contre vous, ne craignez pas ces personnes en perdition qui se rebellent contre vous. Ne craignez pas: l’aide divine est proche. Prenez soin des seules affaires spirituelles, pour les bons bergers, puisque des mauvais bergers et des souverains, vous n’avez rencontré que la rébellion. Poursuivez dans cette voie, et remplissez avec zèle et sainteté ce que vous avez commencé avec sainte ardeur, en ce qui concerne votre retour, et la sainte et douce croisade. Et ne les différez plus, à cause des nombreuses difficultés qui sont apparues, et que le diable a dressé contre ces choses à faire, car il entrevoit sa propre perte… Pardonnez-moi, mon père, de vous avoir adresser autant de mots. Vous savez que c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/our-anger-fragility-and-the-remedy.html
Photo : Le cardinal Dolan et le premier ministre irlandais Enda Kenny à la parade en 2014.
Robert Royal est rédacteur en chef du journal « The Catholic Thing » et le président de l’institut « Foi et Raison » de Washington.