Vers la fin de l’Instrumentum laboris, le plan de travail détaillé qui va guider les participants du Synode sur la famille qui débute ses délibérations aujourd’hui, il y a un passage notable qui semble destiné à tout résumer :
Le pape Paul VI, en publiant l’encyclique Humanae Vitae, était bien conscient des difficultés que ses déclarations causeraient à l’avenir. Il a écrit, par exemple dans ce document : « il faut anticiper que peut-être tout le monde n’acceptera pas facilement cet enseignement particulier. Une violente contestation s’est levée contre la voix de l’Eglise, qui se fait plus intense grâce aux moyens de communication actuels. Mais ce n’est vraiment pas une surprise pour l’Eglise qu’elle soit, comme son divin Fondateur, destinée à être ‘un signe de contradiction’ (Luc 2:34). Elle ne doit pas pour cette raison rejeter le devoir qui lui est imposé de proclamer humblement mais fermement la loi morale en son entier, la loi évangélique comme la loi naturelle. » (HV,18)
C’est une déclaration qui compte, spécialement dans le climat actuel de l’Eglise.
Contrairement à la préparation de la plupart des autres synodes, le pape lui-même a été intimement impliqué dans l’élaboration et la rédaction de ce document qui trie, avec une perspicacité surprenante, les résultats de l’enquête menée dans le monde entier par le Vatican sur les attitudes des catholiques à propos de la famille. Et ce passage, mis en perspective avec l’annonce du pape que Paul VI (une « voix prophétique » comme l’a désigné François) sera béatifié durant la messe de clôture le 19 octobre et un indice fort que quelque chose a été négligé au milieu de la large controverse de ces dernières semaines.
Car très clairement, depuis les années 60 où la contraception a été généralement acceptée dans le monde développé, la famille a vécu une crise grandissante. Les efforts constants pour promouvoir « le sexe sans risque » ou le sexe sans conséquence, ni personnelle ni sociale – comme si c’était chose possible que de traiter avec la puissante Aphrodite – ont requis de détourner le regard du coût humain réel, en mariages brisés et vies détruites, un résultat qui nous avait été prédit dans les années 60, parfois par des personnages de l’Eglise, et qui devrait renforcer les familles et apporter un plus grand accomplissement humain.
Cependant, rien que noter cette vérité nous force à réaliser quelle pente escarpée affronte le synode. Cela vaut la peine de lire l’ Instrumentum Laboris, qui n’est pas long, et très incisif pa rapport à la norme des documents d’Eglise. A un moment, par exemple, il rapporte ironiquement que les catholiques des pays à majorité orthodoxe ont noté que la pastorale orthodoxe sur le divorce et le remariage, proposée par le cardinal Kasper, n’a pas réduit la fréquence des divorces.
C’est un plan de travail qui demande beaucoup d’efforts. Et en dépit de ses appels répétés pour une meilleure catéchèse et davantage d’efforts véritables pour « montrer la beauté » des enseignements de l’Eglise, il se focalise sur quelques questions réelle et cruciales pas seulement pour nos sociétés occidentales auto-complaisantes mais pour le reste du globe.
Le pape François a un génie particulier pour aller chercher ce qu’il a observé – ou tout au moins une partie de ce qu’il a observé. Les références à PaulVI citées plus haut sont passées au dessus de la tête des médias séculiers et de la plupart des organes de presse catholiques. Ils préfèrent la controverse, surtout quand cela favorise la libéralisation des moeurs.
Durant le week-end, le pape a prononcé deux homélies qui vont donc probablement retenir l’attention, et présenté quelque chose ressemblant à un programme, sans vraiment préciser dans quel sens le programme devait aller. Durant sa messe du vendredi à la maison Sainte Marthe où il réside, il a demandé « si nous sommes ouverts au chemin de salut de Dieu ». Venant au début de cet important week-end, cela a déclenché un flot de commentaires dès lors qu’il a dénoncé la « classe dominante » de l’époque de Jésus. Il continua en notant que le peuple de Dieu a vu que son salut se trouvait en Jésus. Il l’a opposé à un autre groupe, « leurs chefs, d’un autre côté, réduisaient le salut à l’accomplisement des 613 commandements qu’ils avaient créés dans leur ferveur intellectuelle et théologique ».
Il est difficile de ne pas penser que cette remarque s’adresse directement à ceux qui défendent la pratique traditionnelle concernant la communion pour les divorcés remariés. Ce n’est dit directement nulle part, bien sûr, mais de qui donc pourrait-on dire de façon plausible qu’il est attaché au « légalisme » ? (Ce n’est pas mon propre argument puisque je pense que les défenseurs de la position traditionnelle ont l’Ecriture, l’histoire et la charité de leur côté.) Le jugement contre les « légalistes » est très rigoureux, et c’était sa finalité.
De même, hier, durant la messe d’ouverture du synode, François a pointé la parabole de la vigne et dénoncé les pasteurs avides – avides à la fois d’argent et de pouvoir – qui chargent le peuple de lourds fardeaux qu’ils sont incapables de porter. Les prêtres riches sont une cible régulière du mépris de François, tout comme ceux qui recherchent le pouvoir dans l’Eglise. Le ton était moins mordant et plus incitatif :
Les assemblées synodales ne servent pas à discuter des idées belles ou originales, ou à découvrir qui est le plus intelligent… Elles servent à mieux prendre soin de la vigne du Seigneur, à coopérer à son rêve, à son projet d’amour pour son peuple. Dans cette occasion, le Seigneur nous demande de prendre soin de la famille, qui est depuis son origine une partie de Son plan d’amour pour l’humanité.
Pourtant, si nous le lisons littéralement, il dit : ne soyons pas légalistes, promouvons la pitié et non la rigueur. Ceux qui sont fustigés sont les faiseurs de règles, non les briseurs de règles. Selon votre position ou vos expériences dans l’Eglise, cela peut vous frapper comme un message nécessaire et urgent. D’autres, observant le catholicisme déboussolé autour de nous, peuvent avoir une opinion différente.
En Amérique au moins, l’application rigide des règles de l’Eglise ne semble pas le problème principal – c’est tout le contraire. C’est la même chose en Europe et en Amérique Latine. Des journalistes laïques ont fait tout leur possible pour donner la paroles à des catholiques divorcés et remariés qui communient quand même et ne croient pas que l’Eglise ait le droit de le leur interdire. Un témoignage anecdotique qui confirme que c’et une pratique largement répandue.
Mais que nous considérions le pape François honorant Paul VI ou discréditant ceux qu’il classe comme imposant aux gens des règles purement humaines, beaucoup est maintenant ouvert à la discussion, au débat, à la dénonciation, à la réhabilitation – et peut-être, Dieu le voulant, à la solution.
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing.
illustration : Paul VI
Source : http://www.thecatholicthing.org/synod_report/synod_report/synod-day-1–between-paul-vi-and-the-legalists.html