Un jour, W.H.Auden a dit que tous les critiques devraient montrer leurs références avant d’écrire sur des sujets littéraires. Les références auxquelles il pensait n’avaient rien à voir avec des diplômes universitaires ou des registres de publication. Auden a dit qu’ils devraient faire connaître à leurs lecteurs leur vision du Paradis.
Je pense que la demande d’Auden devrait s’appliquer aussi aux critiques sociaux et à tous ceux qui proposent des changements fondamentaux dans le droit ou les usages. Pour les soi-disant progressifs, la forme évidente de la question est « Où allons-nous ? Pourquoi voulons-nous aller là ? »
Mettons de côté pour le moment le fait qu’aucun paradis n’est possible sur la terre, puisque cela demanderait une vertu parfaite chez des hommes déchus. Comme l’a dit Solzhenitsyn, la ligne de combat entre le bien et le mal passe par tous les cœurs humains.
Mettons de côté le vain espoir que si nous suivons la route de briques jaunes, celle qui s’appelle « science » ou « démocratie » ou « égalité » ou « liberté sexuelle », nous atteindrons la Terre d’Oz, et tout sera bien, et absolument tout sera bien.
Mettons de côté les moyens nécessaires pour atteindre cette Terre Promise. La question pour les progressifs est « Quelle est cette Terre que vous promettez ? Qu’a-t-elle pour que vous en fassiez votre but ? A quoi ressemble-t-elle ? Quelle est votre vision du Paradis ? »
Pour le vrai conservateur, la question est plus douce et moins urgente. C’est parce que le vrai conservateur ne croit pas au Paradis sur terre. « Que devrait être un Paradis d’après vous ? En tenant compte de la fragilité de la nature humaine, quel faible reflet de ce Paradis nous ou nos ancêtres ont-ils déjà acquis, d’après vous ? Si nous avons perdu une partie de ce bien, comment pouvons-nous le récupérer ? »
Nous devrions voir d’emblée que la question concerne le grand débat de notre temps, celui de la soi-disant libération sexuelle. Alors, nous demandons au progressif sexuel : « Quelle est votre vision du Paradis ? Où nous menez-vous ?
Est-ce un pays dans lequel la plupart des gens sont mariés dans la fleur de l’âge afin que les hommes et les femmes passent peu de temps sans être attachés à la discipline de la vie de famille qui favorise la vertu et forge des liens ?
Est-ce un pays dans lequel presqu’aucun mariage ne se termine en divorce ?
Est-ce un pays dans lequel presque tous les enfants naissent dans le havre du mariage et protégés par un vœu de stabilité et de perpétuité ?
Est-ce un pays dont la culture populaire célèbre ce qui est noble dans l’homme, et non ce qui est grossier, bas et égoïste ? Un pays dans lequel on apprend aux garçons et aux filles qu’il est indigne de mener une vie d’hédoniste ?
Est-ce un pays dans lequel la pornographie s’appelle « saleté » parce qu’elle souille le corps et l’esprit ?
Est-ce un pays dans lequel les hommes disent beaucoup de bien des femmes, et les femmes beaucoup de bien des hommes ?
Est-ce un pays dont les mariages sont si forts que ceux qui deviennent la proie de malheurs flagrants ou de mauvais comportements peuvent trouver de l’aide promptement auprès de leurs voisins et de leur famille ?
Est-ce un pays dans lequel les églises sont pleines le dimanche ?
Est-ce un pays dont les familles sont si stables et si en vue dans la vie locale que les politiciens, les enseignants, et les hommes d’affaires doivent en tenir compte ? Un pays dans lequel les familles surveillent les écoles, et dont les enseignants sont considérés comme les délégués des parents, nommés à leur plaisir ?
Est-ce un pays où la vie de famille est féconde et vibrante pour qu’une vraie culture populaire fleurisse à partir du foyer au lieu que les divertissements de masse envahissent la maison.
Est-ce un pays dans lequel on honore les vertus qui renforcent et protègent la famille ? Un pays dans lequel on ne méprise pas la chasteté en l’appelant pudibonderie, mais où elle est estimée parce qu’elle comprend le contrôle de soi, la révérence pour les bienfaits des pouvoirs sexuels et la sainteté du mariage ?
Est-ce un pays dans lequel la première question d’économie est celle du bien de la famille ? Un pays dont les lois et les coutumes renforcent la vie de famille en donnant plus de chances aux enfants de passer le plus clair de leur temps à la maison avec un des parents présent ? Donc, un pays de voisinage et non de seule proximité, dans lequel les familles connaissent toutes les familles alentour afin qu’il y ait une sorte de famille élargie dans laquelle les enfants vivent leur vie de jeux surveillés par des regards responsables ?
Est-ce un pays dans lequel le gouvernement peut s’occuper de ses propres affaires parce que les familles, les voisins et les paroisses s’occupent bien de presque toutes les affaires vraiment importantes de la vie ?
Est-ce un pays dans lequel on accorde aux enfants la période bénie de latence sexuelle afin qu’ils puissent apprendre à être humains et à être des garçons ou des filles, avant d’entrer dans la période difficile de la puberté ? Un pays dans lequel quelqu’un qui exprimerait le désir de s’insinuer dans les sentiments sexuels d’un enfant serait regardé comme un monstre ? Un pays qui ne célèbrerait pas plus l’imposteur et pervers Alfred Kinsey qu’il ne donnerait à une route le nom d’un assassin en série ?
Est-ce un pays dans lequel on pourrait organiser un défilé annuel pour des gens qui célèbreraient leur quarantième anniversaire de mariage avec tous leurs enfants et petits-enfants à leur suite ? Un pays dans lequel le mot « pur » n’est pas un terme de moquerie, et « décadent » un terme d’éloge ?
Alors, aux partisans de l’absurdité biologique qu’un homme peut épouser un autre homme, nous demandons : « Est-ce un pays où vous seriez heureux ? Vous voulez que nous fassions semblant de pouvoir obtenir cette seule chose que vous dites désirer – sans avoir à renoncer à aucune de ces choses bonnes que les gens ordinaires ont toujours voulu, et dont ils ont souvent pu jouir. Mais n’est-ce pas une tromperie ? N’est-il pas vrai que vous ne voulez vraiment aucune de ces autres choses ?
Où nous menez-vous ? Pourquoi devrions-nous aller là ? »
Illustration : Le Paradis ? (Panneau central : Le Jardin des Délices Terrestres par Hieronymus Bosch, c.1500)
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/whats-the-aim.html
Pour aller plus loin :
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Charlie - Que penser ? Que dire ? 3/3
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Le cardinal Müller sur les questions des droits
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