Dans la tourmente qui a suivi le concile Vatican II, la théorie de « l’option fondamentale » fait partie des développements les plus pernicieux. L’option fondamentale sépare les actions morales spécifiques d’une orientation plus générale – fondamentale – de la vie. Par conséquent, elle soutient que les péchés spécifiques ne pèsent pas sur la condition de l’âme, ou sur sa destination après la mort. Dans cette optique, tout ce qui compte pour le salut est qu’on désire « fondamentalement » vivre pour Dieu plutôt que pour le mal.
Une victime théologique de la théorie de l’option fondamentale est le péché mortel, qui a depuis longtemps été défini par l’Eglise comme un mal d’une importante gravité commis en toute connaissance et avec un entier consentement. A la place, la théorie prétend que le péché mortel n’est pas une action spécifique mais une orientation inscrite au plus profond de la liberté d’un individu qui rejette Dieu. Mais étant donnée la gravité d’un tel rejet, la théorie soutient qu’une telle orientation est presque impossible pour un esprit sensé. Si un individu fait le choix de Dieu, alors ses actions, quelle que soit leur gravité, ne peuvent pas être des péchés mortels – ou des offenses menant à la damnation – parce que la personne, au fond d’elle-même, désire le bien.
La séparation qu’opère l’option fondamentale entre l’action et l’orientation, de même que son remaniement du péché mortel, ont été franchement condamnés par Jean-Paul II dans le paragraphes 67 de Veritatis Splendor :
Ce qu’on appelle l’option fondamentale, dans la mesure où elle se distingue d’une intention générale et par conséquent non encore déterminée de manière à faire prendre à la liberté une forme qui l’engage, est toujours mise en oeuvre grâce à des choix conscients et libres… Séparer option fondamentale et comportements concrets revient à contredire l’intégrité substantielle ou l’unité personnelle de l’agent moral, corps et âme.
Pourtant, comme toute autre hérésie avant elle, la théorie de l’option fondamentale a toujours à ce jour des adhérents et des promoteurs, longtemps après sa condamnation. (L’Histoire montre que c’est la solution biologique plutôt que le décret magistériel qui vient à bout des hérésies). Mais c’est la matière même de l’option fondamentale qui lui donne un coloration particulièrement pernicieuse. L’option fondamentale concerne le salut et ses partisans pensent savoir mieux que l’Eglise comment nous sommes sauvés.
Considérez un instant un professeur de théologie qui enseignerait devant une classe pleine d’étudiants un vendredi après-midi. Il sait comment beaucoup de ses étudiants vont passer les nuits du week-end. Grâce à sa charge, il peut présenter la position de l’Eglise sur la morale, le péché, la liberté, la sexualité. Ce que feront les étudiants plus tard ce soir-là dépendra de leur libre choix, mais si le professeur fait son devoir, les étudiants feront leur choix en toute connaissance de ce que Dieu attend d’eux. Et le sachant, avec l’aide de la grâce de Dieu, peut-être cela suffira-t-il à sauver des âmes de la perdition.
Mais ce professeur particulier, au lieu de cela, explique sa propre théorie, la théorie de l’option fondamentale. Il explique aux étudiants que ce qu’ils feront cette nuit ou demain n’a aucun impact sur la condition de leurs âmes, pour les entraîner vers le ciel ou vers l’enfer. Il ajoute qu’un péché mortel ne peut pas être un acte isolé, quelle que soit sa gravité. Tout ce dont Dieu se soucie, leur dit-il, est que l’orientation générale de leur vie soit en accord avec Lui.
Ce professeur n’a fait que donner licence à ses étudiants de se comporter à leur guise sur le campus cette nuit et toutes celles qui suivront, sans égard pour les conséquences aux yeux de Dieu. Et, par son arrogance, il a rendu extrêmement séduisante la large porte et le chemin facile menant à la perdition.
Dans la même encyclique, Saint Jean-Paul explique ce que le professeur aurait dû enseigner concenant le péché mortel : » l’homme ne court pas à la perdition uniquement en étant infidèle à l’option fondamentale par laquelle il s’est engagé librement vis-à-vis de Dieu. Avec tout péché mortel librement consenti, il offense Dieu comme dispensateur de la Loi. Il en résulte qu’il devient coupable au regard de l’ensemble de la Loi (cf. épître de Jacques 2:8-11) ; même s’il persévère dans la foi, il perd la grâce sanctifiante, la charité et le bonheur éternel ».
La menace abrupte de l’option fondamentale et son mépris patent pour la doctrine de l’Eglise suscite pas mal de questions pressantes. Qu’est-ce qui obsède quelqu’un qui devrait être instruit au point de le pousser à enseigner une déviance dangereuse et destructrice ? Quel bénéfice tire-t-il à présenter un moyen de salut mensonger ? Il sait sûrement que ce n’est pas lui qui arbitrera le destin éternel de ses étudiants ? Pourquoi, dans ce cas, enseigner sa propre théorie alors qu’il pourrait prêcher la voie enseignée par le Juge Lui-même ?
Nous résisterons à la tentation d’une psychanalyse, car il semble qu’en traitant avec l’ombre sombre de l’option fondamentale, nous faisons face à ce que Saint Augustin appelait le mysterium iniquitatis ( le mystère d’iniquité). Et face au mal, la rationalité est forcée de se retirer dans la lumière d’une rationalisation auto-centrée.
Comme conséquence du péché originel, nous pensons savoir ce qui est le mieux pour notre salut et celui des autres. Nous devrions tous prier pour que, lorsqu’il est question de salut, nous suivions l’exemple de Jean-Baptiste : il faut que le Christ et son Eglise grandisse et que nous diminuions.
David G. Bonagura enseigne la théologie au séminaire Saint-Joseph.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-fundamental-option-a-pernicious-choice.html
Pour aller plus loin :
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Le pernicieux rapport sur l'école catholique
- Christophe Colomb, et la théorie de la pizza
- Dans les coulisses de Vatican II
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.